La Presse Pontissalienne 184 - Février 2015

LA PAGE DU FRONTALIER

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La Presse Pontissalienne n° 184 - Février 2015

Zoom “Doit-on tout sacrifier dans

URBANISME

La différence France-Suisse

Quand Ballaigues instruit 5 permis de construire, Jougne en signe 87

fer quand Jougne touche 200 000 euros en taxe locale d’équipement. Un lot de consolation quand il faut envisager la création du nouveau groupe scolaire dont l’ouverture (du périscolaire) est prévu enmars. 3,5millions seront inves- tis ici. E.Ch. Lʼassociation aide et conseille les par- ticuliers à rénover tout en respectant la culture du bâti franc-comtois. “Nous ne sommes pas des ayatollahs, cou- pe-t-il. Nous donnons des conseils. Malgré la nécessité de concilier moder- nité et tradition, certains critères peu- vent être facilement respectés : la pro- portion de deux tiers de maçonnerie et dʼun tiers de bois, le positionnement des lambris de bois à la verticale, la toiture à deux pans recouverte de tuiles, voire de tôle rouge. Des villages sʼen sont bien sortis à lʼimage de Chapel- le-des-Bois qui a serré les boulons en matière de permis de construire. Ne faut-il pas sauver ce qui faisait le char- me de notre contrée et constituait un atout touristique indéniable ? Il en va de lʼattrait touristique de notre région cʼest-à-dire dʼun atout économique qui pourrait bien un jour se révéler bien précieux…” le Haut-Doubs ?” R eprésentant de lʼassociation “Maisons Paysannes de Fran- ce” pour le Doubs, Jean-Paul Longchampt alerte sur lʼévolution inquiétante du bâti dans nos vil- lages. Habitant de Bonnevaux et propriétaire la ferme-musée “la Pas- torale”, le délégué de lʼassociation qui regroupe 10 000 adhérents au niveau national a un rôle : défendre le patrimoine bâti en milieu rural. En novembre dernier, il a conduit les adhérents à la découverte du Haut-Doubs, de Remoray à Jougne. Ils ont eu de bonnes et mauvaises surprises… Parmi les mauvaises, lʼexemple de Jougne : “Les membres de M.P.F. ont découvert avec stupé- faction et tristesse lʼévolution inquié- tante du bâti dans nos villages : un bâti récent hétérogène côtoyant sans aucun souci dʼharmonie le bâti ancien” relate le délégué. Cʼest regrettable dʼautant que la commune a fait des pieds et des mains pour obtenir le label “Petite cité comtoise de caractère” en 1999. “Aujourdʼhui, ce titre est sérieu- sement écorné” commente M. Long- champt.

En matière d’urbanisme, tout oppose Jougne en France à Ballaigues en Suisse. Freinée par le canton de Vaud pour développer son expansion, la commune

densifie son centre pour éviter l’étalement. Jougne, de son côté, “digère” son explosion.

J ougne, en France. Quelques toits plats, des façades colo- rées et des tuiles noires en ardoise, le décor est planté. C’est celui du “nouveau” lotissement situé sur le versant ensoleillé, non loin du départ des pistes de ski de fond. Ici, chaque nouvelle maison à son lopin de terre. Des chalets cohabitent avec des habitations design et encore quelques vieilles fermes. 10 km plus loin, à Ballaigues, village du canton de Vaud situé à proximité de la frontière, le décor est différent. À vrai dire, il n’a pas - beaucoup - chan- gé depuis 30 ans hormis l’entreprise Maillefer qui s’est étalée dans une zone prédéfinie pour abriter ses 1 000 sala-

riés. Les vieilles bâtisses du centre- bourg ont toutes été rénovées. “Il en reste encore une à remettre en état” pré- cise le syndic de la commune, compé- tent comme en France à gérer les per- mis de construire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En l’espace d’une vingtaine d’années, le village helvète a vu sa population oscil- ler entre 900 et 1 000 habitants (ils sont 1 032).À l’inverse, Jougne a explo- sé : encore 860 en 1982, les Jougnards sont actuellement 1 500, 200 de plus encore qu’en 2007. Un nouveau recen- sement est en cours. Personne ne peut reprocher à la com- mune frontière d’avoir répondu à une demande : celle des travailleurs fron-

Le syndic de Ballaigues, Raphaël Darbellay, présente le plan d’urbanisme de Ballaigues qui évolue peu.

mécanisme est simple : il faut s’endetter en Suisse pour éviter de payer l’équivalent de l’impôt sur la fortune en France. À Ballaigues, une maison d’environ 120 m 2 vaut en moyenne 650 000 francs (643 000 euros). À l’inverse de Lausanne, la pression immobilière reste faible. Mais Bal- laigues entrevoit un nouveau phéno- mène : l’arrivée de travailleurs lau- sannois venus profiter de loyers moins chers (environ 2 000 francs par mois pour unT4 contre environ 4 000 à Lau- sanne). Un flux de population qui n’est pas sans conséquence et qui rappelle ce que vivent les communes françaises : “Ces nouvelles personnes qui arrivent à Ballaigues ne s’intègrent pas, ne consomment pas ici. On a une aug- mentation de la population fantôme”

taliers obligés de se loger.Mais aujour- d’hui, “il faut laisser le temps à la com- mune de digérer” coupe le nouveaumai- re Denis Poix-Daude. C’est en effet sous l’ère Michel Morel que du terrain com- munal a été vendu à des promoteurs pour répondre à la demande. “En 2014, on a signé 87 permis de construire,chiffre qui semble nettement baisser cette année car on ne croule pas sous les demandes. Nous avons signé un engagement : celui de gérer le terrain des agriculteurs et de ne pas s’étendre. Nous allons bou- cher les dents creuses” dit l’édile. Preu- ve que la frénésie a chuté côté français, le projet de lotissement de chalet à La Ferrière peine à démarrer. Côté suisse, on ne regarde ni avec envie ni avec dédain l’expansion française : “Limiter l’étalement, c’est culturel. On doit protéger le territoire et le milieu. C’est même devenu excessif” commen- te Raphaël Darbellay, syndic. Pour preu- ve, l’administration communale qui avait déposé sur le bureau du canton deVaud un projet détaillé visant à créer 10 maisons, 3 maisons jumelées, et 4 petits immeubles de 5 appartements, a été retoqué. La commune a pris acte alors que son plan d’urbanisme lui per- mettait d’absorber ces constructions. Dans les faits, les permis de construi- re se comptent sur les doigts de lamain : 5 en 2014. Un nombre qui s’explique culturellement : posséder sa maison à 30 ans n’est pas une fin en soi. C’est même quasiment impossible. Le prix du terrain reste abordable à 150 francs suisses du m 2 (contre 1 000 francs à Lausanne) mais la construction et les impôts sur le foncier sont élevés. Le

regrette Raphaël Dar- bellay. Comme Jougne qui le faisait aupara- vant, une soirée d’intégration est orga- nisée avec les nouveaux habitants. Finalement, Ballaigues et Jougne ne sont pas si opposées sauf à com- parer leur budget. Il est de 7,4millions de francs pour Ballaigues et 6,3 millions d’euros à Jougne (1,4 million d’euros de fonctionne- ment et 4,88 millions d’investissement). Le village suisse profi- te en taxe de l’implantation deMaille-

L’arrivée de travailleurs lausannois.

Le maire Jougne Denis Poix-Daude estime que la commune “doit digérer l’expansion.”

UNIVERSITÉ

Neuchâtel La criminologie, nouvelle corde à l’arc de l’université

démarche par des collègues de l’université de Lausanne, Genè- ve et de Franche-Comté. 350 000 francs suisses (versés par le fonds national suisse de la recherche) ont été alloués pour réaliser des études et finan- cer l’équipe, composée de six experts en droit, psychologie, statistiques, sociologie. Son objectif est de fédérer des cher- cheurs de toutes provenances

autour de questions telles que l’explication de la prévention

le et la législation pénale. La Suisse possède l’un des taux les plus bas de criminalité avec 1,1 crime pour 100 000 habitants contre 7,4 pour les États-Unis. Le centre organise à l’université de Neuchâtel des conférences sur des thèmes variés. Prochain thème : “La jeunesse actuelle est-elle déviante ?”

La recherche en criminologie démarre à Neuchâtel. Ce centre de recherche sera en relation avec l’université de Franche-Comté.

et de la prise en charge de la cri- minalité. Ses objets d’étude sont la déviance, le cri- me, le criminel, la sanction, la poli- ce, la justice péna-

La Suisse sûre en matière de sécurité.

À la télévision, ils s’appellent Grissom ou Horatio Caine et œuvrent sur les scènes de crimes dans les villas de Las Vegas ou Miami. Ce qu’on ne sait pas ou peu, c’est que les experts ne sont pas nés aux

États-Unis mais au bord du Léman. Les pionniers de la “cri- minalistique” se sont formés à Lausanne (et Paris) en 1909, le premier cursus universitaire de criminalistique, sous l’impulsion de Rodolphe Archi- bald Reiss. Bref, il existe une

culture suisse pour cette pra- tique. L’université de Neuchâtel vient de créer “le centre romand de recherche en criminologie” sous l’impulsion d’André Khun, juris- te et criminologue à l’origine du centre, encouragé dans sa

Renseignements : www.unine.ch

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