La Presse Pontissalienne 199 - Mai 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 199 - Mai 2016

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POLITIQUE

Hausse des impôts locaux “La situation budgétaire est très, très compliquée”

L a Presse Pontissalienne : Vous aug- mentez cette année les impôts locaux de 12 % à l’échelle de la C.C.G.P. Doit- on déduire de cette forte hausse que la collectivité a été très mal gérée ces der- nières années ? Patrick Genre : Loin de là, bien au contrai- re et les chiffres en témoignent. Quand on prend une telle décision impopu- laire et difficile à expliquer, c’est tou- jours compliqué. Mais si on l’a prise, c’est qu’on n’avait pas d’autre solution. On a reculé l’échéance de devoir aug- menter les impôts et on est arrivé à une situation où on ne pouvait plusla reculer. Pour les habitants de la C.C.G.P., l’impact sera là, je ne le nie pas et je ne le minimise pas. Mais il faut rela- tiviser. Dans les premières années de la C.C.L., il nous est arrivé d’augmenter les impôts de plus de 15 %. Notre bon- ne gestion jusqu’ici nous avait permis de dégager une l’épargne nette suffi- samment importante pour pouvoir fai- re face aux charges d’investissement. Depuis trois ans, on subit de plein fouet la baisse des dotations de l’État. Ce qui arrive aujourd’hui ne correspond qu’à ce que nous avions annoncé. La situation budgétaire est très, très com- pliquée. L.P.P. : Pourquoi en êtes-vous arrivés là ? P.G. : Cette augmentation de 12 % s’ex- plique par le fait d’abord que les taux de la C.C.G.P. sont faibles. Donc pour avoir un produit fiscal correct, il faut nécessairement avoir des taux plus importants. Le taux de la taxe d’ha- bitation est de 5,17 %, celui du foncier bâti de 5,34 % et celui du foncier non bâti de 6,75 %. Cette augmentation de 12% s’explique donc par ces taux faibles et des bases qui le sont aussi. Je m’ex- plique : quand on augmente d’1 % les impôts des ménages sur la Ville de Pontarlier, on fait rentrer 108 000 euros dans les caisses communales. Alors la forte augmentation des impôts de 12 % imposée aux habitants de Pontarlier et des communes environ- nantes. Seul moyen pour lui que la collectivité continue à investir. Le président de la Communauté de communes du Grand Pontarlier justifie

Patrick Genre, président de la Communauté de communes du Grand Pontarlier : “L’impact pour les habitants sera là, je ne le nie pas et je ne le minimise pas.”

ner la priorité à la pis- cine. Quant à la Mai- son Chevalier, elle n’est surtout pas un boulet, c’est un actif de la Vil- le, une sorte de place- ment qui ne coûte rien. Dès l’année prochaine, nous allons aménager les jardins. L.P.P. : Ces difficultés bud- gétaires renforcent-elles votre conviction qu’une des solutions au problème est dans la création d’une com- mune nouvelle ? P.G. : J’ai lancé ce débat et à la fin de l’année, je présenterai ce pro- jet de commune nou- velle. On ne peut pas faire l’économie d’une

d’ailleurs une bonne chose d’avoir le regard extérieur d’un organisme qui peut nous aider à améliorer encore les choses. L.P.P. : Certaines mauvaises langues pontis- saliennes affirment qu’à Pontarlier, ce sont plutôt les services et les hauts fonctionnaires qui ont la main sur la gestion de la collectivi- té plutôt que les élus. Votre sentiment ? P.G. : Dans une collectivité, il y a une relation qui est essentielle, c’est celle entre le maire ou le président et son directeur général des services. Il se trouve qu’ici ça se passe très bien, nous sommes en complète symbiose. Il faut ensuite que les directeurs de services puissent faire remonter leurs avis et c’est également le cas. À la Ville com- me à la C.C.G.P., je peux compter sur des équipes solides et compétentes, du directeur général à l’agent de base. Mais il n’empêche que ce sont les élus qui décident des orientations à don- ner. L.P.P. : Pour terminer sur les finances de la C.C.G.P., comment êtes-vous sorti des emprunts toxiques que vous aviez contractés ? P.G. : Nous n’en avions qu’un, contrai- rement à d’autres collectivités, et ça nous coûtera au final 600 000 euros. On va toucher 1 million d’euros du fonds d’indemnisation de l’État et l’in- demnité de sortie est d’1,6 million. L.P.P. : Une question pontissalienne stricto sensu : quelle est votre réaction quand l’I.N.S.E.E. affirme que Pontarlier a perdu plus de 1 000 habitants ? P.G. : Je pars en guerre contre l’inter- prétation que fait l’I.N.S.E.E. des chiffres du recensement. Ce sont des projec- tions sur un panel soi-disant repré- sentatif alors qu’on est sans doute une des villes qui construit le plus. La vil- le de Pontarlier ne se dépeuple pas, on constate juste une évolution de la struc- ture de sa population. La ville est pas- sée de 2,3 à 1,9 personne par foyer. Pontarlier reste une ville très dyna- mique. n Propos recueillis par J.-F.H.

nous aurions dû augmenter de 7,72 % les impôts locaux si on avait voulu cou- vrir la baisse des dotations de l’État. Et cette année-là, nous n’avions aug- menté que de 3 %.Même chose en 2015, il aurait fallu augmenter de 12,84 % et nous avons augmenté de 3. Cette année, pour compenser la baisse des dotations, nous aurions dû augmen- ter les impôts de 12,05 %, nous avons augmenté de 12 %. L.P.P. : Combien perd la C.C.G.P. cette année à cause de ces fameuses baisses de dota- tions ? P.G. : Fin 2016, la C.C.G.P. aura perdu définitivement 2,880 millions d’euros sur un budget global de 23 millions. C’est simple, on perd 2,8 millions tous les ans. En 2017, on perdra 3,275 mil- lions. Et c’est un mouvement inéluc- table. L.P.P. : Comment la C.C.G.P. peut-elle conti- nuer à investir dans ces conditions ? P.G. : Ces 12 % d’augmentation à la C.C.G.P. vont rapporter 680 000 euros à la collectivité. C’est la seule maniè- re que nous avons de pouvoir conti- nuer à garantir que la C.C.G.P. soit une structure d’investissement. Nous avons par exemple pris la décision de créer 5 micro-crèches à l’échelle de l’in- tercommunalité, pour unmontant d’in- vestissement de 600 000 à 800 000 euros et qui coûteront chaque année 200 000 euros en fonctionnement. L’aug- mentation d’impôts doit également permettre de faire face aux dépenses de fonctionnement nouvelles que l’État nous impose comme le transfert à l’in- tercommunalité de la gestion des docu- ments d’urbanisme. Rien que ça, c’est 300 000 euros de charges en plus par an. L.P.P. : Et les plus gros projets d’investisse- ment comme la piscine ? P.G. : Nous avons décidé d’avoir une piscine intercommunale et nous la ferons. Je présenterai très prochaine- ment le lieu retenu pour construire cet équipement. La hausse de la fiscalité

nous permettra aussi de nous recons- tituer une capacité d’épargne, ce qui nous évitera de recourir trop à l’em- prunt pour financer nos investisse- ments. L.P.P. : N’est-il pas également temps pour les collectivités locales de réduire la voilure et leur train de vie ? Des investissements com- me la maison de l’intercommunalité (ex-bâti- ment Sbarro) ou encore le Gounefay n’ont-ils pas été des erreurs ? P.G. : La maison de l’intercommunali- té est l’exemple-type d’un investisse- ment qui va nous permettre d’écono- miser sur le fonctionnement en regroupant tous les services sous un même toit. La mutualisation permet des économies substantielles : rien que sur un poste comme les télécoms, on gagne 10 000 à 12 000 euros par an en regroupant les services. Les économies de fonctionnement, elles sont égale- ment réelles. Dès cette année, nous supprimons entre trois et cinq postes à la C.C.G.P. En 2016, nous avons déci- dé de ne remplacer aucun départ. Nous allons également baisser les heures supplémentaires. L.P.P. : Et le Gounefay ? P.G. : J’affirme que cet investissement était indispensable. Les gens résument le Gounefay au restaurant qui, c’est vrai, a traversé plusieurs fois des dif- ficultés. Mais le Gounefay, c’est bien plus que le restaurant, c’est une sta- tion à part entière, avec l’hébergement des dameurs, le front de piste, le parc été et hiver, l’accueil du public, lamagni- fique salle hors sacs… L’investisse- ment de la collectivité au Gounefay était parfaitement justifié. L.P.P. : Et la médiathèque, elle tombe aux oubliettes ? Voilà plus de 10 ans que la Ville a racheté la Maison Chevalier qui va finir par devenir un “boulet” ! P.G. : Si on avait des 3 millions d’euros qu’on perd désormais tous les ans, on aurait pu mener de front la piscine et la médiathèque sur un seul mandat. Nous avons dû faire le choix de don-

“L’inves- -tissement au Gounefay était parfaitement justifié.”

réflexion sur ce sujet. En même temps, on ne peut pas précipiter la décision. Je ne veux pas faire comme l’État qui a précipité ses réformes territoriales. Sur ce sujet, on va donner du temps au temps. Il faut d’abord avoir tous les éléments de décision : juridiques, fis- caux, réglementaires… Ces éléments seront réunis à la fin de l’année et ensuite nous engagerons une consul- tation avec la population du Grand Pontarlier à travers des réunions publiques. La décision sur la création ou non d’une commune nouvelle sera prise début 2017 en toute connaissance de cause. Et si commune nouvelle il doit y avoir, elle se fera avant 2020, soit entre les 10 communes de la C.C.G.P., soit en créant plusieurs com- munes nouvelles au sein de la C.C.G.P. L.P.P. : La Chambre régionale des comptes, le “gendarme” des collectivités, prépare un rapport sur la gestion de la C.C.G.P. Redou- tez-vous les conclusions de la juridiction ? P.G. : Je suis très serein par rapport à cela. La Ville a déjà fait l’objet de plu- sieurs examens de la Chambre, sans qu’il y ait eu de souci. Je suis serein car on a fait ce qu’il fallait. C’est

que si on augmente d’1 % à la C.C.G.P., ça fait 36 000 euros de recettes. Pour avoir le même produit fiscal, il faut donc augmenter les taux trois fois plus sur la C.C.G.P. que sur la Ville. Je réaffirme que la C.C.G.P. est bien gérée. J’en veux pour preuve les différents ratios de fonctionne- ment qui sont tous infé- rieurs aux ratios des collectivités de même taille en France. L.P.P. : Vous auriez peut- être dû augmenter un peu plus les années précédentes pour limiter la hausse cet- te année ? P.G. : On a essayé de repousser l’échéance le plus possible. En 2014,

“Pontarlier reste une ville très dynamique.”

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