La Presse Pontissalienne 203 - Septembre 2016

LE DOSSIER 24 l Interview

La Presse Pontissalienne n° 203 - Septembre 2016

Un universitaire suisse

“La bande frontalière à cheval entre l’économie productive et résidentielle”

“Les villes suisses gagnent de la popula- tion, ce qui les distingue des villes françaises”, constate Patrick Rérat, pro- fesseur de géographie à l’Université de Lausanne.

Côté suisse, une spécialisation dans l’éco- nomie productive avec la présence des entreprises tournées vers l'exportation. Côté France, on est sur une économie davan- tage résidentielle ou présentielle basée sur le travail pendulaire avec la création d’em- plois de service liés à la population rési- dente. Cette spécialisation originale engendre de la mobilité mais les infra- structures existantes ne sont pas dimen- sionnées pour absorber ces flux ponctuels et massifs. D’où les bouchons récurrents. n Propos recueillis par F.C.

Les logiques de développement sont parfois très différentes de part et d’autre de la frontière. Explications avec Patrick Rérat, professeur de géographie à l’Université de Lausanne.

L a Presse Pontissalienne : Peut-on consi- dérer l’Arc jurassien comme un territoire particulièrement dynamique au vu des éléments présentés dans cet atlas ? Patrick Rérat : Ce document propose un dia- gnostic territorial autour de différentes thématiques comme la population, l’em- ploi… D’un point de vue global, on obser- ve deux territoires en croissance démo- graphique. C’est positif, même si on se situe néanmoins sous les moyennes nationales de chaque pays. L.P.P. : Cette croissance est-elle identique de chaque côté de la frontière ? P.R. : Non. Si on zoome, on constate de grandes différences En Suisse, le dévelop- pement géographique se concentre dans l’arc lémanique et autour de villes comme Lausanne, Yverdon, Neuchâtel. Ces villes regagnent elles aussi des habitants depuis une quinzaine d’années. On ne retrouve pas ce phénomène de réurbanisation en France où les villes continuent à perdre de la population. L.P.P. : Comment expliquer cette différence ? P.R. : Les causes de la croissance ne sont pas les mêmes. La partie française de l’Arc jurassien gagne des habitants avec le sol- de naturel alors qu’en Suisse, le moteur de la croissance repose sur le solde migratoi-

re. Parmi les nouveaux arrivants, de nom- breux migrants européens, bien qualifiés s’installent en ville. Reste à savoir main- tenant si cette croissance citadine va per- durer ? Très peu d’observateurs suisses avaient imaginé dans les années quatre- vingt-dix une reprise de la croissance démo- graphique dans les villes. L.P.P. : Le Français est-il plus porté que le Suisse sur l’objectif de devenir propriétaire d’une maison, ce qui irait aussi dans le sens de la périurbanisa- tion ? P.R. : Ce n’est pas vraiment une question de culture. Les enquêtes montrent que le Suisse a tout autant envie d’être proprié- taire sauf que l’accès à la propriété y est plus complexe et onéreux. Reste à savoir maintenant si cette croissance citadine va perdurer. Les politiques d’aménagement en France favorisent aussi davantage la périurbanisation. L.P.P. : La situation est identique sur la bande fron- talière ? P.R. : Non, pas tout à fait. On peut d’ailleurs parler de périurbanisation transfrontaliè- re avec des villes comme Morteau, Villers- le-Lac qui se développent car elles sont à proximité des bassins d’emplois suisses. On observe une vraie spécialisation sur la bande frontalière entre les deux territoires.

Dix ans de coopération statistique transfrontalière Fournisseur de données au service des décideurs, des chercheurs, de la presse, l’O.S.T.A.J. s’impose comme un élément incontournable de la coopération.

atlas cartographique interactif qui permet à l’utilisateur de sélection- ner ses propres critères pour géné- rer des cartes personnalisées.” L’O.S.T.A.J. propose également des services d’analyse à la carte à la demande de diverses collectivités, universités, administrations. Toutes ces activités mobilisent l’équivalent de deux emplois à temps plein. “L’at- las qui vient de sortir marque un peu la fin d’une époque car on va devoir s’adapter au redécoupage régional français avec une Bourgogne- Franche-Comté plus vaste que tou- te la Suisse.” n

L a mise en place en 2005 de cet observatoire statistique trans- frontalier répondait à l’absence de références statistiques fiables sur l’Arc jurassien. “On travaille sur dif- férents volets : démographie, mar- ché du travail, économie, tourisme, logement. Avec le temps, on a aus- si évolué sur de nouvelles théma- tiques comme les salaires, l’agri- culture, l’économie résidentielle. C’est une notion française qui cherche à mesurer les retombées des activi- tés économiques qui profitent aux

acteurs locaux” , explique Gérard Geiser, directeur de l’O.S.T.A.J. La coopération statistique n’a pas toujours été une partie de plaisir. Il a fallu harmoniser les nomenclatures de part et d’autre de la frontière. Illus- tration avec les recensements de population où l’on fonctionne sur des périodes de 5 ans en France alors qu’en Suisse on reste sur des comp- tages annuels. L’O.S.T.A.J. dispose aujourd’hui d’un site Internet connu et reconnu qui accueille 4 000 visi- teurs par jour. “On a mis en ligne un

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