La Presse Pontissalienne 189 - Juillet 2015

La Presse Pontissalienne n° 189 - Juillet 2015

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Expertise L’effet meute “L’office de demain sera une agence de développement” Patrice Ruelle, l’ancien directeur de l’office de tourisme de Besançon aujourd’hui reconverti dans le consulting intervient partout en France au chevet d’offices ou de groupements d’offices qui ne corres- pondent plus aux attentes actuelles. Avis d’expert.

“Dans ce métier, si un service n’est pas consommé, il n’a aucune raison d’exister”, explique Patrice Ruelle qui exploite le cabinet “Belvédère Conseil” basé à Tarcenay.

L a Presse Pontissalienne : Les offices de tourisme sont-ils tombés en désuétu- de ? Patrice Ruelle : Heureusement non. Mais pour beaucoup, l’office de tourisme fait référence à une vieille recette qu’on se refile d’un mandat à l’autre sans rien changer dans les ingrédients. L.P.P. : Comment définiriez-vous cette recet- te ? P.R. : L’office de tourisme d’hier est un espace d’accueil ouvert toute l’année en attendant un hypothétique visiteur. Il fait toujours dans l’exhaustivité de l’information sans jamais aller au fond des choses. Le superlatif est de rigueur. C’est toujours le meilleur, le plus beau car il campe sur du “moi, je.” Dans le profil des administrateurs, on retrou- ve souvent des notables amoureux de leur terroir et très partisans. Cet offi- ce emploie une équipe de salariés occu- pés à tout faire, devant faire preuve de polyvalence, mais c’est un poison. L.P.P. : Qu’est-ce qui a fait évoluer ce tableau ? P.R. : Depuis quelques années, la direc- tion générale de la compétitivité, de l’industrie et des services avec d’autres organismes essaie d’inverser la ten- dance. Cette dynamique a abouti à la promulgation de nouvelles lois en 2009

ver isolé. L’agent va perdre en effica- cité car il ne sera plus en situation d’apprentissage. Pour évoluer, il faut de la confrontation, de l’émulation. On évolue aussi quand on est en situation d’imprégnation ou par mimétisme. Pour pallier cemanque d’échange direct, on peut agrandir l’équipe ou fonction- ner en réseau sous réserve de forma- liser les échanges. C’est une vraie ritua- lisation. Toute la gestion de l’économie touristique risque d’évoluer avec la loi

dont l’impact a provoqué des muta- tions sans équivalences. On retiendra par exemple le classement sur les offices, adopté en 2010. L’année suivante a été marquée par l’instauration du préfé- rentiel qualité nationale.Avec tous ces dispositifs, on peut parler d’une vraie prise de conscience autour du besoin de moderniser l’ensemble des struc- tures touristiques, y compris les offices. À partir de là, on a aussi compris l’intérêt d’écouter le client. Dans ce métier, si un service n’est pas consom- mé, il n’a aucune raison d’exister.Toutes ces mesures ont permis d’engager un grand virage à 90 degrés.Aujourd’hui, les offices sont dans l’obligation d’aller vers de nouveaux positionnements au niveau des services, de l’organisation, du recrutement, de la stratégie… Il faut être à l’écoute des attentes des clientèles, des collectivités pourvoyeuses de fonds et des socio-professionnels pour être en mesure de les accompa- gner, les aider, les conseiller. Sans oublier les habitants qui s’investissent dans l’activité des O.T. Le sociologue Jean Viard, spécialiste des loisirs et du tourisme, a coutume de dire : “En France, il y a 64 millions d’habitants et autant d’accueillants.” Il y a aussi une interaction à trouver entre les élus et les techniciens. L’un ne va pas sans

attaquer un marché en partageant les risques et les dividendes de façon équi- table. En Franche-Comté, on peut citer l’exemple de la filière comté. Cela implique une organisation, une confian- ce mutuelle et surtout de la solidari- té. L.P.P. : Quelle est la taille la plus pertinente d’un O.T. ? P.R. : Il n’y a pas de réponse mathé- matique. Il faut se poser la question : qu’est-ce qui nous unit tous ? C’est pour cela que la marque “Montagnes du Jura” a bien fonctionné. L’office per- tinent doit englober toute l’offre d’un territoire. Si localement on distingue deux Haut-Doubs, de l’extérieur, il n’y a qu’une seule entité. Les gens doivent faire preuve d’intelligence. L.P.P. : Pour vous, c’est quoi l’office du futur ? P.R. : Une structure qui ressemble plus à une agence de développement. Si avant, l’office était avant tout tourné vers l’accueil, demain il sera en capa- cité d’observer, d’enquêter à l’amont sur les besoins. À partir de là, il pour- ra développer des produits, accompa- gner les socio-professionnels pourmettre en adéquation les attentes des uns et les compétences des autres. Propos recueillis par F.C.

l’autre.

L.P.P. : Attendre ne sert plus à rien donc ? P.R. : Tout à fait, on est entré dans l’ère de l’accueil hors les murs.Aujourd’hui, seulement 10 % des visiteurs passent dans les O.T. La démarche s’applique déjà à l’amont dans l’organisation de l’accueil avec les collectivités et les socio-professionnels. Elle se poursuit durant le séjour. Pour ce faire, on peut fabriquer des outils de communication adaptés, lisibles, accessibles et facile- ment transportables. On peut tout ima- giner : vieux bus, caravanes, scooters… L.P.P. : On entend souvent parler de tourisme quatre saisons. Que pensez-vous du concept ? P.R. : La multi-saisonnalité n’existe pas. Cela supposerait que les gens soient aussi disponibles toute l’année. Un seul type de territoire est éligible à la multi-saisonnalité : le territoire urbain. Hors la ville, mieux vaut ne pas rai- sonner sur les 4 saisons mais aux ailes des saisons. L.P.P. : Autre concept dans l’air du temps : la mutualisation. P.R. : La mutualisation ouvre encore de belles marges de progrès. Un petit offi- ce avec un seul salarié a tout intérêt àmutualiser sinon il peut vite se retrou-

N.O.T.R.E. Il faudra peut-être repenser de A à Z le bloc com- pétence tourisme. L.P.P. : La promotion constitue encore le talon d’Achille des O.T. Com- ment surmonter cet obs- tacle ? P.R. : En pratiquant par exemple l’effet meute. Pour illustrer cette stratégie, on compare souvent l’économie françai- se et allemande. La technique consiste à former un groupe- ment d’acteurs prêt à se fédérer pour

“64 millions d’habitants et autant d’accueillants.”

Pays sauget

Un petit office

“On se maintient grâce à l’abbaye” À l’office de tourisme de Montbenoît, on pallie le manque de moyens par la solidarité tout en profitant d’un bel emplacement au pied de la seule abbaye du Haut-Doubs.

Roland Vernier, ici avec Jérôme Binétruy le salarié de l’office, a pris la présidence de l’association au printemps dernier.

“O n a une équipe soudée. On se sent bien entou- ré. Je pense qu’on pour- ra faire de belles choses” , estime Roland Vernier, le pré- sident de l’office. Après 22 ans d’engagement au sein de l’association où il s’occupait notamment de la gran- de soirée fondue, il a accepté de suc- céder à Christian Granié alors maire des Alliés. Sitôt installé dans sa nou- velle fonction, Roland Vernier a pro- posé aux bénévoles de s’initier au fonc- tionnement de l’office. Les séances étaient animées par Jérôme Binétruy, l’agent d’accueil salarié de l’office. “S’il vient à s’absenter pour une raison ou une autre, on pourra le remplacer pro- visoirement.” Titulaire d’un B.T.S. tourisme com- plété d’un cursus de guide-conféren- cier, Jérôme Binétruy officie depuis 5 ans à Montbenoît. Un emploi à temps

plein avec le renfort d’un saisonnier l’été. La polyvalence est de mise entre l’accueil, l’information touristique, la vente des billets de visite à l’abbaye, la gestion des réservations pour les arrêts à la douane de la République du Saugeais. “On reçoit chaque année 5 000 visiteurs en direct et 73 000 via le site Internet. Le volet renseignement englobe aussi près de 1 000 contacts téléphoniques. On nous sollicite de moins en moins sur des questions

récupère un tiers des recettes “On se maintient grâce à l’abbaye” , confie le président en référence à la stabilité de fréquentation et aux recettes de l’office. L’association est soutenue principale- ment par la communauté de communes du canton de Montbenoît. Elle reçoit aussi des aides du Conseil départe- mental. Les cotisations des 80 adhé- rents représentent environ 10 % des recettes. Jérôme Binétruy assure aus- si toute la gestion administrative. Soit

un temps de travail supérieur au pos- te d’accueil-information. “On a peu de temps et de moyens à consacrer à la promotion du territoire sauget” , regret- te le président en pointant ainsi du doigt le défaut de la cuirasse. La République du Saugeais et l’abbaye deMontbenoît attirent quelques curieux et passionnés. 8 000 personnes visi- tent chaque année ce monument contre 46 000 qui vont découvrir le tuyé du Papy Gaby à Gilley. L’office de Mont-

benoît a tout à gagner d’une mutuali- sation des moyens de promotion tou- ristique au niveau du Haut-Doubs. “On est déjà dans cette logique sur le plan des supports papier. On va bien- tôt se greffer sur le portail Internet Des- tination Haut-Doubs. Ce sera un plus indéniable” , espère Roland Vernier sans renier la proximité et la solida- rité qui font aussi la force des petites structures. F.C.

d’hébergement ou de réser- vation. 45 % des demandes sont en lien avec l’abbaye” , détaille le responsable de l’office. La proximité dumonument est un atout qui rapporte aussi quelques subsides à l’office. Lequel en assurant la vente des billets au pro- fit des Amis de l’abbaye

5 000 visiteurs en direct.

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