La Presse Pontissalienne 193 - Novembre 2015

La Presse Pontissalienne n° 193 - Novembre 2015 7

Réaction Syndicat U.S.M. Pour les magistrats, les policiers se trompent de cible Selon les magistrats, toutes

P our les magistrats, les policiers se trompent de cible en mani- festant contre l’institution judi- ciaire. Ils réfutent l’accusation selon laquelle ils feraient preuve de légère- té en libérant trop facilement des déte- les décisions qui sont prises de libérer un détenu le sont dans un cadre prévu par la loi. Ce n’est donc pas devant le Palais de Justice que les poli- ciers auraient dû manifester, mais devant l’Assemblée Nationale…

François Strawinski, délégué régional de l’Union Syndicale des Magistrats à la sortie du Palais de Justice.

nus au mépris du tra- vail de police. Des remises en liberté qui ont parfois des consé- quences dramatiques. “Nos décisions sont prises dans le cadre de la loi !” répète François Strawinski, délégué régional de l’Union Syn- dicale des Magistrats. L’U.S.M. redoute une

Constructif et collaboratif.

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polémique qui vise à opposer “artifi- ciellement police et justice. Une telle opposition n’est nullement représen- tative des relations quotidiennes entre magistrat et forces de l’ordre” qui se passent à Besançon, dans un climat constructif et collaboratif selon les magistrats. Pour François Strawins- ki, les policiers ne doivent pas “se trom-

per de combat.” Un sentiment partagé par Randall Schwerdorffer, avocat. “Ce n’est pas devant le Palais de Justice que les poli- ciers doivent manifester, mais devant l’Assemblée Nationale. Si on considè- re en effet que la loi n’est pas bonne, il faut la changer” dit-il. L’avocat prend en exemple l’évasion récente d’un déte-

l’avocat. Ce n’est donc pas l’institution judiciaire qu’il convient de remettre en cause, mais la législation qu’elle ne fait qu’appliquer.

nu à Besançon qui a profité d’une sor- tie àV.T.T. pour s’échapper (voir ci-des- sous). “Il s’est évadé dans le cadre d’une activité prévue par la loi !” rappelle

Drame

Le témoignage d’une famille pontissalienne “On est écœuré et scandalisé du laxisme de la justice”

Après avoir perdu leur fils Florian au printemps 2012, tué par un chauffard alcoolisé en sortie de boîte de nuit, Yvan et Véronique Stab ont découvert que le prévenu condamné à trois ans d’emprisonnement avec six mois de sursis était déjà en liberté conditionnelle après deux mois et sept jours d’incarcération. Une douloureuse stupéfaction.

Véronique et Yvan Stab ne comprennent toujours pas pourquoi celui qui a percuté mortellement leur fils en conduisant en état d’ivresse puisse déjà être en liberté conditionnelle.

L a Presse Pontissalienne : Pou- vez-vous nous rappeler les cir- constances de cet accident ? Véronique Stab : Je précise d’abord que Florian était mon beau-fils et qu’il vivait avec nous depuis l’âge de 13 ans. Notre vie a bas- culé le 8 avril 2012 quand Flo- rian et son meilleur ami Yohan Jacques ont décidé de rentrer à pied à Pontarlier depuis la dis- cothèque de la Vrine. Notre fils qui avait alors 23 ans a été per- cuté par un chauffard ivre. Il a été projeté à 30 m du point d’impact. Son ami Yohan a jus- te été frôlé. Trois des cinq pas- sagers ont demandé au chauf- fard de s’arrêter pour qu’ils aillent secourir les victimes. Il les a déposés avant de repartir à son domicile en prétextant plus tard qu’il pensait avoir percuté un animal. L’un des deux passagers qui étaient restés avec lui est finalement allé témoigner le len- demain à la gendarmerie. Le fautif a été arrêté dans la jour- née, mis en garde à vue et incar- céré en préventive pendant trois mois. L.P.P. : Comment et par qui avez-vous été informés du drame ? V.S. : On a été prévenu à 8 heures du matin par les gendarmes. Ils nous ont d’abord demandés si Florian Stab était bien notre fils avant de nous annoncer son décès. À partir de là, tout s’écroule. Yvan Stab : J’ai vieilli de 10 ans d’un seul coup. Depuis ce jour- là, je ne vis plus, je survis. J’ai

pour retarder ce passage au tri- bunal : innombrables demandes de suivi psychologique, exper- tises, contre-expertises et même des examens ophtalmiques… Dès le début de l’enquête, on nous a formatés sur le fait qu’il ne serait condamné qu’à du sur- sis. Pourtant, les textes prévoient une peine de cinq ans d’emprisonnement si le préve- nu qui est poursuivi pour homi- cide involontaire accumule aus- si deux circonstances aggravantes. Ce qui était le cas, car il se trouvait en état d’ivresse manifeste et qu’il a omis de s’arrêter en tentant ainsi d’échapper à sa responsabilité civile et pénale. L.P.P. : Le chauffard a-t-il été reconnu coupable ? V.S. : Les trois prévenus ne se souvenaient de rien. Ils ont essayé de nier par tous les moyens. Un seul des trois s’est excusé. Le chauffeur a été recon- nu coupable et condamné à trois ans d’emprisonnement avec six mois de sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans, avec obliga- tion de travailler, obligation de soins, interdiction de fréquen- ter les débits de boisson et obli- gation d’indemniser les victimes et l’annulation du permis de conduire.À la lecture du verdict, on a ressenti un certain soula- gement. L.P.P. : Les choses ne sont pas dérou- lées ensuite comme vous le pensiez ? Y.S. : Incarcéré le 10 juillet 2015,

continué à travailler pendant un an avant de faire un infarctus, puis un accident demoto.Aujour- d’hui, je ne travaille plus et je suis toujours suivi par un psy. L.P.P. : Avez-vous pensé au pire ? Y.S. : Oui, je me posais la ques- tion à chaque jour que je reve- nais de Pont-d’Héry. On a tenu le coup car il fallait malgré tout s’occuper de nos deux filles jumelles. L.P.P. : Comment ont-elles vécu cet événement dramatique ? V.S. : Elles ont réagi de façon très différente. L’une intériorise tout. Pas la moindre larme. L’autre fait exactement le contraire. Pen- dant longtemps, elles s’endormaient avec un habit de leur frère dans les mains.A prio- ri, c’est une question d’odeurs. L.P.P. : Avez-vous songé à changer de maison ? Y.S. : On s’est posé la question. On a mis plus d’un mois après l’accident à se rasseoir à la table

du en nous présentant ses condo- léances et en mettant l’accent sur le fait qu’il fallait être sévè- re face à ce type de délit. C’est tout le contraire qui se produit. Y.S. : Cet été, on est parti en vacances où l’on allait habi- tuellement avec Florian. Je n’avais le goût à rien. C’était l’enfer. Je vis toujours dans l’espoir qu’il va revenir. Chaque fois que je vois une voiture iden- tique à la sienne, les souvenirs se réveillent. L.P.P. :Êtes-vous restés en contact avec Yohan, le copain de Florian ? V.S. : Au départ, il se sentait cou- pable et nous évitait puis on a renoué le contact.Il nous explique qu’il n’a pas le droit de se plaindre car il est encore en vie. Florian a aussi un grand frèreAlexandre qui vit très mal la sortie de pri- son aussi rapide du chauffard. De toute sa vie, Florian a eu un seul accident en percutant une biche avec sa voiture. Il a appe- lé les pompiers puis est resté près de la bête qui agonisait. Celui qui l’a tué n’a pas montré

autant de compassion.

il était déjà en liberté condi- tionnelle le 16 septembre. Ima- ginez notre surprise d’apprendre qu’il n’aura passé que deux mois et sept jours derrière les bar- reaux. On est écœuré et scan- dalisé du laxisme de la justice. On ne supporte pas de savoir cela. On a interrogé les juges sur ces questions. En réponse, ils nous ont suggéré de solliciter les députés et les sénateurs. On se demande à quoi servent toutes ces enquêtes. On a perdu notre temps. L.P.P. :Plus rien ne sera comme avant ? V.S. : On ne fête plus que l’anniversaire des filles.À Noël, on s’en va. Pendant des mois, Yvan qui ne voulait pas admettre le décès de son fils n’en parlait qu’au présent. Il a fait plusieurs séjours à l’hôpital. Il est tombé dans l’alcool. On a eu la chance de ne pas craquer en même temps. Je suis tombée en dépres- sion au bout de trois mois. Je n’en suis toujours pas remise. On a même écrit au président de la République. Il nous a répon-

L.P.P. :Comment ont réagi vos proches ? V.S. : On a perdu beaucoup d’amis. On observe deux types de com- portements. Ceux qui nous plai- gnent en se demandant toujours comme on a surmonté cette épreuve et il y a ceux qui pen- sent qu’il faut tourner la page, passer à autre chose. L.P.P. : Et demain ? V.S. : On n’ira pas contre la déci- sion du juge. Il y a encore une bataille d’avocats pour estimer le montant du préjudice mais on a lâché l’affaire. On écrira quandmême aux députés et aux sénateurs sans se faire de grandes illusions. Y.S. : Ce n’est pas cela qui va nous ramener mon gamin. Pour moi, le bonheur s’est arrêté en avril 2012. Juste avant de par- tir, Florian s’était mis à la gui- tare. Du coup, toute la famille s’était équipée.Aujourd’hui, plus personne n’a envie de s’y remettre. Propos recueillis par F.C.

de la cuisine où nous partagions nos repas en famille. L.P.P. : Comment s’est déroulée l’enquête ? V.S. : Il a fallu attendre trois ans avant le procès qui a eu lieu le 22 avril 2015. On a eu droit à tous les prétextes de la part du pré- venu qui a tout fait

“Je ne vis plus, je survis.”

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