La Presse Pontissalienne 197 - Mars 2016

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 197 - Mars 2016

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RÉACTION

Claude Jeannerot sort de sa réserve “La droite n’a pas de projet et pas de vision”

L a Presse Pontissalienne : Au lende- main des élections départementales en avril dernier, vous aviez annoncé que vous démissionneriez du Conseil départemental juste après que la Chambre régionale des comptes rende son rapport sur la gestion de la collectivité sous votre présidence. C’est chose faite depuis la dernière session de début février. Et vous êtes toujours là… Comment expliquez-vous ce revirement ? Claude Jeannerot : J’avais en effet dit que je démissionnerais après la présenta- tion de ce rapport, en ajoutant que je prendrais le temps de le faire quand le moment sera le plus opportun. À l’évidence, au vu de l’état civil (N.D.L.R. : il a 70 ans), je n’incarne pas l’avenir de cette collectivité, ni la reconquête de ce Département. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai passé la main de l’animation de l’opposition à Mar- tine Voidey. Pour autant, si je n’incarne pas l’avenir, j’ai la responsabilité de contribuer à le préparer. Je partirai donc quand les conditions seront réunies. L.P.P. :Vous n’avez donc pas tenu votre enga- gement. C.J. : Qui pouvait imaginer au moment où j’ai fait cette annonce qu’un an plus tard il n’y aurait toujours pas de pro- jet pour ce Département avec la nou- velle majorité. L’annonce que j’avais faite avait suscité plusieurs réactions. D’abord d’une partie de mes électeurs qui n’avaient pas compris cette déci- sion et qui avaient le sentiment que je les trahissais si je partais. Il y a donc tout un travail de pédagogie à faire avec ces électeurs. Ensuite, je consta- te qu’une partie de la majorité atten- dait avec impatience mon départ, je ne partirai donc pas si vite. Enfin, une partie de mes amis de la minorité me demande de ne pas aller trop vite dans l’exécution de cette décision, estimant que j’incarne en quelque sorte lamémoi- re de cette maison. Je partirai donc quand je le déciderai, j’aime me sen- tir libre. L.P.P. : La Chambre régionale des comptes a donc rendu son rapport sur la gestion du Dépar- tement entre 2011 et 2014. Un soulagement pour vous ? C.J. : Je considère qu’il est très satis- faisant par rapport à notre gestion. Même si ce rapport n’est pas très gla- mour, il donne acte de notre sérieux budgétaire. Il nous conforte dans les deux priorités que nous avons portées haut et fort : on a recherché en per- manence l’efficience et la maîtrise des dépenses de fonctionnement, tout en maintenant l’investissement à un bon niveau.Alors entendre que nous avons investi sans compter et que nous nous sommes endettés de manière irres- ponsable est inacceptable. L.P.P. : Pourtant la vérité des chiffres est là. L’endettement est passé de 20 à 270 millions Malgré ce qu’il avait annoncé juste après son élection, Claude Jeannerot ne démissionnera pas tout de suite du Conseil départemental. L’ancien président n’a pas dit son dernier mot. Loin de là…

Non seulement Claude Jeannerot reste conseiller dépar- temental, mais il est bien décidé à donner le tempo pour la minorité.

grandes opérations et je pense que le contribuable du Doubs n’aurait pas compris qu’il soit mis à contribution pour payer des grands travaux sur les routes nationales. Est-ce que de payer une mise à 2 X 2 voies sur la R.D. 1 pour accéder à la gare T.G.V. se justi- fie ? Je dis non. En revanche, le Dépar- tement doit prendre toute sa part pour financer les routes départementales qui débouchent sur cette R.N. 57. L.P.P. : Comment jugez-vous le début de man- dat de la droite ? C.J. : Il faut bien reconnaître que la droite a pris les rênes de ce Départe- ment sans projet et sans vision. Le grand projet était annoncé pour décembre, puis pour février et main- tenant on nous dit d’attendre le 21mars. Un an pour présenter un projet, je trou- ve que c’est un peu long. En un an, oui, il s’est quand même passé des choses : le très haut débit, les collèges, les espaces naturels sensibles…Des sujets que nous avions initiés. J’estime que la droite n’a pas de projet clair car si elle en avait, sur les routes par exemple, rien ne l’empêchait de prendre un cer- tain nombre d’options par des déci- sions modificatives du budget. J’estime qu’aujourd’hui, nous sommes dans une forme d’immobilisme qui est préjudi- ciable. Ce Département est hélas sor- ti des écrans radars sur un certain nombre de sujets. Je ne l’ai pas enten- du par exemple se positionner sur la sensible question de l’intercommunalité. L.P.P. : Des exemples de mauvaises décisions prises en ce début de mandat ? C.J. : 100 000 euros redéployés sur Arc- et-Senans notamment pour une rési-

dence d’artiste. On n’est pas contre investir à Arc-et-Senans, mais il faut qu’on connaisse d’abord l’ambition cul- turelle de la droite pour ce Départe- ment. Ces sommes ne prennent pas sens dans une solution globale. On ne sent pas la cohérence de ce genre de décision.Autre exemple incongru : com- ment comprendre que la droite ait déci- dé de retirer la plainte que le Dépar- tement avait déposée contre un agriculteur-pollueur de Cour-Saint- Maurice ? Encore un autre exemple : la majorité paie 50 000 euros un audit dont on n’a toujours pas le résultat alors qu’on savait que la Chambre des comptes allait sortir un rapport. C’est une dépense superfétatoire. L.P.P. : En “flinguant” ce début de mandat, vous tirez contre ce Département ! C.J. : Je me suis investi dans ce Dépar- tement pendant 11 ans, j’y ai mis tout mon cœur, toutes mes forces, toute mon énergie. Je veux faire en sorte que l’avenir de ce Département soit le plus positif possible. Je n’ai jamais été dans la culture du clivage. C’est la raison pour laquelle, suivant la proposition de la présidente, je suis prêt à tra- vailler à ses côtés pour élaborer le bud- get. L.P.P. : Quel jugement portez, sur la forme, sur le début de mandat de Christine Bouquin à la présidence de ce Département ? C.J. : Je n’ai aucun jugement à porter sur elle, j’attends juste qu’elle pour- suive à sa manière ce qui a été enga- gé. C’est elle qui aujourd’hui est légi- time pour mener les actions, ce n’est pas moi. Propos recueillis par J.-F.H.

d’euros sous votre majorité ! C.J. : Ce sont des chiffres non seule- ment que je ne conteste pas, mais que je revendique ! Le recours à l’emprunt n’est pas un acte de gestion obscène, c’est même un acte de bonne gestion. Il n’y a pas de surendettement. Si tel avait été le cas, la Chambre des comptes n’aurait pas manqué de le relever. Mieux : le Doubs est le moins endetté des huit départements de Bourgogne- Franche-Comté avec un endettement par habitant de 519 euros. Par com- paraison, il est de 607 euros en Côte- d’Or. Je considère donc que c’est une manipulation de l’opinion que de fai- re croire que la gauche avait suren- detté le Département. C’est intellec- tuellement malhonnête de la part de

L.P.P. : Regrettez-vous un dossier que vous n’auriez pas su mener à bien quand vous étiez prédisent ? C.J. : Certainement laVoie verte autour du lac. C’est probablement une de mes erreurs d’appréciation et de commu- nication. De toute façon, ce dossier était mal parti dès le départ. L.P.P. : Et l’épargne brute qui est en baisse de 40 % entre 2011 et 2013 ? C.J. : Nul ne peut le nier, c’est le résul- tat d’un effet de ciseau entre des dépenses obligatoires en hausse et des dotations en baisse. C’est aussi la consé- quence de la suppression de la taxe professionnelle décidée par la droite et qui a touché fortement un départe- ment très industrialisé comme le Doubs. L.P.P. : La Chambre régionale des comptes insiste aussi sur le fait que les investisse- ments en matière de nouvelles infrastructures routières ont été largement en baisse sous votre responsabilité. Alors qu’aussi bien dans le Haut-Doubs sur la R.N. 57 qu’à Besançon avec l’achèvement de la voie des Mercureaux, on attend de vrais actes ! C.J. : Si on veut me faire reconnaître que je n’ai pas été dans les pas de Georges Gruillot sur ce plan-là, je dis oui, je l’assume et je le revendique. Ma priorité a été de faire en sorte que les routes de ce département soient le moins accidentogène possible. Avec 3 800 km de routes, ce département dispose d’un excellent réseau routier. On a en effet privilégié l’entretien de ce réseau plutôt que des opérations spectaculaires. Je n’ai pas voulu de cette politique routière et je ne le regret- te pas. C’est à l’État d’assumer les

la majorité. Par ailleurs, il faut voir ce qu’il y a en face des chiffres de l’endettement : la construction de mai- sons de retraite, la réhabilitation de 25 collèges, la construc- tion de deux nou- veaux, la création de 19 centres de secours, la création du musée Courbet, Métabief qu’on a fait sortir de l’immobilisme, etc. Il y a un vrai bilan. L.P.P. : Faut-il continuer d’investir à Métabief ? C.J. : Je pense que oui. On ne peut pas s’arrêter aumilieu du chemin.

“C’est Christine Bouquin qui aujourd’hui est légitime.”

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