La Presse Pontissalienne 188 - Juin 2015

POLITIQUE

CONCEPTEUR DE MAISONS INDIVIDUELLES

La Presse Pontissalienne n° 188 - Juin 2015 36

ENQUÊTE Il plaide pour plus de transparence “Il faut en terminer avec les pratiques de copinage” Conseiller régional d’Île-de-France, Jean-Luc Touly s’est intéressé aux “recasés de la République” dans son dernier livre. Il dénonce sans détour ces copinages au sommet du pouvoir qui nuisent à la bonne marche de la démocratie.

Show Room de 200 m 2 dédié à la construction de votre maison ! 80 rue de Besançon PONTARLIER Côté BATI Côté DÉCO Ouvert du lundi au samedi

+

L a Presse Pontissalienne :Vous publiez “Les recasés de la République”. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce travail d’enquête dans lequel vous impliquez de nombreuses per- sonnalités qui entretiennent les“pla- cards dorés” du pouvoir ? Jean-LucTouly : Je travaille dans le groupe Véolia où j’avais des responsabilités syndicales.Dans le cadre de mes fonctions, j’ai découvert les relations qui exis- tent entre les hommes poli- tiques de gauche comme de droi- te et cette grande entreprise. Je me suis toujours demandé pourquoi elle employait autant de personnel politique.La répon- se est assez facile car la socié- té passe des marchés publics avec des collectivités locales. Elle a donc intérêt, comme d’autres, à avoir de bons rap- ports avec les élus pour péren- niser des contrats. L’embauche des conjoints, des enfants, fait partie des bonnes pratiques. Par ailleurs, j’ai été conseiller municipale et maire-adjoint troismois.Comme sur les ques- tions de marché public je met- taismon grain de sel,monmai- rem’adonc retirémadélégation. Ensuite, j’ai été conseiller régio- nal dans un groupeEuropeÉco- logie-LesVerts qui me semblait être un parti différent des autres. Mais très vite j’ai vu qu’il n’avait rien de différent tout simplement parce qu’il a besoin de financements pour fonctionner. Alors j’ai quitté ce groupe.Moi qui avais des idées bien arrêtées plutôt de gauche, je me suis aperçu qu’il y avait aussi des gens honnêtes à droi- te et très corrompus à gauche. Mes croyances se sont envolées, c’est le système qui veut cela. Ce sont tous ces éléments-là que je dénonce.J’ai écrit ce livre avec Roger Lenglet, qui est un journaliste d’investigation pour ne pas passer pour quelqu’un qui règle ses comptes. L.P.P. : À la lecture de votre livre, on comprend que le “recyclage” est un sport national. Recyclage d’élus par

tique, de l’énergie, etc. Ce que je trouve inadmissible, c’est que des politiques entrent dans ce jeu et l’acceptent. Un élu ne peut pas bénéficier d’avantages personnels pour avoir rendu des services à une entreprise, dans le cadre d’unmandat pour lequel il est largement indem- nisé. Ce genre de conflit d’intérêts est déplorable. L.P.P. : Qu’est-ce qui a changé dans la classe politique et plus globale- ment la haute administration entre l’époque de Charles de Gaulle qui payait ses factures d’électricité à l’Élysée comme vous le racontez dans votre livre, et la génération de Nico- las Sarkozy et de François Hollande ? J.-L.T. : À mon sens, c’est le sen- timent d’impunité de la part d’une certaine élite qui abou- tit à ces dérives. Lorsqu’Agnès Saal, l’ex-directrice de l’I.N.A. dépense 40 000 euros en frais de taxi dans le cadre de ses fonc- tions, on se dit que ces personnes sont “hors sol”, déconnectées de la réalité. Finalement, la plu- part n’ont jamais vraiment tra- vaillé. Beaucoup de ces gens sortent des grandes écoles, entrent dans un cabinet, ou dans une grande administra- tion, puis entament une car- rière politique. Ils forment une sorte de caste de privilégiés, d’hommes et de femmes de pou- voir. Cette manière de fonc- tionner n’est pas bonne pour la démocratie. On estime que le système a com- mencé à dériver à partir deValé-

exemple au Conseil d’État,recyclage d’anciens collaborateurs dans des institutions, des entreprises privées. Le pouvoir permet de s’assurer un avenir finalement ? J.-L.T. : Ce qui est terrible, c’est ce besoin de pouvoir, ce besoin d’assurer sa carrière, d’assurer un certain niveau de revenu pour un élu. Cela passe par le recyclage des copains,même si ces copains sont à l’opposé de l’échiquier politique. Ce n’est pas grave car si on nomme quel- qu’un à un haut niveau de res- ponsabilité, c’est parce que l’on sait qu’il pourra nous renvoyer l’ascenseur en cas de traversée du désert. Il faut toujours penser au len- demain lorsqu’on est élu au point que cela en devient presque obsessionnel. Si Jean- Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-Fran- ce a accepté de retirer sa can- didature pour laisser le champ libre à Claude Bartolone, c’est sans doute parce qu’on lui a promis quelque chose en échan- ge. À 69 ans, quelle que soit sa valeur, je suis sûr qu’on va lui trouver un poste, comme Jack Lang s’est retrouvé président de l’Institut du Monde Arabe. L.P.P. :Le pouvoir,c’est aussi la poro- sité entre les grands groupes privés et les élus. Vous épinglez Rachida Dati avocate et députée européenne. Pourquoi ? J.-L.T. : Elle a perçu entre 2011 et 2013 500 000 euros d’honoraires d’avocat de la part de G.D.F. Suez. En tant que députée européenne faisant partie de la commission éco- nomique et de l’énergie, elle a posé des amendements avec une régularité étonnante à la faveur de l’activité de cette entre- prise. G.D.F.-Suez n’a pas démenti. Ce qui me gêne dans ce genre d’affaires, ce ne sont pas les entreprises qui se livrent à du lobbying pour défendre leurs intérêts. Je peux même le concevoir. Il y a 15 000 lob- byistes àBruxelles,de l’industrie agroalimentaire, pharmaceu-

20 av. du Gal De Gaulle 25500 MORTEAU tél. : 03 81 67 49 03

92 av. de la République 25500 CHAMPAGNOLE tél. : 03 84 37 81 80

80 rue de Besançon 25300 PONTARLIER Tél. : 03 81 39 70 30

l’extrême droite, mais les élus au pouvoir qui ne se remettent pas en question.Le grand public voit bien ce qui se passe. Si Marine Le Pen devait arriver au pouvoir, on assisterait sans doute aux mêmes travers. L.P.P. : Ne faudrait-il pas supprimer l’E.N.A. pour remédier au copinage ? J.-L.T. : Tout comme à l’E.N.A. en effet. Cette école permet à ceux qui y entrent d’avoir une carrière toute tracée, très éli- tiste, jusqu’à la retraite. Nous ne disons pas qu’il faut la sup- primer, mais il faut la réformer et l’ouvrir. L.P.P. :Un élu trouve grâce à vos yeux, c’est Bruno Le Maire. Il a démission- né de la Haute Fonction Publique qui reste un refuge pour beaucoup de politiques… J.-L.T. : Il est un des rares à être honnêtes. Du fait de ses prises de position, il commence à être reconnu. Mais va-t-il pouvoir tenir ? C’est un autre problè- me. Pour cela, il a besoin d’une organisation, de militants. Or, on sait que les élus qui pour- raient l’aider iront du côté du plus fort en l’occurrence deNico- las Sarkozy. L.P.P. :Espérez-vous contribuer à fai- re changer les choses avec votre livre ? J.-L.T. : J’espère, par ma démarche, apporter ma contri- bution non pas pour que ces pratiques-là disparaissent car nous n’arrivons jamais à ce résultat.Mais j’espère aumoins contribuer à les atténuer. Il est urgent de prendre desmesures et pas seulement des mesu- rettes, pour plus de transpa- rence et de probité afin que la politique retrouve une certai- ne noblesse. La politique, c’est la vie de la cité et pas la vie de son indemnité et de son par- cours personnel. Je ne dis pas que les élus sont tous pourris, mais il faut en terminer avec les pratiques de copinage qui ne servent à rien. En 2015, on peut espérer mieux que cela pour un pays comme la Fran- ce. Il faut que les élus repren- nent en main l’intérêt général des Français. Seule une volon- té politique peut contribuer à faire changer le système. Bru- no LeMaire est un bon exemple. Mais il y a du boulot.

fois en fonction. La crédibilité de l’homme politique en prend un coup. Je peux comprendre que des gens finissent par voter à l’extrême droite. L.P.P. : Ce qui surprend dans votre livre,c’est que la question de la com- pétence est secondaire… J.-L.T. : Je ne dis pas que la clas- se politique est incompétente car celles et ceux qui la com- posent sont nombreux à avoir fait de grandes études. Il n’empêche qu’avant de faire passer un ministre d’un sec- teur à un autre, il faudrait s’assurer qu’il est compétent. Car il y a peut-être quelqu’un, dans lamême organisation poli- tique, qui sera plus à même d’assumer cette fonction.Mais voilà, pour être nommé, il faut être dans les bonnes grâces du pouvoir et dans les bons réseaux. L.P.P. :Comment sont rémunérés ces “placards dorés” ? J.-L.T. : Ce ne sont pas les salaires des patrons, mais ils varient entre 3 500 euros et 15 000 euros par mois. Pour le grand public évidemment, c’est scandaleux. C’est d’autant plus gênant que la plupart de ces postes ne ser- vent à rien. Ce sont des postes qui permettent de recaser un tel ou un tel et de garantir un renvoi d'ascenseur en cas de besoin. L.P.P. : Parmi les fonctions dorées, il y a celle des préfets hors cadre. Quel- le est leur situation ? J.-L.T. : En France, il y a 250 pré- fets pour une centaine de dépar- tements. On peut déjà s’en éton- ner. Mais 30 % de ces préfets sont des préfets hors cadre,c’est- à-dire qu’ils n’ont aucune affec- tation. L’un des plus anciens dans ce cas-là est Brice Horte- feux qui est dans cette situa- tion depuis 20 ans. On confie à ces préfets une mission de ser- vice public. Ils rédigent des rap- ports, lorsqu’ils en font,qui sont le plus souvent sans intérêt. Ils perçoivent leur rémunération et leur retraite. Lorsqu’ils deviennent ministres par exemple,il faut savoir que l’État continue de leur payer leur coti- sation retraite de préfet. Ce n’est pas normal. L.P.P. :Vousavezdesvaleursdegauche. Ne craignez-vous pas de nourrir l’extrême droite avec ce livre ? J.-L.T. : Ce n’est pas moi en tant qu’auteur qui fait le jeu de

EN BREF

Pèlerinage Du 5 au 11 août, en camp pour les jeunes et en pèlerinage clas- sique pour tous, le service inter- diocésain des Pèlerinages de Besançon et Belfort-Montbé- liard vous emmènera à Lourdes en autobus pour un chemine- ment sur les sentiers de la foi. Renseignements et inscriptions au Service des Pèlerinages : 03 81 25 28 22. Pompiers Journée nationale des sapeurs- pompiers le 20 juin à Pontar- lier. Place dʼArçon à partir de 10 h. Économie Denis Leroux, le conseiller départemental du canton de Morteau a été élu à la prési- dence de Développement 25, lʼagence de développement économique duDoubs. “Je suis fier de devenir aujourdʼhui pré- sident de Développement 25, et de succéder ainsi à de nom- breux élus prestigieux comme Messieurs Gruillot ou Girard qui ont su faire évoluer cette structure depuis sa création en 1988” a-t-il commenté. Âgé de 49 ans, marié et père de deux filles, fils de Daniel Leroux, conseiller général du canton du Russey de 1999 à 2011. Denis Leroux est avocat au Barreau deMontbéliard depuis 1995 et au Tableau des avo- cats du Canton de Neuchâtel Les 20 et 21 juin, le comité des fêtes de La Longeville organise la fête de la musique. La programmation est four- nie. Le 20 juin à partir de 19 h 30, “Les éléments”, “Les cocos du jeudi”, “Les rats bot- tés”, “Les lokataires”, “Mon- sieur Burnz” et “Sylverstar” se produiront sur scène. Le dimanche 21 juin, les festivi- tés débuteront dès midi avec “Do Majeur”, “Bétablondis” ou encore “Gégé le Gratteux.” Buvette et restauration pen- dant les deux jours dans une ambiance champêtre. depuis juin 2013. La Longeville

ry Giscard- d’Estaing. Les choses ont évo- lué ensuite de manière expo- nentielle. Cela continue de plus belle. Ce qui me choque le plus, c’est qu’on se fait éli- re sur des valeurs, et qu’on fait stric- tement l’inverse une

“Des gens déconnectés de la réalité.”

Dans son livre- enquête, Jean-Luc Touly nous ouvre la porte des “placards dorés” du pouvoir.

Propos recueillis par T.C.

“Les recasés de la République” Éditions First Document

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online