La Presse Pontissalienne 184 - Février 2015

PONTARLIER ET ENVIRONS

LPP n° 184 - Février 2015

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Le jour où la Fée verte a été condamnée à mort Il y a cent ans, le 7 janvier 1915, l’absinthe était interdite en France. Du jour au lendemain, des milliers de Pontissa- liens qui travaillaient dans les 25 distilleries de la ville per- daient leur emploi. Il a fallu attendre plus de soixante-dix ans pour voir renaître le produit. ANNIVERSAIRE Le centenaire de son interdiction

Travers, c’est à Pontarlier que sont nées les premières distilleries. “Des tonneaux d’absinthe étaient envoyés dans tout l’empire colonial. C’est ain- si que Pontarlier s’est fait connaître dans le monde entier” poursuit le spé- cialiste. Dans ces colonies, les vertus médicales et thérapeutiques de l’absinthe n’étaient pas contestées. “Elle permettait notamment de puri- fier l’eau non potable.” Cette large publicité faite à l’absinthe lui fut fatale. Sa notoriété a vite gagné les cercles parisiens et les cafés litté- raires de la capitale. “Le prix au ver- re était tellement bas que tout le mon- de en buvait. Certains en buvaient plus d’une vingtaine par jour, une absinthe qui titrait alors entre 68 et 72° d’alcool. Le succès de l’absinthe fut tel au début du XX ème siècle qu’elle commençait à détrôner le vin. C’est là que les autori- tés ont commencé à réagir et que les puissants lobbies du vin se sont ligués contre l’absinthe. Même la ligue anti- alcoolique a pris fait et cause contre l’absinthe et pour le vin” ajoute Fabri- ce Hérard. En cette période de guerre où la France avait besoin d’hommes vaillants, le sort de la Fée verte était scellé : le 7 janvier 1915, en pleine guer- re, le gouvernement Poincaré décrète son interdiction. Les robinets des usines se sont fermés du jour au lendemain et la plupart des distilleries ont mis la clé sous la porte. Quelques-unes - Cousin-Florentin, ancêtre de la distillerie Guy, ou encore Pernot ou Denizet-Klinguer - ont réflé- chi à une possible reconversion. Com- me d’autres distilleries en France, elles se sont mises à distiller l’anis vert. Le début d’une nouvelle aventure… La Fée verte n’avait pourtant pas dit son dernier mot. Il faudra cependant attendre 1988 et une décision de l’Europe pour voir l’absinthe sortir de son long sommeil. La fabrication de l’absinthe était à nouveau autorisée, à certaines conditions restrictives néan- moins, imposées par le gouvernement français. “L’absinthe est revenue par la petite porte et il faudra attendre 2001 pour qu’ici, la première distillerie com-

Le thème de l’interdiction sera le fil rouge des prochaines Absinthiades préparées par les Amis du musée, sous la houlette de Fabrice Hérard.

L a turbulente épopée de l’absinthe s’est interrompue brutalement. Le décret du 7 janvier 1915met- tait un terme à un âge d’or pour Pontarlier, une ville connue mondia- lement à l’époque comme la capitale de l’absinthe. Imaginons : 25 distille- ries étaient installées sur la commu- ne de Pontarlier, faisant travailler entre 2 000 et 3 000 ouvriers selon les esti- mations. “15 millions de litres sortaient tous les ans des ateliers pontissaliens, dont 7 millions de la principale usine, la distillerie Pernod, qui était instal- lée à l’emplacement actuel de Nestlé” précise Fabrice Hérard, le directeur desAmis dumusée de Pontarlier. Outre

ses 25 distilleries, Pontarlier ne comp- tait pas moins de 150 bistrots. L’âge d’or de l’absinthe à Pontarlier s’est étalé de 1830 à 1900. Inventée dans le Val de Travers voisin, la dis-

tillation d’absinthe a été “importée” à Pontarlier à cause des taxes à l’importation décidées par Napoléon au début du XIX ème siècle. Plutôt que de payer pour impor- ter l’absinthe suisse, mieux valait donc la pro- duire localement. Logi- quement, étant la ville la plus proche du Val de

“L’absinthe est revenue

par la petite porte.”

La propagande anti-absinthe a fini par avoir raison de la Fée verte.

C’est ainsi que la capitale du Haut- Doubs est redevenue 100 ans après l’interdiction, celle de la Fée verte. Et l’absinthe devenue un vecteur de tou- risme non négligeable et un inépui- sable sujet de culture et de discus- sion. J.-F.H.

mence à en produire à nouveau, à des degrés moindres et avec un taux de thuyone, la fameuse molécule accusée à l’époque de l’interdiction, inférieur à 35 mg par litre. Et en 2011, un toilet- tage de la loi française a permis aux producteurs d’utiliser à nouveau le ter- me d’absinthe sur l’étiquette” poursuit M. Hérard. En 2001, les premières Absinthiades étaient organisées à Pon- tarlier.

Le 7 janvier dernier - malgré les attentats survenus le jour même -, les Amis du musée ont “fêté” ce centenaire.

Dans la plaine de l’Arlier, la culture de la plante d’absinthe occupait des centaines de personnes.

En Suisse, l’interdiction avait été décidée 5 ans plus tôt.

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