La Presse Pontissalienne 182 - Décembre 2014
REPORTAGE
La Presse Pontissalienne n° 182 - Décembre 2014
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Un Haut-Doubiste lobbyiste du vin et des A.O.C. RENCONTRE
Monnot et ses équipes vont très vite se confronter à des mastodontes. Avec seulement 100 000 euros de budget, son “lobby” atteindra ses limites, d’abord humaines puis financières. Un immense rapport de force débute entre les deux continents dont un semble avoir une longueur d’avance… Les États-Unis sont en effet les pos- sesseurs de l’Internet. “Ce dossier attend les plus hauts sommets : nous sommes dans des relations diplomatiques.” L’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (I.C.A.N.N.) est une société de droit californien qui gère au niveaumondial l’ensemble des noms de domaine sur Internet. Attaché à la terre, le directeur ne peut s’empêcher de répondre à une ques- tion sur l’avenir du comté. Est-il, lui aussi, en danger ? “Oui. Le problème du comté est qu’il est présent à Paris et non à l’Europe à Bruxelles… alors que c’est ici que nous sommes écoutés” répond le Franc-Comtois. Cette posi- tion lui vaut quelques débats avec sa famille. Si son lobby a su comme le bon vin se bonifier avec le temps, il arrive à un moment charnière. Les décisions des prochains mois noueront le sort de nos “chers” produits locaux. E.Ch. (1) : Concernant les droits de planta- tion des vignes, le principe de régula- tion est maintenu jusqu’en 2030. À partir de 2016, le nouveau régime permettra de gérer les plantations, pour toutes les catégories de vins, avec une limite maximale de crois- sance annuelle des surfaces plantées fixée à 1 %. L’Union européenne revient ainsi sur la libéralisation des droits de plantation avalisée en 2008.
Originaire de Fournets-Luisans, Pascal Bobillier-Monnot défend le vin, les producteurs, et les A.O.C. au niveau euro- péen grâce à un lobby qu’il dirige. Rencontre avec celui qui a obtenu une grande victoire sur les “droits de plantation”. Une nouvelle bataille l’attend face au géant américain.
au moins trois fois par an - visite à sa famille installée à Gilley où elle exploi- te une ferme. “Je suis attaché à la ter- re” répète ce Haut-Doubiste de 48 ans qui gère des dossiers chauds à portée internationale. Le prochain : protéger les indications géographiques aux États-Unis, un dossier qui, s’il n’est pas jugé à l’amiable, sera porté devant la justice californienne. En résumé, Pascal Bobillier-Monnot s’attaque au gouvernement américain. Habitué aux pressions de tous genres, il n’est pas prêt à reculer. Après une législature passée comme attaché parlementaire du député U.D.F. Michel Jacquemin (1993-1997), Pas- cal Bobillier-Monnot dirige cette confé- dération uniquement connue des ini- tiés et des professionnels. Elle est pourtant la clé de voûte du système des appellations d’origine en France. C’est aussi le fondateur du “lobby” Efow. Rien de péjoratif dans l’utilisation de ce terme. “Le lobby, tout le monde en fait…” coupe-t-il. Juriste formé à l’Université de Franche- Comté, pédagogue et “fin politique” selon ses pairs, Pascal Bobillier-Mon- not porte la voix de la filière vin sur les petites et grandes décisions prises à l’échelle nationale et surtout euro- péenne. Nouvelle Commission euro- péenne oblige, il rencontrera les nou- veaux commissaires afin d’évoquer avec eux les sujets brûlants. Pierre Moscovici, le local, commissaire euro- péen à l’économie et à la fiscalité pour- rait le recevoir. Après l’accord sur la libéralisation des droits de plantation (1), l’autre dossier
brûlant est celui “internet” des noms de domaines de pre- mier niveau “.vin” et “.wine”, le grand chantier à venir. “Avec cette libéralisation, des entreprises peu- vent tout acheter. Si j’étais malhonnête, je pourrais acheter sur internet le nom de domaine “www.comté.food” ou “beaujolais.wine” et le revendre au plus
I l aurait pu défendre le comté. Il a choisi le vin. Natif de Fournets- Luisans, Pascal Bobillier-Monnot dirige la Confédération nationa- le des producteurs de vins et eaux-de- vie de vin à appellation d’origine contrô- lée, en abrégé C.N.A.O.C. Il est aussi
“Nous sommes dans des relations diplomatiques.”
le représentant au niveau européen des producteurs de vins espagnols, français, portugais, hongrois, mouve- ment intitulé “Efow” visant à peser sur l’évolution des réglementations. Entre les allers-retours Paris-Bruxelles, le Franc-Comtois de naissance rend -
offrant” image le directeur. En filigra- ne, rien à l’avenir ne permettra par exemple de différencier un “vrai” vin du Jura d’une contrefaçon. Les risques concernent au premier chef les consom- mateurs (tromperies sur la marchan- dise), mais aussi les producteurs (risques de détournement de notoriété des appel- lations d’origine, voire de cybersquat- ting). “À nous, lobbyistes, d’expliquer aux parlementaires ce que contient ce rapport. Avec le contrat vendange, ils ont compris que cela sauvait l’emploi. Est-ce que la commission va soutenir le vin face aux États-Unis ? On y tra- vaille… mais l’Europe doit nous pro- téger” martèle le directeur qui estime que la France a une position trop “suf- fisante”. “La France a tendance à pen- ser que les autres ne sont pas impor- tants. Il faut plus d’humilité de sa part” réclame celui qui a réussi à fédérer autour de lui les producteurs de vins européens. Le chemin a été long. Mais fructueux. Il n’empêche, Pascal Bobillier-
Pascal Bobillier-Monnot, ici avec la chargée de mission d’Efow, à Bruxelles pour la défense de nos vins et les indications géographiques.
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