La Presse Pontissalienne 186 - Avril 2015

LA PAGE DU FRONTALIER

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La Presse Pontissalienne n° 186 - Avril 2015

VALLORBE

Histoire

26 avril 1945, Pétain est arrêté à Vallorbe Une partie de l’histoire de France s’est nouée à la frontière. 70 ans après, certains se souviennent de l’arrestation. Pour la première fois, le Jougnard Bernard Poix- Daude évoque la résistance active de son père, celle de son oncle… et la sienne.

C’ est son oncle Roger Poix- Daude, avec le docteur Paul Charlin, résistant et élu à Jougne ainsi que Monsieur Circoulon (alias Franck de son pseudonyme de résistant), qui étaient présents le 26 avril 1945 à la douane de Vallorbe pour l’arrestation le maréchal Pétain (lire par ailleurs). C’était il y a 70 ans. “Personne n’a parlé de cet épi-

sode dans la famille. C’était secret. Moi-même je ne le savais pas” se remémore Bernard Poix-Daude, 85 ans. Très alerte, posé, nous l’avons ren- contré par l’intermédiaire de l’historien suisse Carlo Triolo spé- cialiste de la seconde guerre mon- diale. Bernard Poix-Daude - qui réside toujours à Jougne - a 17 ans à l’époque des faits. “De cette arres-

tation, il ne reste plus personne à ma connaissance. Les personnes sont décédées” relate le Jougnard. Lui et sa famille ont tenu un rôle majeur dans la résistance. Mais il n’en a jamais parlé. Par pudeur. Par res- pect. Les faits qu’il raconte sont authen- tifiés par l’historien Carlo Triolo qui les a recoupés en lisant les rap- ports de laWehrmacht ou des doua- niers suisses. C’est ainsi que l’on apprend que Bernard Poix-Daude transitait des centaines de cour- riers et informations depuis Jougne jusqu’en Suisse. Jusqu’à l’arrestation (fin août 1944) d’André, son papa : “Nous allions abattre du bois au Suchet. On mettait le courrier dans un seau sous de la mousse. On l’a fait plusieurs fois. En revenant sur la route d’Entre-les-Fourgs avec mon père et mon frère, nous avons été arrêtés et pointés par les mitraillettes allemandes. Mon père a été conduit à la Kommandantur située au châ- teau de la Ferrière-sous-Jougne” se souvient-il. Ils avaient été dénon- cés. “La sentence, c’est la peine de mort” explique l’historien Carlo Triolo. Or, les Allemands en août 1944 sont davantage occupés à placer la mitraillette M.G. 42 sur le toit du château de la Ferrière-

sous-Jougne pour contenir les Américains qui arrivent par le Sud et organiser leur départ plutôt que gérer ce cas. André Poix-Daude sera empri- sonné 7 jours puis relâché fin août 1944. La résistance, il l’avait commencée dès le 17 juin 1940 : “Mon père savait que les soldats français avaient abandonné des armes. Il les a mises dans une charrette de foin, avec une chèvre par-des- sus, et s’est rendu à Mouthe. Je m’en souviens très bien.” Les armes serviront au

dans la résistance. Avec un maître-mot : “Dire que les murs avaient des oreilles” ajou- te Bernard. En Suisse, “l’arrestation de Pétain a largement été plus commentée. C’était un événement. Les Suisses le voyaient comme celui qui s’était sacrifié pour dis- cuter avec les Allemands” note l’historien suisse Carlo Triolo qui prépare un ouvra- ge évoquant ce pan de l’histoire. Côté fran- çais, côté suisse, les souvenirs n’ont pas disparu. E.Ch.

Les Poix- Daude ont joué

un rôle majeur.

maquis. Un acte courageux. Bernard le résistant veut rendre homma- ge à Jules Authier, déporté au camp de Mauthausen. Ce dernier a permis à beau- coup de familles et d’aviateurs alliés de se rendre en Suisse, avant d’être pris sur le fait pas la Feldgendarmerie et la Gestapo. “Il a été dénoncé. La Gestapo lui avait bien tendu un piège avec un faux pilote allié qui voulait passer en Suisse pour y être inter- né. C’était en 1943” confirme l’historien suisse. Il survivra à la déportation. Les Poix-Daude ont joué un rôle majeur

Bernard Poix-Daude (à gauche) et Carlo Triolo tiennent dans les mains La Tribune de Lausanne du vendredi 27 avril 1945 relatant l’arrestation de Pétain à la douane.

Pétain et sa femme photographiés par Dölf Meier (éditions Patrio- tiques S.A. Morat & Züri- ch) avant leur arrestation. L’arrivée du cortège à la douane. Passage de la Cadillac Fleetwood 1939 du Maréchal Pétain (qui lui avait été offerte par le président Roosevelt via son ambassadeur en pos- te à Paris).

Les faits L e maréchal Pétain se constitue prisonnier auprès des autorités françaises au poste frontière de Vallorbe le 26 avril 1945. Le 23 avril 1945, après avoir obtenu desAllemands quʼils le conduisent en Suisse, et des Suisses quʼils lʼacceptent de transiter sur leur territoire, Pétain qui sʼétait depuis 1940 déclaré chef de lʼÉtat français avec tous les pouvoirs deman- de à regagner la France “pour répondre de ses actes”. Par lʼintermédiaire du ministre Karl Burck- hardt, le gouvernement suisse transmet cet- te requête au général De Gaulle. Pas dʼopposition de la part du gouvernement pro- visoire de la République. Le 24 avril, jour de son 89ème anniversaire, les autorités suisses le font rejoindre la frontière avec sa femme. Le 26 avril 1945, il arrive à Vallorbe vers 16 h 45 avec un convoi de quatre berlines pour rejoindre la France. “La ligne de chemin de fer Vallorbe-Pontar- lier nʼétant plus exploitable après que les Alle- mands aient muré le tunnel du Mont dʼOr, le Maréchal fait une courte halte de 2 heures dans la Gare de Vallorbe, dans un apparte- ment mis à sa disposition. Il demande ce quʼil se passe de lʼautre côté de la frontière : on lui rapporte que 150 soldats sont postés. Des

F.F.I. (forces françaises de lʼintérieur) lʼattendent” relate lʼhistorien Carlo Triolo. Arrivés là, des soldats, gendarmes et gardes mobiles, lʼarme à la bretelle, restent figés en attendant le Maréchal qui avait pu choisir ce lieu pour éviter les journalistes. Le général français Koenig attend le premier véhicule dʼoù descendra le Maréchal, canne à la main. Pétain lui tend la main pour le saluer… Ce dernier se contente de sʼincliner rapidement en invitant son “prisonnier” à le suivre jus- quʼau bureau de la douane où le commissai- re François Chavalor et le sous-directeur de la police judiciaire établissent le procès-ver- bal de “prise de corps”. Après ces formalités, le Maréchal est dirigé dans un camion fermé vers la gare des Hôpi- taux où le train quitte la gare à 21 h 30. Mal- gré la protection dont il bénéficie, il est blo- qué un temps en gare de Pontarlier où une manifestation hostile à Pétain est organisée. Des insultes fusent “ Àmort Pétain” ou “Pétain au poteau.” Des cailloux sont lancés. Certains manifestants réussissent à frapper les vitres du wagon où se trouvent le maréchal et son épouse. Le train rejoindra ensuite de nuit et sans encombre la région parisienne. Le couple Pétain est alors convoyé par la route au fort de Montrouge, dans le sud de Paris. Il y res- tera jusquʼà son procès, le 23 juillet 1945.

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