La Presse Pontissalienne 205 -Novembre 2016

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 205 - Novembre 2016

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BANQUE

Crédit Agricole C’est là que tout a commencé… La Maison de Salins a été inaugurée le 14 octobre par les instances du Crédit Agricole. C’est ici, en 1885, que l’aventure mutualiste de la banque verte a démarré.

D e la petite maison rose de Salins-les-Bains à la grande banque mondia- le riche de 150 000 col- laborateurs dans le monde, 130 ans ont passé. Comme un sym- bole, cette même petite maison

rose, rachetée récemment par la banque verte et entièrement restaurée, le tout pour 1,5 mil- lion d’euros, est le siège de la toute nouvelle “Fondation Mai- son de Salins” dont l’objectif est de “recevoir, animer, accueillir

toute personne concernée, de près ou de loin, par le modèle coopé- ratif dont cette maison est la mémoire et se veut également le laboratoire. On veut monter à travers cette Maison de Salins que dans ce monde économique en mutation permanente, le modèle coopératif peut être une vraie alternative. Ce n’est pas un hasard que ce soit ici, au pays des utopistes, qu’ait été créée la première caisse de crédit mutua- liste” résume Élisabeth Eychen- ne, la directrice générale du Cré- dit Agricole de Franche-Comté. C’est ici, à Salins-les-Bains et dans cette maison, que Louis Milcent et Alfred Bouvet ont fondé en 1885 la caisse du Cré- dit Agricole du Jura, prémices de la future banque Crédit Agri- cole. “C’était une époque où les agriculteurs n’arrivaient pas à trouver de financeurs pour leurs projets. Ces visionnaires ont com- pris tout l’intérêt du modèle coopératif qui perdure aujour-

Élisabeth Eychenne, directrice générale et Jean-Louis Delorme, président de la caisse régionale du Crédit Agricole de Franche-Comté.

d’hui” ajoute Jean-Louis Delor- me, le président du C.A.F.C. Ce lieu rempli d’histoire qui est la

ral de nombreuses caisses locales qui viennent de toute la Fran- ce y tenir séminaires ou réunions. “Une aubaine pour l’économie de la ville de Salins” souligne M. Delorme. 25 caisses régio- nales de France et d’outre-mer adhèrent à cette nouvelle fon- dation portée sur les fonts bap- tismaux le 14 octobre dernier devant plus de 300 personnes. “Cette fondation aura pour but de faire vivre ce que sont les valeurs de la coopérative et du mutualisme” poursuit Mme Eychenne, et ce, à travers un centre de documentation, un

centre de recherche, un centre d’archives (les archives des caisses du Crédit Agricole sont en cours de numérisation), ou encore un lieu d’expositions per- manentes et temporaires des- tinées à valoriser l’histoire coopé- rative et mutualiste. La Maison de Salins pourra également accueillir des animations péda- gogiques ou des événements en lien avec les associations locales ou les musées francs-comtois. Un vrai lieu de vie, riche de 130 ans d’histoire, mais résolument tourné vers l’avenir. n J.-F.H.

maison natale du Crédit Agri- cole connaît donc une secon- de vie. “Nous avons même retrouvé la cou- leur d’origine de cette maison.” En quelques mois, la Maison de salins est devenue le quartier géné-

“Faire vivre ce que sont les valeurs de la coopérative.”

La Maison de Salins abritera la Fondation en cours de création.

TRANSPORT

Les petits camions gris Après le plombier, le camion polonais

Les camionnettes de moins de 3,5 tonnes conduites par des chauffeurs des pays de l’Est échappent aux contrôles de temps de conduite. Le trafic explose dans le Doubs, posant des questions de sécurité, de droit du travail, de concurrence.

L eur nombre ne cesse d’augmen- ter mais paradoxalement, ils se font discrets sous leur bâche blanche (ou grise) vierge de tou- te publicité. Sans doute les avez-vous déjà aperçus. Qui ? Les véhicules uti- litaires légers (V.U.L.), des camion- nettes de grandes tailles, souvent en bon état d’ailleurs, immatriculées dans les pays de l’Est, enmajorité la Pologne mais aussi en Roumanie, République tchèque, Lituanie. À n’importe quelle heure de la journée, de la nuit, du lundi au dimanche, vous en croiserez sur la R.N. 83 et une par- tie de la R.N. 57 entre Pontarlier et Besançon. “Ils font souvent le trajet de l’Est de l’Europe pour rejoindre la val- lée du Rhône et passent par le Doubs” constate la F.N.T.R., fédération des transporteurs routiers de Franche- Comté qui représente 964 entreprises de transport en région, 434 dans le Doubs. 64 76 hommes et 879 femmes sont salariés en région dans ce secteur, chiffre en baisse après les nombreuses défaillances d’entreprises. La fédération ne cesse de déplorer cet- te concurrence déloyale. Les camion- nettes ne disposent pas de chrono-tachy- graphe, un appareil demesure du temps de conduite et de la vitesse. “Ils échap- pent effectivement à ces contrôles et peu- vent rouler le dimanche” admet Olivier Thirion, chef adjoint au service mobi- lités et transports à la D.R.E.A.L. de Bourgogne-Franche-Comté, direction

Comme un pied de nez, cette camionnette polonaise livre une usine en face des bureaux de la F.N.T.R. qui dénonce cette concurrence déloyale.

qui contrôle ce secteur. “Certains condui- sent jusqu’à 20 heures de suite !” déplo- re un professionnel. En revanche, ils sont soumis à respecter un poids infé- rieur à 3,5 tonnes. Les surcharges ne sont pas rares. La D.R.E.A.L. veille et verbalise les dépassements. Selon un rapport national édité en 2016, il y aurait 8 V.U.L. pour 100 poids lourds “sauf que lorsque vous êtes sur la rou- te, ce n’est pas ce que l’on voit. Le pro- blème va en s’amplifiant” constate Ber- nard Iehl, responsable des transports du même nom dans l’Aire urbaine et président de la F.N.T.R. La France a

plus souvent, ce sont des pièces à des- tination de l’industrie automobile mais pas uniquement” répond Jonathan Marin, délégué régional F.N.T.R. Pour cette fédération, qui ne cesse de demander une législation européenne en la matière, ces “petits camions” sont vécus comme une concurrence déloya- le. Ils posent la question des conditions de travail. Ils sont un non-sens écolo- gique : “Au lieu d’utiliser un poids lourd de 44 tonnes, les affréteurs préfèrent utiliser 7 petits camions car cela coûte moins cher…” explique JonathanMarin, spécialiste juridique. “Le transport d’une palette entre le Doubs et Rennes coûte environ 150 euros. En passant par ce réseau, vous paierez 50 euros” annon- ce un transporteur. Une forme d’hy- pocrisie fonctionne dans le métier : ces transporteurs de l’Est arrangent les commissionnaires de transport qui maintiennent leurs marges. “Pour résoudre le problème, il faut imposer le chrono-tachygraphe à tous les V.U.L. qui font du transport à compte d’au- trui” réclame Bernard Iehl. Il s’est ren- du à Bruxelles pour plaider cette cau- se. Le salaire du routier, il est payé par rapport à son pays d’origine, soit envi- ron 500 euros par mois pour un chauf- feur polonais. Cela a pourtant évolué depuis juillet grâce à la loi Macron : la France vient d’imposer par la voix de son secrétai- re d’État auxTransports, et contre l’avis

depuis belle lurette per- du le monopole du trans- port à l’internationale. Faute de compétitivité, ses entreprises perdent cette fois les marchés locaux. La journée, ou la nuit, ces routiers de l’Est s’arrê- tent quelques heures sur des parkings. Ils sortent leur réchaud à gaz, ouvrent une boîte de conserve et discutent avec d’autres compères sou- vent de même nationali- té. Quand ils ont la chan- ce d’avoir une cabine, ils dorment dans celle-ci. Les autres se posent sur la banquette. Sacré confort ! Que transportent-ils ? “Le

de la Commission européenne, de payer auminimumau S.M.I.C. les chauffeurs roulant en France. L’Allemagne et l’Ita- lie ont déjà pris cette mesure. Ce qui n’est pas du goût des pays de l’Est. Il demeure un vide juridique soulevé par les professionnels : les entreprises françaises qui passent commande à ces transporteurs roumains ou polonais doivent s’assurer que le chauffeur est bien rémunéré au S.M.I.C. français au risque d’être amendés. “Comment fai- re ? , interroge la F.N.T.R. Encore faut- il savoir lire un contrat de travail en polonais. Et si on refuse la marchan- dise, que dira notre client ?” Bref, ce n’est pas si simple. “On souhaite que la règle de cabotage diminue, c’est-à- dire qu’un transporteur des pays de l’Est ne puisse plus transiter 7 jours en France avant de repasser la frontière,

mais 3” poursuit la fédération. En cas de non-respect du cabotage, le contre- venant s’expose à une amende pouvant monter à 1 125 euros. Et les risques d’accidents ? : “Si on constate que quel- qu’un est très fatigué, on peut consul- ter sa feuille de route.” Il s’agit en fait d’un simple carnet (comme cela se fait il y a 40 ans) où le conducteur écrit ce qu’il veut. À la limite avec le Doubs et le Jura, un contrôle de gendarmerie réalisé mi- septembre a permis de verbaliser deux V.U.L. roulant à tombeau ouvert. L’un d’eux avait d’ailleurs doublé sur une ligne blanche. La profession française assure ne pas vouloir stigmatiser ces salariés, bien souvent exploités. Elle souhaite simplement une harmonisa- tion des règles. Pendant ce temps, les V.U.L. avalent les kilomètres… n

100 euros moins cher pour entre le Doubs et Rennes.

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