La Presse Pontissalienne 206 - Décembre 2016

PONTARLIER

15 La Presse Pontissalienne n° 206 - Décembre 2016

COMMERCE Ils dénoncent une hypocrisie L’arrivée du paquet neutre ou l’art d’enfumer les buralistes

S’ils sont épargnés par un taux de change qui leur est favorable, les buralistes frontaliers du Haut-Doubs dénoncent vivement les contraintes du paquet neutre. Coup de gueule.

importante des prix du tabac sans savoir ni quand, ni de combien. Seule certitude, toute augmentation fera la part belle aux ventes de cigarettes “clandestines” qui échappent à toutes taxes et sont sans doute encore plus toxiques. Aujourd’hui, une cigarette sur quatre est vendue sous le man- teau. Les buralistes frontaliers avec la Suisse évitent une fuite des consom- mateurs chez nos voisins où les ciga- rettes sont plus chères depuis l’envo- lée du franc suisse en janvier 2015. Souvent accusés d’être les marchands de la mort, les buralistes ne veulent plus de cette étiquette. “On ne renie pas les dangers du tabac mais on esti- me que ce n’est pas à nous de porter tout le poids de la prévention. Ce serait sans doute plus pertinent d’agir davan- tage au niveau des écoles.” Plusieurs détails gênants accompagnent ce paquet neutre à la française : disparition des taux de nicotine, changement de nom de certains paquets… “Je boycotterais volontiers certains cigarettiers mais on n’a guère le choix que de s’adapter” , se résigne le gérant du Joker. Sur les nouvelles compensations finan- cières proposées par l’État, les deux buralistes rappellent que la plupart des aides s’adressent à des détaillants en milieu rural dont les chiffres d’af- faires ne dépassent pas 300 000 euros. La rémunération des buralistes va pro-

L e choc des images. “Quand j’ai proposé des paquets neutres à des clients suisses, ils ont clai- rement refusé, préférant les payer un peu plus cher en Suis- se”, explique Philippe qui tient le tabac- presse du Joker à Jougne. Cette mise en place du paquet neutre s’inscrit dans le plus grand flou artistique. “Après avoir juré qu’il n’y aurait pas un tel dispositif avec Macron, le gou- vernement a fait marche arrière sous la pression des intégristes anti-tabac pour adopter non pas le paquet neutre européen mais une version française sans jamais avoir procédé à la moindre étude d’impact” , s’énerve Laurent Gas- perin. Comme tant d’autres confrères, le bura- liste pontissalien considère qu’il s’agit d’une vraie trahison envers une pro- fession dont 80 % du chiffre d’affaires repart dans les caisses de l’État. Exemple sur le paquet de Marlboro à 7 euros, l’ensemble des taxes repré- sente 6 euros. Il reste 0,60 euro pour le cigarettier et 0,40 euro pour le bura-

liste. “On enregistre la fermeture de 9 000 bureaux de tabac depuis 2000, soit entre 25 000 et 30 000 personnes sur le carreau. Avec ce manque de visi- bilité, on hésite à investir. J’avais un projet d’extension mais j’ai préféré tout arrêter” , poursuit Laurent Gasperin. L’adoption de la version française du

paquet neutre accentue l’uniformisation du linéaire tabac, prêtant davantage à confusion sans négliger le côté cho- quant des images offertes aux buralistes. Lesquels s’inquiètent également de la disparition des billes menthol dans les filtres. “Les fabricants ont sorti des produits équivalents mais on ne sait pas si les consom- mateurs accepteront ce changement.” Bien sûr, les débitants de tabac craignent à jus- te titre une hausse

Une cigarette

“La neutralité à la française s’applique seulement aux cigarettes alors que les cigares bénéficient d’une neutralité européenne moins traumatisante”, comme le montre Laurent Gasperin, buraliste pontissalien.

sur quatre est vendue sous le manteau.

gressivement évoluer passant de 6,9 % du prix de vente des tabacs à 8 % en 2021. “Il faut savoir que le tabac rap- porte en moyenne 50 % du chiffre sur la bande frontalière” , précise Laurent Gasperin. Au comptoir, les commentaires vont bon train envers l’État. “Ils n’ont rien d’autre à faire ?” “Que font-ils pour diminuer la consommation de tabac ? Rien.” “Au lieu d’investir 10 millions

d’euros dans les campagnes anti-tabac, ils feraient mieux de dépenser cet argent dans la recherche médicale.” Laurent Gasperin s’étonne qu’on n’étende pas la neutralité à d’autres familles de pro- duits comme le vin, l’alcool voire le sucre… Lui n’est pas trop inquiet de l’évolution du marché des cigarettes électroniques. “Le marché s’est tassé, on n’est plus trop inquiet” dit-il. n F.C.

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