La Presse Pontissalienne 184 - Février 2015

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 184 - Février 2015

4

MASSIF DU JURA

Entretien avec le commissaire au Massif “On reste trop dépendant du tourisme hivernal”

En place depuis plus d’un an, Thierry Delorme le commissaire au Massif du Jura évoque les forces, les faiblesses et les perspectives d’un territoire plutôt gâté par la nature mais qui n’en reste pas moins fragile.

L a Presse Pontissalienne : Pouvez-vous nous rappeler quel est votre territoire d’intervention ? Thierry Delorme : Lemassif du Jura s’étire sur une large partie de la Franche- Comté jusqu’au sud du Territoire-de- Belfort et inclut le département de l’Ain en région Rhône-Alpes. Le mas- sif du Jura correspond à la partie mon- tagneuse et à la zone de piémont. Soit 574 150 habitants, 902 communes dont les villes de Pontarlier, Morteau, Maîche,Valdahon, Gex, Oyonnax, Bel- ley… L.P.P. : Qu’est-ce qui vous a marqué sur ce massif ? T.D. : Enmétropole, c’est le massif mon- tagneux le plus homogène aussi bien au niveau de la répartition de la popu- lation que des activités. On dénombre un grand nombre de P.M.E. La popu- lation du Massif du Jura est plus jeu- ne qu’ailleurs. Cette montagne abri- te une agriculture particulièrement dynamique grâce à ses productions A.O.P. comme le comté. La proximité avec la Suisse explique un taux de chômage plus bas que la moyenne nationale. L’autre atout jurassien rési- de dans la richesse du patrimoine naturel et la qualité paysagère. Au final, ce massif bénéficie d’une situa- tion plutôt favorable qui comporte aussi des fragilités. Si le taux d’emplois industriels reste élevé, il se concentre sur quelques secteurs. On doit donc veiller à la diversification des pro- ductions. Le travail frontalier est un atout considérable avec le risque de dépendance vis-à-vis d’un pays tiers, ce qui peut être source de fragilité. L.P.P. : D’autres faiblesses à signaler ? T.D. : On peut évoquer le tourisme qui souffre encore d’un manque de noto- riété. On reste trop dépendant du tou- risme hivernal, d’où la nécessité d’élargir la période de fréquentation, ce qui induit aussi d’améliorer la qua- lité d’accueil et de développer l’offre d’hébergement et de diversifier les activités. Les atouts naturels sont nombreux mais on est sur un milieu

mesurer la notoriété spontanée. Elle est passée de 36 % à 46 % entre 2003 et 2013. Aujourd’hui, on talonne les Vosges et le Massif Central. On a rat- trapé notre retard. En décembre der- nier, les Montagnes du Jura ont été retenues avec onze autres régions pour représenter l’offre touristique française à l’étranger. Cela a abouti à la signature d’un contrat de desti- nation qui servira de levier pour par- tir à la conquête de nouveaux mar- chés sur l’Allemagne et le Royaume-Uni. L.P.P. : C’est une belle reconnaissance ! T.D. : Cela concrétise en tout cas une belle dynamique qu’il faut continuer à faire prospérer. Des crédits d’État complémentaires seront alloués par rapport à ce contrat de destination. Cela permettra d’inscrire la desti- nation Montagnes du Jura dans la durée et d’amplifier les démarches de prospection à l’étranger. L.P.P. : Qui s’occupe de ce contrat de desti- nation ? T.D. : Le projet est géré par le collectif Montagnes du Jura avec le soutien de l’État. Il est porté juridiquement par le Comité Régional du Tourisme de Franche-Comté. L.P.P. : Comment se présente la prochaine Convention Interrégionale de Massif 2015- 2020 ? T.D. : On travaille avec les deux Régions et en concertation avec les Conseils généraux sur cette nouvelle conven- tion de massif en cours d’élaboration Il s’agit d’apporter des crédits pour répondre aux enjeux définis dans le schéma interrégional d’aménagement et de développement du Massif du Jura. Aujourd’hui, le préfet coordi- nateur du Massif a reçu une feuille de route où l’État apporte 13,5 mil- lions d’euros. La future convention se décline en quatre axes stratégiques. Le premier s’articule autour de l’attractivité des territoires avec les questions de mobilité et de dévelop- pement des usages numériques. Le second concerne la valorisation éco- nomique des ressources naturelles et des compétences reconnues sur le mas- sif. Une partie des actions sont ciblées sur l’adaptation aux changements cli- matiques et sur le développement des énergies renouvelables. Le quatriè- me et dernier volet est consacré aux actions de coopération inter-massif et franco-suisse. L.P.P. : À combien s’élevait l’enveloppe finan- cière de la précédente convention ? T.D. : Au total, un peu plus de 60 mil- lions d’euros dont 14,8 millions au niveau de l’État ont été mis en œuvre sur une période de 7 ans, de 2007 à 2014. L.P.P. :Qui décide dumontant attribué à chaque massif ? T.D. : C’est un choix gouvernemental. Le préfet coordinateur de Massif a fait remonter, après concertation, des propositions d’actions à mettre en œuvre au regard des orientations fixées pour les territoires de massif et le niveau national détermine les types d’actions et les budgets ouverts à la contractualisation par massif. Globalement, on a pointé un certain

Après un an d’exercice, Thierry Delorme, le commissaire au Massif du Jura, a pris toute la mesure des enjeux de ce massif qu’il trouve particulièrement jeune dans sa population et homogène dans la répartition des activités.

mise en place des S.C.O.T. Le com- missariat au Massif du Jura est très attentif à a préservation des paysages, aumaintien du pastoralisme. On veille par exemple à l’intégration des équi- pements sur les opérations que nous soutenons. On retrouve cette démarche à travers la destination “Montagnes du Jura.” L.P.P. : Serez-vous impacté par la fusion entre la Franche-Comté et la Bourgogne ? T.D. : Non, la vocation interrégionale du commissariat ne sera pas modi- fiée. L.P.P. : Vos missions restent assez transver- sales ? T.D. : Oui, on ne porte pas de politique agricole ou forestière mais on gère des crédits d’intervention sur l’aménagement du territoire. On vient en complément sur les filières. On rai- sonne par rapport à un territoire avec l’objectif de décloisonner les choses. L.P.P. : Quels sont les projets au menu de l’année 2015 ? T.D. : On devra finaliser la nouvelle convention interrégionale de massif, poursuivre le travail engagé autour des Montagnes du Jura. 2015 sera une année de lancement de nouveaux programmes. Propos recueillis par F.C.

l’économie touristique est plus déve- loppée dans d’autres secteurs du mas- sif. On note quand même aujourd’hui l’envie de valoriser davantage les potentialités touristiques du Haut- Doubs. Les choses évoluent dans le bon sens. La preuve avec la mise en place de plusieurs contrats de station dont le dernier remonte en novembre 2014 sur la communauté de communes duVal deMorteau. Idem avec le pôle d’excellence rurale autour du lac Saint-Point, le projet d’extension du Conifer, l’aménagement du Gou- nefay, le développement des circuits de randonnée franco-suisses. D’autres projets sont en train d’émerger. L.P.P. : Quelques mots sur la filière bois ? T.D. : On est sur un massif très boisé avec un déficit de mobilisation de la ressource. Il y a des actions à mener sur les conditions d’exploitation, contre le morcellement des parcelles et pour mieux valoriser la production locale. On doit s’efforcer de dynamiser le réseau des petites scieries en conti- nuant à structurer les filières de la construction bois et du bois énergie. Autre sujet important sur le Haut- Doubs : la question de la préservation des espaces et la répartition des acti- vités. Sur ce secteur, on constate de très fortes pressions sur les terres agricoles. La solution passe par la

nombre de priorités qui nous sem- blaient importantes. L.P.P. : Pouvez-vous citer quelques exemples ? T.D. : On peut parler de la mobilité des personnes. On a financé des actions en faveur du covoiturage. Se pose la problématique des usages numériques où il reste encore des choses à déve- lopper. Il y a aussi des enjeux impor- tants à relever sur la valorisation éco- nomique. On doit renforcer les coopérations entre les entreprises ou intersecteurs pour gagner en lisibili- té. L.P.P. : À quel niveau les collectivités vont- elles contribuer à la convention de massif ? T.D. : La participation des collectivités sera connue prochainement. Elle relè- ve aussi du plan État-Région. Cette convention de massif s’articule éga- lement avec les fonds communau- taires. Je pense notamment au pro- gramme F.E.D.E.R. qui comprend un axe spécifique sur l’ensemble du mas- sif. Ce volet était géré par le com- missariat avant d’être transféré au Conseil régional de Franche-Comté. L.P.P. : Quelle est la place du Haut-Doubs dans le Massif du Jura ? T.D. : Toute la partie frontalière profi- te de la proximité avec la Suisse. C’est un vrai atout. On se rend compte que

karstique très sensible avec des gros enjeux autour de la qualité de l’eau. Le massif ne manque pas d’arguments positifs mais la situation impo- se des points de vigi- lance. Tous ces éléments ont été mis en éviden- ce en 2013 par le comi- té de massif lors de la réalisation du nouveau Schéma Interrégional du Massif du Jura. L.P.P. : Comment se porte la marque Montagnes du Jura ? T.D. : Cette marque a été mise en place en 2003 sur les départements de l’Ain, du Doubs, du Jura et les deux régions Franche-Comté et Rhô- ne-Alpes dans le but de s’affranchir du décou- page administratif avec l’objectif de devenir une destination touristique à l’échelle européenne. En dix ans, on a pu

“On talonne les Vosges et le Massif Central.”

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker