La Presse Pontissalienne 204 - Octobre 2016

LE PORTRAIT

51 La Presse Pontissalienne n° 204 - Octobre 2016

DÉSERVILLERS

Il défend les savoir-faire traditionnels

À table avec Gilles Fumey Originaire de Déservillers, ce professeur de géographie culturelle de l’alimentation à

Enseignant à la Sorbonne, Gilles Fumey étudie l’évolution des modèles alimentaires.

I l est né en au berceau du comté. Ce détail revêt beaucoup d’im- portance chez ce fils d’éleveur. Étant de Déservillers, il parti- cipe assez naturellement au septième centenaire de la fruitière du village en 1973. Une révélation pour le jeune lycéen qui va trou- ver ce pourquoi il est fait. Curio- sité, goût de l’histoire, passion ali- mentaire, il ne lui reste plus qu’à cultiver ce qui nourrira ensuite toute son existence. D’abord des études de géographie à Besançon jusqu’à l’agrégation. Puis il part à Lyon où il découvre la gastronomie des restaurants. Nommé professeur à Paris en 1989, l’Université de Paris- Sorbonne n’oublie pas ses racines et ne se prive jamais de vanter les charmes gastronomiques de sa Comté.

va perdurer, il estime que oui, le phénomène va s’installer durable- ment dans le temps. Il dénonce bien sûr farouchement la pression de Lactalis sur les producteurs lai- tiers. En bon Franc-Comtois élevé à la campagne, il s’inquiète à juste titre des menaces qui pèsent sur le modèle latin alimentaire. Le nôtre bien sûr avec ces trois repas partagés assis, à table. “C’est le repas eucharistique. Nous sommes une civilisation de la table. La table, ce n’est pas n’importe quoi. C’est un lieu social autour duquel on va saluer la mémoire des défunts, le calice. Aujourd’hui, le modèle amé- ricain prend le dessus. Ils ont inventé une nourriture pour manger debout avec les doigts, des produits très salés et boire très sucré. À l’origine, l’Américain est un pauvre qui vient de l’Europe à qui on a donné une terre pour cultiver des céréales et de la viande. Le farmer américain fait duminerai alimentaire contrai- rement à nos agriculteurs qui sont des producteurs.” Pour Gilles Fumey, aucun doute la grande distribution est l’héritage du modèle alimen- taire industriel. Dans ces circonstances, comment l’agriculture comtoise peut-elle s’en sortir ? L’avenir est dans la capa- cité des filières locales à cultiver leurs singularités, sans tomber dans la production industrielle. Surtout de ne pas restructurer à outrance le modèle coopératif du comté. “On sait ce que deviennent les coopératives qui grossissent trop où il n’y a plus que des logiques financières qui prévalent.” Il sug- gère même le retour à la polycul- ture qui n’a rien de rétrograde. “C’est tout le contraire car cela a toujours permis aux paysans de se protéger contre les catastrophes.” n F.C.

il passe assez curieusement par la case d’inspecteur pédagogique en Picardie avant d’être élu à la Sor- bonne en géogra- phie de l’alimen- tation. Il est à l’origine de la créa- tion d’un master dédié aux cultures alimentaires puis monte un labora- toire de recherche C.N.R.S., axé sur les nourritures de demain. S’il voyage dans le monde entier, celui qui se passionne

pour la musique baroque et les sciences sociales - il cite volontiers Proudhon et Fourier - aime à reve- nir au pays où il a grandi. “Partout où je vais à l’étranger, on me parle de comté” , rappelle ce fervent défen- seur du modèle coopératif, notam- ment celui de la filière comté. Un modèle qui n’est pas que le fait de la paysannerie. “Il y a d’autres fac- teurs explicatifs dans l’histoire du comté : le climat, la religion, la vache et il y a surtout du sel en abondance. C’est un instrument de contrôle et de promotion territoriale. Donc le comté, ce n’est pas seulement du lait mais aussi du sel. La connexion va se faire au XIII ème siècle et mar- quera l’émergence d’un autre modèle alimentaire.” Il se passionne tout autant pour

l’histoire de la Vache qui rit. “C’est un coup de génie même si rien n’est acquis pour l’éternité” , explique celui qui déplore que la célèbre por- tion figure désormais sur la liste noire des produits à éviter à tout prix. Trop salé. “Elle en a vu d’au- tres. Il faut toujours essayer de se replacer dans le contexte avec des gens prêts à apporter leur contri- bution dans la mise au point d’un produit. Ceci pour dire que laVache qui rit, ce n’est pas seulement le fait de Léon Bel et Benjamin Varnier le dessinateur mais l’œuvre de toute la société locale.” En Franche-Comté comme ailleurs, Gilles Fumey estime que les res- taurants sont un modèle en voie de disparition. “Cette filière a com- plètement loupé le coche et s’est fait

dépasser par le snacking qui sem- ble promis à un bel avenir. Trop de restaurateurs ont abandonné leur métier à des transformateurs, à des financiers, qui ont calculé des bons ratios et qui couleront, à terme, le modèle.” Ne lui parlez pas de la grande distribution. Les super- marchés se sont employés à gom- mer des territoires tout ce qui fabrique de la diversité et ce qu’on appelle aujourd’hui l’authenticité. “La grande distribution reste un des grands acteurs de la malbouffe. C’est une incitation à surconsom- mer. Au final, on n’y fait aucune économie. Il y a beaucoup de gas- pillage, une promotion très agres- sive, de l’achat forcé.” Quand on lui demande si la nour- riture bio très en vogue aujourd’hui

Bio express

Ne lui parlez pas de la grande distribution…

Né à Déservillers, 58 ans Professeur à la

l

l

Sorbonne

Grand voyageur

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l Amateur de musique baroque, peinture et sciences sociales

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