La Presse Pontissalienne 200 - Juin 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 200 - Juin 2016

4

CONFÉRENCE

Bernard Laporte, ancien sélectionneur du XV de France “Pour bien manager, il faut aimer les gens”

L’Entraîneur de rugby du R.C. Toulon, ancien sélectionneur du XV tricolore, ex-secrétaire d’État aux Sports, homme d’affaires et chroniqueur radio, parle de management dans l’entreprise. Invité à Pontarlier par le Club affaires du C.A.P. rugby, le Crédit Agricole et le cabinet Mazars, Bernard Laporte se dévoile en meneur d’hommes.

L a Presse Pontissalienne : 700 chefs d’entreprise et élus du Haut-Doubs sont venus à Pontarlier pour vous écouter parler de management. Est-ce l’entraîneur de rugby qui témoigne, l’ex-secrétaire d’État, le gérant de casi- nos, de campings, le commentateur radio ? Bernard Laporte : Je parle de mana- gement, de mon expérience acqui- se dans différents secteurs, le rug- by en particulier, mais aussi celui de la politique. C’est toujours un plaisir d’échanger. Le management n’est pas une vérité. Il n’y a pas de leçons à donner mais des expé- riences à partager. Je n’ai pas pris de cours. C’est inné. Pour bienmana- ger, il faut aimer les gens. L.P.P. : Dans le vestiaire, vous êtes répu- té pour vos coups de sang et vos joueurs vous décrivent comme un homme exi- geant. Est-ce la condition pour être un meneur d’hommes ? B.L. : Non. La proximité et la trans-

Bio express

Age : 51 ans

l

l Sélectionneur du XV de France de 1999 à 2007. Il est également homme d’affaires. Il a été secrétaire d’État chargé des Sports auprès de la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports dans le second gouvernement Fillon d’octobre 2007 à juin 2009. Bernard Laporte est depuis 2011, le manager du R.C. Toulon. Il est également consultant matches de la Coupe du monde de rugby 1999 et 2015 sur TF1. Il réchappe d’un grave accident de voiture à l’âge de 20 ans. Il considère cet événement comme étant un tournant de sa vie. Avant la séance de questions avec la salle, l’ancien sélectionneur a fait rire l’Espace Pourny avec cette phrase : “Posez-moi toutes les questions. Et si vous voulez savoir si je suis le père de l’enfant de Rachida Dati : c’est non !” l sur R.M.C. et a commenté les l

parence sont fon- damentales lorsque vous voulez faire avancer les gens ! Il faut leur dire tout même ce qui est dif- ficile à entendre et les valoriser lorsque cela se passe bien. L.P.P. : Faut-il être dur ? B.L. : Je ne suis pas dur. Je dis juste à mes collaborateurs : “Je veux que vous soyez les meilleurs du monde.” Quand les joueurs ont confiance, on peut

“Pas de leçons à donner mais des

Bernard Laporte accueillià l’Espace Pourny de Pontarlier par Jean-Louis Gagelin, président C.A.P. rugby.

les emmener au bout du monde. Si tu fais tonmétier pour toi, t’es mort. L.P.P. : Lorsque vous étiez au ministère des Sports (2007-2009), osiez-vous tout dire à vos collaborateurs ? Car là, ce n’était pas une équipe de rugby qu’il fallait emme- ner vers un titre… B.L. : Moi, je n’ai qu’un Bac. Lorsque je suis arrivé, j’avais en face de moi des personnes qui avaient des diplômes aussi fournis que ma bibliothèque (rires). Je leur ai dit : on va fonctionner comme une équi- pe de rugby. Déjà, arrêtez de m’ap- peler “Monsieur le ministre” toutes les cinq minutes parce qu’à la fin de la journée, tu chopes le melon. Moi, c’est Bernard. J’ai joué la trans- parence, la proximité. Au bout de deux ans de travail et au moment de mon départ, tous m’ont dit qu’ils voulaient jouer au rugby ! Je n’y connaissais rien à ce travail. Je me suis appuyé sur ma méthode. Un jour, lorsque nous avions fait une semaine de merde (sic), j’ai dit à l’ensemble du cabinet : on va man- ger dans le restaurant du coin. On a ri. Cela fédère. Ceux que j’ai recroi- sés m’en ont encore parlé récem- ment. L.P.P. : Restons dans la politique. Nico- las Sarkozy - avec qui vous avez travaillé - était-il un bon manager ? B.L. : Il était mon patron. Lorsqu’il y avait chaque mercredi le conseil des ministres, j’y allais avec une envie monstre. Nicolas Sarkozy pouvait te rentrer dedans, parfois c’était dur, mais (putain) il y avait du rythme ! C’est ce genre de mec qui te donne envie de monter dans

le bus. J’ai aussi rencontré des patrons du C.A.C. 40 : ils dégagent une vraie force. L.P.P. : Et avec François Fillon, Premier ministre à l’époque ? B.L. : Je n’ai pas trouvé autant de charisme avec Fillon. D’autres sont moins faits pour cela. L.P.P. : Quel regard portez-vous aujour- d’hui sur le monde politique ? B.L. : La politique, c’est derrière moi. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui en font. Je n’en ai jamais fait car je ne me suis jamais soumis au vote des électeurs, puisque j’ai été nommé. L.P.P. : Un retour en politique est-il pos- sible ? B.L. : Non. L.P.P. : Avez-vous gardé des contacts avec Nicolas Sarkozy ? B.L. : Oui, toujours, mais il sait que je ne vais pas revenir. L.P.P. : Quel est votre regard sur l’actua- lité et les grèves qui bloquent la France à quelques jours de l’Euro de football ? B.L. : La grève, c’est un droit, c’est la loi. Mais quand on fait grève, ce n’est pas pour empêcher les autres d’aller au travail. L.P.P. : Vous parlez de cohésion dans le management. Selon vous, Didier Des- champs a-t-il constitué un bon groupe pour l’Euro ? B.L. : Deschamps a fait ses preuves, j’ai confiance en lui et son équipe.

sembler à un manager sportif, être proche de ses équipes au risque de casser des bar- rières ? B.L. : Il doit être au milieu de la mêlée, pas à côté. Je racon- te souvent l’anec- dote de ma ren- contre avec José Mourinho lorsqu’il entraînait le club de football du Real Madrid. J’étais alors ministre. Ce jour- là, il m’a parlé 20 minutes de ses joueurs. Je n’ai jamais vu un mec qui les connaissait si bien. Il a tout gagné parce qu’il est proche d’eux.

Parfois, vous mettez bien le poing dans votre poche ? B.L. : Je ne les gère pas. Par contre, je dis ce qui me plaît ou pas. Ce n’est pas le manager qui parle mais l’actionnaire. Je dis quand ce n’est pas bien et je valorise lorsque ça l’est. L.P.P. : Le contexte économique, plus déli- cat, nécessite-t-il des ajustements de la part des dirigeants ? B.L. : Non. Je prends l’image du surfeur : s’il y a une grosse vague et qu’il panique, il coule. Dans l’en- treprise, il faut de l’entraide. L.P.P. : Que faire des ego dans les socié- tés ? B.L. : Il en faut des ego car derriè- re il y a du tempérament, mais il faut aussi savoir les gérer. L.P.P. : Le recrutement, vous gérez. Un patron fait de même. Comment s’assurer de ne pas se tromper dans le choix du collaborateur ? B.L. : Je ne recrute pas un joueur sans le voir. Il faut que ce soit un bon mec, que le feeling passe entre nous. Mes joueurs, ce sont comme mes enfants : je les valorise et je les engueule quand il faut. L.P.P. : Vous êtes candidat à la présiden- ce de la Fédération française de rugby dont l’élection aura lieu en décembre. Votre programme ? B.L. : Limiter à deux mandats suc- cessifs la présidence. Vous, dans le Haut-Doubs, vous êtes des pas- sionnés de rugby plus qu’ailleurs. Je ferai attention à Ligue. n Propos recueillis par E.Ch.

expériences à partager.”

“Quand on fait grève, ce n’est pas pour empêcher les autres de travailler.”

L.P.P. : Trop éloigné de ses collabora- teurs, on se plante ? B.L. : Regardez Raymond Domene- ch pour qui j’ai de l’affection et que j’ai fait rester à la tête de l’équipe de France, peut-être était-ce une erreur. Il se pense supérieur aux autres. Il dit : “Regarde ce con de joueur, heureusement qu’il sait jouer au foot sinon il ne saurait rien faire d’autre.” Ce mec-là, il n’a jamais rien gagné. Je lui ai dit :“Va entraîner des équipes de gamins.” S’il m’arrive de critiquer mes joueurs, je le fais en face ou dans le vestiaire. Jamais dans la pres- se.

Bernard Laporte à l’Espace Pourny devant le monde économique du Haut-Doubs parle management et motivation.

L.P.P. : Vous êtes patron d’entreprises.

L.P.P. : Un chef d’entreprise doit-il res-

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online