La Presse Pontissalienne 207 - Janvier 2017

PONTARLIER ET ENVIRONS

La Presse Pontissalienne n° 207 - Janvier 2017 19

OUVRAGE

118 ans d’histoire

Schrader, fleuron de l’industrie pontissalienne Après la distillerie Guy, Philippe Del Fiol avec la complicité du photographe Thierry Petit s’attaque à l’histoire d’une autre

entreprise emblématique de la ville : Schrader. Un livre référence publié par Vandelle Éditions.

Q u’est-ce qui fait courir Schrader ? Peut-être l’envie de rester tou- jours à la pointe de l’in- novation dans la maî- trise et le contrôle des pressions. Comme si le progrès avait tou- jours fait partie de l’A.D.N. de cette entreprise qui emploie aujourd’hui 500 personnes dont une centaine d’intérimaires. Valves tubeless hier, valves T.P.M.S. aujourd’hui, valves ou autres pièces qui équiperont les véhicules à pile à combustible demain, ce côté précurseur marque l’histoire du site que ce soit du temps de Dubied puis de Schrader. À Pontarlier, on connaît forcé- ment le nom de l’usine et où elle se trouve. On sait probablement ce qui s’y fabrique quoique pour les nouvelles générations et les nouveaux habitants, on peut en douter. Question de discrétion. Ceux qui ont vécu le rachat par le groupe américain en 1959 peu- vent encore témoigner mais le temps passe et les souvenirs s’es- tompent. Policier de métier après avoir étudié l’histoire jusqu’en licen- ce, Philippe Del Fiol semble imprégné du devoir de mémoi- re industriel depuis qu’il vit à

Pontarlier. Après avoir fait ses gammes sur la Distillerie Guy, il s’est pris de curiosité pour un autre monument du patrimoi- ne industriel de la capitale du Haut-Doubs. Sa démarche a vite convaincu l’éditeur Emmanuel Vandelle qui l’avait déjà publié et Jean-Michel Bolmont, l’actuel président de Schrader. Laquel- le entreprise fait partie depuis 2014 du groupe Sensata Tech- nologies. “Depuis que je suis arri- vé chez Schrader en 2006, je suis toujours frustré sur le manque de clarté, de précisions sur les origines du site. Il y a un besoin de clarification et l’envie de savoir d’où l’on vient. C’est important pour le personnel. Le livre per- met de rendre son histoire à l’en- treprise” note le patron.

machines mécaniques, le grou- pe Dubied veut se positionner sur les pièces pour cycles. Sauf que les décolleteurs capables de répondre à ses besoins sont en France, d’où l’implantation du premier atelier Dubied en 1898 place du Petit Cours à Pontar- lier. S’ajoute bien sûr l’intérêt d’alimenter toute la France et ses colonies.” L’auteur a effectué des recherches pendant un an entre les archives cantonales de Neuchâtel, celle de Schrader, sans oublier les échanges avec les anciens ouvriers, cadres, diri- geants qu’il a pu rencontrer. Avec le développement de la pro- duction, le groupe suisse construit en 1908 l’usine telle qu’on peut encore la voir aujour- d’hui. L’environnement urbain en moins. C’est aussi à cette époque qu’est produite la valve pour automobiles qui deviendra le cœur de métier de l’entrepri- se vers 1920. Comme dans la plupart des usines de pièces mécaniques en France, Dubied fut réquisitionné pour partici- per à l’effort de guerre. Au pro- fit des Poilus de 14 mais au ser- vice de l’occupant en 39-45. Le rachat par l’Américain Schra- der en 1960 conforte la spécia- lisation vers la valve. “Le site de

Emmanuel Vandel l’éditeur, Philippe Del Fiol l’auteur et Jean-Michel Bolmont le président actuel de Schrader France Group.

Pontarlier va bénéficier des bre- vets américains.” Étonnant aus- si de voir qu’en 1960, la situa- tion géographique de Pontarlier n’était pas un handicap. “En 1959, Schrader était aussi implanté en Angleterre mais ne faisait pas partie de la C.E.E., d’où l’intérêt d’avoir un site en France.” Dans ses investigations, Phi- lippe Del Fiol souligne aussi la conduite des héritiers de la mai- son Dubied. “Quand l’usine a périclité à Couvet en 1987, ils ont remis les archives au can- ton de Neuchâtel.” Pour Noël, chaque membre du personnel et tous les retraités ont eu droit à un beau cadeau en forme de livre. Utile aussi de rappeler la visite présidentielle effectuée par Nicolas Sarkozy le 9 mars 2010. “Ce livre célèbre aussi 118 ans de carrière industrielle. C’est une façon de rendre un peu de ses lettres de noblesse à Schra- der et à l’industrie en général” , apprécie Jean-Michel Bolmont. Surtout dans le Haut-Doubs commercial. n Schrader fabrique des valves mais aussi des manomètres depuis très longtemps. Ici, l’atelier de montage qui mobilise une main-d’œuvre féminine en 1959.

Stabilité et innovation A près des exercices 2014 et 2015 à deux chiffres de croissance, l’activité de Schrader s’est stabilisée depuis 2016. “On est revenu sur un plus petit braquet” , précise le prési- dent. L’automobile représente encore 93 % des débouchés et l’entreprise fait un peu le forcing pour se diversifier sur les 7 % res- tant avec la volonté d’être pré- sente sur tous les circuits de fluides. “On a même créé une entité “Recherche et innovation”

avec deux chercheurs chargés d’anticiper les évolutions tech- nologiques. Ils mènent des recherches par exemple sur les véhicules à pile à combustible.” La difficulté de conserver la main- d’œuvre attirée vers la Suisse res- te toujours d’actualité tout com- me il n’est pas toujours facile de rester compétitif dans le moule français avec ses coûts du travail plus élevés qu’ailleurs. “On se démarque par la qualité, la per- formance et le taux de service” , argumente Jean-Michel Bolmont en soulignant aussi le devoir moral de conserver de l’emploi sur Pon- tarlier. n

Schrader reste d’abord le vivant témoin de la colo- nisation helvé- tique qui marqua l’histoire de l’in- dustrie pontissa- lienne. “L’explosion du marché de la bicyclette se confir- me à la fin du XIX ème siècle.Dans le Val de Travers où il fabrique des

Un devoir de mémoire industrielle.

Le 9 mars 2010, visite du président

Nicolas Sarkozy à l’usine Schrader.

Détail de la ligne dédiée aux bouchons de valves.

Inauguré en 1925, Port Edco accueillait au bord du lac Saint-Point les salariés de l’entreprise. L’entreprise vient de se séparer sa propriété en novembre dernier.