La Presse Pontissalienne 194 - Décembre 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 194 - Décembre 2015

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POLITIQUE

Karine Grosjean, leader de l’opposition socialiste “Patrick Genre a la mainmise sur tout dans cette ville”

L a Presse Pontissalienne : La députée socialiste du Doubs Barbara Roma- gnan a voté contre l’état d’urgence suite aux attentats du 13 novembre. Comment jugez-vous sa prise de position ? Karine Grosjean : Sur le fond, je ne partage pas son ana- lyse. Je fais confiance, a priori , au gou- vernement dans la gestion de cet état d’urgence. Barbara Romagnan a le droit d’exprimer ses convictions, com- me peuvent le faire également les cama- rades qui sont en désaccord avec elle. On a le droit d’être choqué par son pro- pos et de le lui dire. Son avis ne reflè- te pas l’avis de tous les socialistes. Per- sonnellement, si j’avais été en situation de voter l’état d’urgence, je me serais prononcée pour. L.P.P. : Suite aux attentats de Paris, dans beau- coup de villes en France les policiers muni- cipaux demandent à être armés. C’est le cas à Besançon. Si la question devait se poser à Pontarlier, y seriez-vous favorable ? K.G. : A Pontarlier, il y a six policiers municipaux. Je ne connais pas leur position sur cette question.Àmon sens, pour les aider dans leur mission, il fau- drait d’abord envisager de renforcer leur effectif avant de les armer. Nos policiers municipaux sont exposés com- me ils l’ont été cet été avec les gens du voyage. Je n’ai pas d’ a priori positif ou négatif sur cette question. L.P.P. : Vous êtes dans l’opposition municipa- le. Comment percevez-vous le fonctionne- ment de la majorité qui entoure le maire Patrick Genre ? K.G. : Je ne sais pas vraiment comment fonctionne cette majorité. J’observe en revanche, qu’en conseil municipal, nous n’entendons que Monsieur Genre. Je trouve cela dommage pour le débat. Par exemple, lorsqu’il a été question d’accueillir des réfugiés, il a prétendu parler au nom de tout son groupe. Or, je doute fort que tout le monde parta- geait son avis dans la majorité au regard de la teneur de son propos pour justifier le fait que Pontarlier sans détours la politique du maire Patrick Genre. Karine Grosjean, 41 ans, est la porte-parole de l’opposition socialiste à la ville de Pontarlier. La conseillère municipale juge

Karine Grosjean a

abandonné ses responsabilités au sein du parti socialiste.

Alors que la C.C.I. parle d’une situa- tion commerciale euphorique à Pon- tarlier, je pense que la municipalité pourrait profiter de ce répit pour concen- trer ses moyens sur d’autres sujets plus difficiles comme la solidarité et les personnes les plus fragiles. Or, actuellement, l’association des com- merçants bénéficie de larges subven- tions alors que ce secteur se compor- te globalement bien. Je déplore encore qu’il n’y ait pas de stratégie économique dans cette ville. Lorsqu’on parle d’économie, on se can- tonne aux parcelles des Gravilliers, mais jamais nous n’évoquons Schra- der, Armstong, ouAmyot. On me prend toujours de haut car je suis une “cul- tureuse”, mais je vois bien qu’il n’y a pas de stratégie économique. L.P.P. : Croyez-vous encore aux projets de médiathèque et de complexe nautique portés par la communauté de communes ? K.G. : Lorsqu’on regarde l’état des finances de la communauté de com- munes, ces projets ne sont pas réali- sables dans l’immédiat. Le plan plu- riannuel d’investissement est caduc. Nous n’avons plus les moyens de fai- re ! Le “c’est en cours” que répond sou- vent Patrick Genre quand on l’interroge sur certains dossiers, et qui durent depuis des années, je ne peux plus l’entendre. La tarification incitative des ordures ménagères, cela fait sept ans que c’est en cours ! A-t-il peur de prendre des décisions, de faire les mau- vais choix ? Mais quand on est maire et président de communauté de com- munes, on ne doit pas avoir peur de prendre des décisions. Il faut assu- mer.

depuis longtemps. La ville a également une stratégie d’aménagement urbain qui reprend en beau- coup de points le pro- gramme que nous por- tions pendant la campagne des munici- pales. L.P.P. : Vous êtes dans une stratégie personnelle, avec une ambition politique… K.G. : Je ne suis pas dans une stratégie person- nelle future. Je suis conseillère municipa- le en plein. Je réfléchis

elle ne rencontre jamais les autres communautés de communes concer- nées par ce projet pour le faire avan- cer, comme celle de Frasne. C’est un non-sens puisque l’idée du SCoT n’est pas de savoir ce que l’on peut faire en terme d’aménagement, mais ce que l’on peut faire ensemble. Je regrette cette situation. Si nous avions eu un SCoT, on aurait peut-être évité de se retrouver avec deux zones d’activités situées à quelques kilomètres l’une de l’autre. Je veux parler de celle des Gra- villiers et celle de Bulle. Nous ne sommes pas dans une situation de cohérence, mais de concurrence. L.P.P. : Êtes-vous d’accord avec le principe de la commune nouvelle ? K.G. : Je trouve ce principe assez inté- ressant. La commune nouvelle offre une certaine souplesse et beaucoup de liberté. En terme de modernisation de l’institution, je trouve cela bien. En revanche, je pense qu’il faut prendre le temps nécessaire pour en définir le périmètre. Elle ne doit pas être le fruit d’une volonté de Patrick Genre, mais des élus des communes impliquées. L.P.P. : L’opposition municipale est souvent brocardée en conseil par la majorité. Com- ment vivez-vous cette situation ? K.G. : On ne peut pas nous reprocher de ne pas connaître nos dossiers. Le fait d’être élu minoritaire est en soi décourageant car nous n’avons jamais gain de cause même en avançant les meilleurs arguments du monde. J’ai pris le parti d’essayer de convaincre, d’être crédible, sans être dans l’agressivité, ni dans le dogmatisme. Cela fonctionne parfois. Par exemple, Pontarlier a adopté le programme de réussite éducative que je défendais

auraient permis de financer des pro- jets. Par ailleurs, on a peu profité du plan de relance du B.T.P. mis en pla- ce par la Région. Il a bénéficié un peu à la ville de Pontarlier, mais pas à la communauté de communes. L.P.P. : Vous reprochez à Patrick Genre d’être omniprésent… K.G. : Sur le plan démocratique, ce n’est pas très sain. Cela limite le débat. On a l’impression que c’est toujours la même personne qui réfléchit et qui décide. Je le regrette. L.P.P. :Patrick Genre est tête liste pour le Doubs, dans l’équipe de François Sauvadet aux élec- tions régionales. En cas de victoire, il est pro- bable qu’il occupe un poste de vice-président. Espéreriez-vous alors, qu’il démissionne d’un de ses mandats locaux ? K.G. : A ma connaissance, il n’a pas fait d’annonce en ce sens. La réalité est qu’un élu ne peut pas tout faire bien en étant partout. Si le scénario devait être celui-là, je souhaiterais en effet qu’il abandonne un de ses mandats. Patrick Genre est une personnalité politique unique sur le Haut-Doubs. Il est incon- tournable. Néanmoins, par exemple, il ne va pas de soi qu’il occupe en plus la présidence du Syndicat mixte du Sché- ma de cohérence territorial (SCoT). Ce serait même une mauvaise idée. Du point de vue de l’équilibre territorial, comme il s’agit d’aménagement, je trou- verais opportun qu’un élu d’une autre commune associée au SCoT, assume cette fonction. L.P.P. : Le Pays du Haut-Doubs est très en retard dans l’élaboration du SCoT. Pourquoi selon vous ? K.G. : Il y a une commission en charge du SCoT au Grand Pontarlier. Mais

“Le “c’est en cours”, je ne peux plus l’entendre.”

n’accueillerait pas de réfugiés. Patrick Gen- re est comptable des réussites comme des échecs. Il a la mainmi- se sur tout dans cette ville. L’annonce qu’il a faite seul sur la com- mune nouvelle est symptomatique d’une manière de fonctionner y compris à la commu- nauté de communes ou je siège. Je ne veux pas parler à la place des élus de son équipe.Mais je constate et je m’interroge. L.P.P. : Des échecs ? K.G. : Il y a des occasions manquées. Le Pays du Haut-Doubs, que pré- side Monsieur Genre, est passé à côté des fonds Leader qui

à la ville, à l’intérêt général et je fais des propositions. C’est vrai, je suis dans une position où je ne suis pas tenue de devoir tenir mes promesses. Je sou- haite que l’ensemble des projets que je porte ne soient plus d’actualité dans cinq ans. L.P.P. :Si vous étiez à la tête de l’exécutif quel(s) projet(s) porteriez-vous en priorité ? K.G. : Le sujet urgent est celui de la création d’une maisonmédicale. L’accès à la santé est de plus en plus difficile à Pontarlier. Notre rôle est d’entendre ce besoin et d’y répondre maintenant. Je ne dis pas que c’est simple. La mai- son médicale est inscrite dans le pro- jet quartier Saint-Pierre qui prend du temps. Or, quand on perd du temps, c’est toujours une erreur en politique. C’est le reproche que je fais à Patrick Genre qui est maire depuis quinze ans. Notre priorité, c’est l’émancipation de l’individu par l’éducation et la cultu- re. À Pontarlier, il y a un lobby qui est très fort, c’est celui des commerçants.

“Patrick Genre est comptable des réussites comme des échecs.”

Propos recueillis par T.C.

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