La Presse Pontissalienne 187 - Mai 2015

MOUTHE - RÉGION DES LACS 28

La Presse Pontissalienne n° 187 - Mai 2015

ÉVÉNEMENT

Une semaine d’animations

Frasne-Vallorbe : le centenaire d’une ligne franco-suisse Défi technique, bataille diplomatique, chantier à multiples rebondissements : la construction de cette liaison ferroviaire de 24,42 km a marqué l’histoire locale. De Frasne à Vallorbe, on s’apprête à fêter, du 11 au 17 mai, ce centenaire dans un bel élan festif et transfrontalier.

C ette célébration est à la hauteur de ce chantier qui fut probablement le plus important jamais engagé dans le Haut-Doubs. “On y travaille depuis deux ans” , explique André Chrétien. Cet ancien cheminot, élu à Frasne, co-préside le comité d’organisation avec Sylviane Tharin, conseillère communale à Val- lorbe. L’un comme l’autre ne comptent plus les réunions, les courriers, demandes d’autorisation pour finaliser une semai- ne complète d’animations. Des deux côtés de la frontière, on a d’abord privilégié la dimension péda- gogique de l’événement en mettant en place des échanges scolaires et des visites. 36 classes, soit près de 800 élèves sont concernées. Des classes françaises accueilleront des classes suisses pour leur faire découvrir, ici les tourbières de Frasne, là le musée du fer et les grottes de Vallorbe… “On est dans une démarche de rapprocher les commu- nautés françaises et suisses. On espère que ces échanges vont perdurer avec le temps” , souligne Aude Curot, élue à Frasne et préposée à la communication. Au préalable, il aura fallu ferrailler dur avec les compagnies ferroviaires pour obtenir le droit de remettre en service des gares intermédiaires comme celle de Vaux-et-Chantegrue ou des Longe- villes qui n’étaient plus ouvertes aux voyageurs. “Du 14 au 17 mai, il y aura

De 3 279 habitants au début du XX ème siècle, la population grimpa à 4 300 au cours de la décennie qui suivie l’ouverture de la ligne le 15 mai 1915. Après cinq années de travaux. Le propos est sensiblement le même pour Frasne qui doit une bonne partie de son rayonnement à la présence de sa gare T.G.V. “Le 16 mai, le public pour- ra voir en gare de Frasne, la rame 4 402 du T.G.V. qui a battu le record du mon- de de vitesse sur rails en 2007 avec 574,8 km/h. Cette même rame condui- te par les cheminots du record trans- portera les autorités françaises et suisses qui participeront aux cérémonies offi- cielles organisées en gare de Frasne et de Vallorbe en ce samedi 16 mai.” F.C.

sept allers-retours par jour et huit le week-end au prix de 5 euros la journée, en sachant que l’accès sera gratuit aux enfants en dessous de 10 ans. Les navettes seront effectuées par des compagnies de trains touristiques.” Dans chaque village, les associations ont été mobilisées pour accueillir le public, tenir des stands de restaura- tion, présenter des expositions. Sur les quatre jours, il sera possible de ran- donner d’une gare à l’autre sur des iti- néraires pédestres avec retour en train possible. Le gros des festivités se concen- trera sur les gares de Frasne et de Val-

lorbe avec notamment des expositions de machines qui ont participé à la gloi- re de cette ligne. “On trou- vera par exemple des rames du Trans’Europe Express des C.F.F., les fameuses souris grises” , indique Hervé Foretay, cet ancien cheminot de Val- lorbe qui eu l’honneur d’expédier le premier T.G.V. mis en circulation sur cette ligne en 1984. À Vallorbe, on rouvrira aussi pendant quatre jours le buffet de la gare. La cité du fer n’oublie pas qu’elle doit une partie de son développement à cet- te ligne transjurassienne.

André Chrétien co-préside le comité d’organisation et fonctionne en étroite collaboration avec Aude Curot-Simon, chargée de la communication sur cet événement.

“On y travaille depuis deux ans.”

Zoom Des travaux titanesques

La construction de la ligne a mobilisé des milliers d’ouvriers qui ont dû batailler ferme pour venir à bout des nombreux obstacles : zones humides, montagne qui se dressaient devant eux. Ambiance.

cours duDoubs.Quand on voit les dégâts occasionnés sur les tourbières, je ne pen- se pas qu’on puisse refaire un tel chan- tier aujourd’hui” , explique Lucien Bôle, auteur du livre édité spécifiquement pour ce centenaire. Le percement du tunnel sera tout aus- si complexe. Ce forage à l’horizontale traverse des couches calcaires et mar- neuses séparées par des failles où se concentrent des poches d’eau alimen- tées par la fonte des neiges ou des pré- cipitations qui tombent sur le toit du Doubs 400 mètres plus haut. Une pre- mière poche est percée en novembre 1912, occasionnant une gros- se inondation à l’intérieur du tunnel. Le phénomène se reproduit au prin- temps 1913, un torrent détruit une bonne partie des installations en empor- tant 17 000m 3 dematériaux vers l’Orbe. Entre tête Frasne à l’entrée du tunnel côté Longevilles et tête Vallorbe à sa sortie, la différence d’altitude est de

L e trajet ferroviaire entre Paris et Milan empruntait au départ le tronçon Pontarlier-Vallor- be via le tunnel de Jougne. Ce tronçon sinueux, à fortes rampes et très exposé aux aléas climatiques s’avérait souvent problématique. Aus- si, après le percement du tunnel du Simplon en 1898, les compagnies du Jura Simplon et du P.L.M. examinent plusieurs solutions. Après avoir écar- té l’option d’un passage par la Faucille, ils étudient avec beaucoup d’attention le projet d’une liaison directe entre Frasne et Vallorbe. Ce raccourci per- mettait de gagner 17 km en distance et surtout 50 minutes de temps de tra- jet sur un aller Paris-Milan effectué en 14 h 05 en 1915. Bien sûr, les élus pontissaliens ne lâche-

ront pas si facilement le morceau. À tour de rôle, les délégations de Fras- ne et Pontarlier montent à Paris défendre leurs causes à la chambre des députés. Originaire de Frasne, le dépu- té Adolphe Girod qui s’est beaucoup battu pour cette liaison se retrouve en position d’arbitrage délicate. La solu- tion de Frasne est finalement retenue. Le plus dur reste à faire. À Vallorbe, 1 000 ouvriers, la plupart des Italiens, sont engagés à l’entreprise Tunnel du Mont d’Or. Ce contingentement don- nera naissance à la création du villa- ge italien avec une trentaine de bâti- ments et une vingtaine de débits de boissons. Ce quartier situé rue des Grottes et rue de la Source existe tou- jours. Le percement du tunnel du Mont d’Or débute en novembre 1910 côté Vallor- be. La partie française depuis Frasne nécessite au préalable de traverser des espaces tourbeux, de creuser quatre tunnels de 135 m à 995 m, de franchir la zone humide entre les lacs de Remo- ray et Saint-Point, de passer les gorges du Fourpéret avant d’arriver aux Lon- gevilles où se dresse le Mont d’Or. Du fait de ces difficultés, le percement côté France débutera au printemps 1911. Les travaux progresseront beau- coup plus vite depuis Vallorbe. Ce tun- nel mesure 6 km dont 5 km sur terri- toire français. Pour l’anecdote, l’évolution du percement donnera le résultat inver- se avec 5 km en faveur des Suisses. “Aux Granges Sainte-Marie, la construc- tion de la digue telle qu’on peut la voir aujourd’hui nécessitera de dévier le

86,89m. La jonction entre les deux équipes a lieu le 2 octobre 1913. Techniquement, le tun- nel est une merveille d’ouvrage qui nécessite malgré tout des travaux d’entretien réguliers. Le 1 er août 1914, les ouvriers français sont mobilisés mais pas les ouvriers ita- liens dont le pays rentrera en guerre en 1915. Ce répit a permis d’achever le tunnel qui sera inau- guré le 15mai 1915. Paral- lèlement à la ligne pro- prement dite, des équipes s’activeront à la réalisa- tion des gares de Frasne et Vallorbe. “La gare de Vallorbe sera construite sur les remblais du tun- nel” , indique Henri Fore-

Dévier le cours du Doubs.

La ligne en chiffres Longueur : 24,482 km 15,8 km à ciel ouvert 7,9 km en souterrain. Cinq tunnels dont le tunnel du Mont dʼOr : 6,1 km Altitude maxi de la ligne : 896,8 m Altitude gare de Vallorbe : 806,6 m 577 parcelles achetées à 282 propriétaires Superficie totale acquise et occu- pée : 109,16 hectares Coût des travaux : 43,49 millions de francs français de lʼépoque

Tous les élus de la municipalité de Vallorbe, à savoir Madeline Dvorak, Stéphane Costantini, le syndic, Christophe Schwertzmann, Hervé Foretay et Sylviane Tharin font partie du comité d’organisation

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