La Presse Pontissalienne 189 - Juillet 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 189 - Juillet 2015

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TRANSFRONTALIER Projets européens Interreg France-Suisse “Les réalisations entre les deux frontières ont pacifié des tensions”

L a Presse Pontissalienne : “Interreg” est un acronyme encore peu connu des Francs-Comtois alors que ses réalisations touchent la vie quoti- dienne des habitants du Haut-Doubs notam- ment. Expliquez-nous ? Pierre Magnin-Feysot : C’est un program- me de coopération territoriale euro- péen. Ce sont 6,6 milliards d’euros qui seront affectés au niveau de l’Europe. Celui qui concerne la Franche-Comté est le projet France-Suisse Interreg V, cinquième du nom. Il préfigure les actions pour la période 2015-2020. L.P.P. : Quel est le bilan du dernier program- me qui a injecté 164millions d’euros entre 2007 et 2013 ? P.M.-F. : Ce sont 151 projets qui ont été menés et réalisés entre France et Suis- se durant cette période. L.P.P. : Citez-nous quelques réalisations. P.M.-F. : Dans ces 151 projets, j’ai mis en exergue le projet “Terroirs et inno- vations” parce que sont des agricul- teurs français et suisses qui se sont Le nouveau programme de coopération territoriale européenne France-Suisse est lancé. Jusqu’en 2020, 66 millions d’euros de fonds européens seront alloués pour faire émerger des projets portant sur la mobilité, les technologies, la valorisation du patrimoine en Franche-Comté et en Suisse voisine. Bilan et perspectives d’avenir avec Pierre Magnin-Feysot, élu régional chargé de ce dossier transfrontalier.

Pierre Magnin-Feysot, vice-président à la Région Franche-Comté, présente les ambitions du projet Interreg 2015-2020.

gramme soutiendra l’innovation (rap- prochement des domaines de recherche pour 13 millions d’euros de fonds F.E.D.E.R. et 10,6 millions de francs suisses), protégera et valorisera le patrimoine naturel et culturel (17 mil- lions d’euros et 15,5 millions de francs suisses), encouragera le transport durable 25 millions d’euros et 15,8 mil- lions de francs suisses, favorisera l’emploi et la mobilité de main-d’œuvre (7 millions d’euros et 5,9 millions de francs suisses). L.P.P. : Interreg a-t-il apporté uniquement de l’argent ? P.M.-F. : Non. Nous avons créé un espa- ce de travail qui permet de mieux nous connaître avec nos voisins. Dans un contexte pas facile lié à la montée des intolérances, aux tensions économiques liées à l’augmentation du franc suis- se, les réalisations entre France et Suisse ont permis de pacifier des ten- sions. L.P.P. : La future grande région ne va-t-elle pas casser cette relation de proximité ? P.M.-F. : Le message est clair : la fron- tière est une chance pour la grande

unis pour se diversifier en intégrant le tourisme dans leur pratique agri- cole (projet mené avec la chambre régionale d’agriculture de Franche- Comté et la fondation rurale interjurassienne suisse). Certains ont mis en avant la pratique du cheval par exemple.Dans l’aménagement du ter- ritoire, je note la créa- tion de l’observatoire sta- tistique transfrontalier de l’Arc jurassien (O.S.T.A.J.) qui est une mine d’informations.Tou- jours dans le domaine de l’aménagement du ter- ritoire, il y a la restau- ration du pont de Biau- fond (Conseil Départemental duDoubs et Canton de Neuchâtel), celui de la Goule (parte- nariat Charmauvillers- Le Noirmont). C’est sym- bolique, mais ces ponts montrent l’intérêt

Région et aussi pour la Suisse. On ne peut pas dire que nous trouvons des solutions à tout mais on prouve que cette collaboration a toujours lieu d’être. C’est un point positif. Déjà 50 projets sont déposés pour ce programme. L.P.P. : En tant qu’ancien élu du Haut-Doubs (maire du Russey de 1986 à 2001), vous n’ignorez pas les problématiques liées aux bouchons à Pontarlier, les jeunes Francs-Com- tois formés qui vont en Suisse, les trains vers la Suisse menacés. Mesurez-vous l’urgence d’agir ? P.M.-F. : L’actuel Contrat de plan État- Région (C.P.E.R) va accorder 12 mil- lions d’euros pour résoudre le bouchon de Pontarlier. Pour Interreg, la mobi- lité transfrontalière est incluse dans l’axe 3. Il y a obligation de développer un transport durable avec des actions de promotion sur les modes de trans- port faiblement émetteurs de CO2, l’organisation de l’autopartage ou aug- menter l’efficacité du transport ferro- viaire transfrontalier (investissements pour assurer la compatibilité des maté- riels, travaux de modernisation des lignes). Propos recueillis par E.Ch.

P.M.-F. : Lorsque l’on voit que 97 % des projets ont été réalisés, on peut dire que l’argent a été bien utilisé. Ces cré- dits ont un rôle de levier. Je rappelle que dans le programme 2015-2020, il y a 20 % d’autofinancement de la part des porteurs. L.P.P. : A l’heure des restrictions budgétaires, c’est une manne financière non négligeable pour le territoire. Confirmez-vous ? P.M.-F. : C’est d’autant plus vrai avec ce nouveau programme 2015-2020 qui est ambitieux. Les crédits passent de 55 à 66 millions d’euros de fonds F.E.D.E.R. (fonds européen de déve- loppement régional). Même du côté de la Suisse, c’est une opportunité. Un nouveau canton nous rejoint, celui de Fribourg. L.P.P. : Plus d’argent mais des conditions enco- re plus serrées pour l’obtenir. Pourquoi ? P.M.-F. : Quatre axes d’intervention sont définis avec 66millions d’euros de fonds F.E.D.E.R., 50millions de francs suisses (fonds fédéraux et cantonaux). Les axes se resserrent pour valoriser l’effet levier des crédits européens afin qu’ils ne soient pas dispersés. Ce nouveau pro-

d’Interreg de nous rapprocher de nos voisins. Dans le domaine de la quali- té de vie, je note le projet de covoitu- rage Arc jurassien qui promeut cette pratique ou l’extension du dispositif de la carte Avantage Jeunes côté suis- se. Neuchâtel pourrait rejoindre le dis- positif. Du côté de Pontarlier, le tou- risme a profité d’Interreg avec la création de l’itinéraire de randonnée Mont-d’Or-Chasseron, la route de l’Absinthe, etc. L.P.P. : Si les réalisations sont concrètes, des porteurs de projets ont rapidement baissé les bras face à des dossiers trop complexes à ficeler. Interreg n’est-il pas une usine à gaz ? P.M.-F. : C’est un outil. Il faut être rigou- reux dans l’utilisation des deniers publics. Si quelqu’un est déçu, peut- être est-ce parce que son dossier ne rentre pas dans le cadre des projets France-Suisse. Il faut, dès la phase de conception, prendre contact avec notre service. Pour bénéficier des subven- tions, il faut un dossier unique avec un porteur français et un porteur suis- se.

“La frontière, une chance pour la grande Région.”

L.P.P. : Selon vous, l’argent est-il bien utilisé ?

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