La Presse Pontissalienne 182 - Décembre 2014

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 182 - Décembre 2014

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ENQUÊTE

L’égalité “hommes femmes” vire à la bataille de chiffres

Les très hauts salaires explosent à la Région 9 hommes perçoivent plus de 8 300 euros bruts par mois à la Région Franche-Comté… contre aucune femme. Un directeur perçoit environ

10 000 euros nets par mois. Le syndicat C.F.D.T. s’insurge face à ces inégalités croissances. Dans le même temps, des efforts sont demandés aux salariés situés en bas de l’échelle. Retour sur 10 ans de bilans sociaux.

D epuis 2009, le syndicat C.F.D.T. à la Région Franche-Comté n’a cessé de dénoncer l’opacité du bilan social dans cette collectivité qui emploie 466 agents au siège à Besançon et environ 1 300 dans les lycées. Cinq ans plus tard, l’acharnement finit par payer. Le syndicat dévoile l’étude sur l’égalité professionnelle hommes-femmes, croisée avec les bilans sociaux. La Région a en effet obligation de rendre publique ces données liées à l’égalité hommes-femmes dans les collectivités que le syndicat jugeait opaques depuis l’arrivée de Marie-Guite Dufay. “C’est pire que

ce l’on pouvait imaginer, commen- te Dominique Aubry-Frelin, secré- taire de la section C.F.D.T. à la Région. En 2009, le choix de l’opacité par la Région est total. Elle affi- chait que 52 agents étaient au-des- sus de 4 000 euros (23 hommes et 29 femmes), ce qui lui évitait de montrer que les vrais très hauts salaires vont aux hommes et de pré- ciser leur montant exact” précise cette dernière. Les chiffres contenus dans l’enquête parlent d’eux-mêmes : en 2002 sous l’ère Jean-François Humbert, deux agents (hommes) gagnaient entre 6 000 et 7 500 euros à la Région, soit 4 800 euros nets et 6 000 euros

nets. Ce sont en général des postes à responsabilité de directeur géné- ral. Douze ans plus tard, quatre hommes margent désormais entre 10 000 et 12 500 euros par mois (bruts). Un autre dépasse les 12 500 euros mensuels (bruts), soit environ 10 000 euros nets. “Le fossé ne fait que se creuser entre le plus haut et le plus bas salaire, s’insurge la por- te-parole de la C.F.D.T. En 2002, l’écart entre le plus haut salaire est de 5,7 fois le plus bas. En 2013, cet écart est de 8,6 fois plus.” Pire, le fossé se creuserait encore davan- tage entre hommes et femmes. La preuve, une fois encore, par les chiffres : aucune femme ne touche plus de 8 300 euros bruts, contre neuf hommes. “Les trois agents féminins qui ont de 7 500 à 8 300 euros le doivent à une ancien- neté de plus de 20 ans dans la col- lectivité” ajoute Dominique Aubry- Frelin qui dénonce aujourd’hui la nouvelle politique en matière de recrutement. “Auparavant (N.D.L.R. : avant 2010 et la prési- dence de Marie-Guite Dufay), les candidats aux postes à responsa- bilité trop gourmands n’étaient pas retenus. On refaisait alors un appel d’offres” explique la syndicaliste.

Dominique Aubry-Frelin, secrétaire de section au syndicat C.F.D.T., et Denis Thierry, secrétaire adjoint.

Ce n’est plus le cas…à son grand dam. À la décharge de la col- lectivité, rien ne l’empêche de se doter de personnes compé- tentes quitte à les payer beau- coup plus. Et revoir les salaires en fonction de l’inflation… “C’est vrai, admet la confédération des travailleurs, mais celui qui gagnait 7 500 euros en 2004 (le plus haut salaire de l’époque) devrait gagner 8 657 euros en 2013 (et non 12 500 comme c’est le cas désormais).” L’ancienneté n’explique pas à elle seule les écarts de rému- nération au sein des catégories A et A + : le salaire moyen men- suel est plus élevé pour ceux arrivés les cinq dernières années que les autres. La Région s’explique assez facilement : elle a dû incorporer des agents de l’État, au statut plus favorable. La pilule a d’autant plus de dif- ficultés à passer “que la Région cherche à faire des économies sur les avancements et promo- tions de ses agents” avance la C.F.D.T., ce que nie farouche- ment la Région (lire l’interview page suivante). Dans les faits, le syndicat explique “qu’il est demandé aux chefs de service et gestionnaires de mettre des “avis défavorables” aux agents afin de limiter l’avancement ou la promotion.” Un jeu de dupe qui créerait un climat délétère même si la Région Franche-Comté propo- se des quotas beaucoup plus intéressants en matière d’avancement que notre voisin bourguignon. En Franche-Comté, un agent de catégorie C (bas de l’échelle) a en effet 100 % de chance d’avancer s’il remplit deux condi- tions : l’ancienneté et un avis favorable de son supérieur hié- rarchique. Ce ne serait pas tout à fait le cas en Bourgogne. Si le climat social paraît ora- geux, électrisé par le gel du point d’indice des agents depuis 2010, le syndicat n’oublie pas les avan- cées obtenues en matière de revalorisation de toutes les primes de manière à ce que toutes bénéficient du maximum de primes prises en compte pour la retraite (2004) ou encore l’alignement des primes des agents des lycées sur celles des agents du siège (2007-2009). E.Ch.

Détail des salaires (en brut) De 5 000 à 7 500 euros bruts : 19 hommes et 19 femmes (soit environ 4 000 nets et 6 000 nets) De 7 500 à 8 300 euros bruts : 8 hommes et 3 femmes (soit 6 000 euros et 6 640 euros nets) De 8 300 à 10 000 euros bruts : 4 hommes, aucune femme (soit 6 640 à 8 000 euros nets) De 10 000 à 12 500 euros bruts : 4 hommes, aucune femme (soit 8 000 à 10 000 euros nets) Au-delà de 12 500 euros bruts : 1 homme.

RÉACTION “Les salaires annoncés sont faux” Selon la Région Franche-Comté, le cabinet en charge de l’étude, payé 30 000 euros, s’est trompé dans le mode de calcul. Elle admet toute- fois que les inégalités hommes-femmes sont présentes et explique comment elle peut les gommer. En charge des ressources humaines, Patrick Bontemps désamorce la bombe. L a Presse Pontissalienne : Expliquez pourquoi la Région Franche-Comté a commandé une enquête sur l’égalité professionnelle homme-femme ? Patrick Bontemps : Le but premier de cette étude com- mandée au cabinet doit nous permettre de voir où la collectivité se positionne en matière d’égalité entre les salariés hommes et femmes (N.D.L.R. : ce genre d’études a été rendue obligatoire par loi). C’est un sujet important, dans l’air du temps, qui a mobilisé l’ensemble des partenaires sociaux avec lesquelles nous avons travaillé dans le cadre de réunions de dialogue social. L.P.P. : Venons-en au fait. L’enquête démontre que des hauts fonctionnaires de la catégorie A +, primes confondues, dépas- sent les 10 000 euros bruts par mois, voire 12 500 euros bruts pour une personne. Alors que la Région demande des efforts aux agents en gelant le point d’indice (depuis 2010), cela paraît choquant. P.B. : Il n’y a, à la Région, pas de salaire au-dessus de 8 300 euros… L.P.P. : Faut-il en déduire que le cabinet Geste recruté par la collectivité après un appel d’offres a mal fait son travail ? P.B. : L’erreur de ce cabinet d’études est d’avoir repris le salaire brut qui comprend le salaire indiciaire et le salaire indemnitaire : il a rajouté une deuxième fois l’indemnitaire, d’où cette erreur. Les chiffres sont faux. L.P.P. : Donnez-nous les “vrais” chiffres ! P.B. : Ils n’ont pas vocation à être rendus publics. Nous rendrons compte de cette étude au moment où elle sera terminée. Nous étions dans la phase de res- titution aux partenaires sociaux (N.D.L.R. : les par- tenaires sociaux en ont pris connaissance le 2 octobre). Nous attendons les conclusions pour établir ensui- te établir un cahier pour l’égalité hommes-femmes. Cette enquête parle d’égalité.

Propos recueillis par E.Ch.

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