La Presse Pontissalienne 186 - Avril 2015

PONTARLIER ET ENVIRONS

La Presse Pontissalienne n° 186 - Avril 2015

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COMTÉ

Une exception vers Gilley

Les prairies fleuries

dans un état alarmant

En étudiant certains secteurs du Doubs, le

S i le comté se défend de propo- ser le cahier des charges le plus engagé en matière de protec- tion environnementale, le résul- tat de l’enquête menée par le Conser- vatoire sur l’état de nos prairies coupe l’herbe sous le pied à de nombreuses idées affichées. Et notamment celle que le comté est un fromage réalisé avec plus de 500 fleurs différentes. Les scientifiques ont eu l’opportunité de centraliser une base de données sur les plantes présentent dans les zones Natura 2000, celles que l’on pourrait penser les plus préservées. Une erreur : “L’état de conservation des habitats est alarmant. Les prairies eutrophisées et banalisées dominent largement et les pelouses maigres sont rares, explique JulienGuyonneau, botaniste au Conser- dérive productiviste, est pointé du doigt. Des sec- teurs seraient préservés comme la Montagne-de- Gilley par exemple. Conservatoire botanique de Franche-Comté révèle que 92 % des prairies présentent une typicité floristique moyenne à mauvaise. Le comté, et sa

vatoire botanique national de Franche- Comté. Dans les sites Natura 2 000 du bassin du Drugeon, 92 % des surfaces de prairies cartographiées sont dans un mauvais état de conservation et seu- lement 8 % sont en moyen ou bon état.” Le vert de l’herbe grasse précédé de la floraison jaune de pissenlits a donc supplanté les campanules, géraniums des bois, gentianes jaunes, narcisses, marguerites, trolles d’Europe (boutons d’or). Ces cortèges typiques de nos prai- ries du second plateau et du Haut- Doubs sont en danger. Dans un systè- me de belle prairie, on devrait observer entre 40 et 60 espèces par relevé de 50 m 2 . Lorsque la pression agricole augmente, on diminue entre 20 et 30. Autre résultat : 92 % des surfaces de prairies des premiers plateaux pré- sentent une typicité floristique moyen- ne à mauvaise (selon un inventaire mené par échantillonnage). Il reste des cas préservés permettant de rester “positif” : “Nous savons que les prai- ries de laMontagne-de-Gilley sont enco- re en bon état car la mécanisation n’a pas touché ces prairies mais aussi Cha- pelle-d’Huin ou à Bulle” déclare le bota- niste. Seules 13 % des prairies fauchées de montagne et 5 % des prairies fauchées de plaine étudiées sont en bon état en Franche-Comté. Ces résultats ont été obtenus sur des zones Natura 2000 censées atteindre un haut niveau de qualité environnementale. “Cela veut

peut vouloir dire que le reste est pire, se désole Julien Guyonneau. Ce n’est pas parce que c’est une culture herba- gère que c’est extensif.” En revanche, les plateaux de Maîche, Pierrefontaine-les-Varans, la biodi- versité est en danger, estiment les bota- nistes. “Quand la filière comté vend son fromage avec des images de prai- ries colorées, on estime que c’est de la publicité mensongère. C’est devenu un désert vert” pointe Marc Goux, prési- dent du collectif S.O.S. Doubs et Rivières et Comtoises. Les atteintes à la diver- sité végétale des prairies sont bien évi- demment liées à des pratiques agri- coles : “Fertilisation excessive, fauche précoce et répétée, pâturage des prai-

ries de fauche au prin- temps et en automne, sur- semis, retournement du sol, casse-cailloux, conver- sion des prairies perma- nentes semi-naturelles en prairies temporaires arti- ficielles” concède le conservatoire botanique. Accusé de ces maux, la filière comté par la voix de son président Claude Vermot-Desroches répond : “ J’en ai marre que l’on ne parle pas des aspects positifs. Nous sommes la seule filière à avoir un cahier des charges aussi strict qui

“Les seuls avec un cahier des charges si strict.”

Le botaniste Julien Guyonneau : “Seules 13 % des prairies fauchées de montagne sont en bon état.”

limite la fertilisation azotée des sols et l’alimentation des vaches laitières. Nous sommes les seuls à nous préoccuper de l’appauvrissement des sols : nous menons des études avec l’Université de Franche-Comté” se défend Claude Ver- mot-Desroches. Les estimations pour parvenir à un comté presque neutre sur le plan environnemental ne sont pas si simples. “On émet des proposi- tions comme celui d’établir un cahier

des charges adapté à des zones et non à tous les 2 700 producteurs des 3 dépar- tements”, lâche Marc Goux. Claude Vermot-Desroches est attentif notam- ment au retour à une autonomie ali- mentaire et à un paysager bocager. “Nous travaillons en collaboration.” Le fromage est face à son destin. E.Ch.

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