La Presse Pontissalienne 182 - Décembre 2014

La Presse Pontissalienne n° 182 - Décembre 2014

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Distribution alimentaire P’tit Panier et gros besoins Manque d’espace, manque de produits, manque de bras, on manque de tout à l’épicerie solidaire. Les bénévoles tentent de maintenir à flot une structure sous tension.

I l y a foule le mardi et vendredi après-midi devant les locaux du P’tit Panier domicilié aux casernes Marguet. Les gens sont debout dans le couloir en attendant qu’on les appelle à l’intérieur. Avec

l’augmentation du nombre de béné- ficiaires, ils devront s’armer de patien- ce et supporter le froid, les courants d’air. Les conditions d’accueil laissent à désirer, Martine Normand qui pré- side l’association du P’tit Panier s’en

désespère. “Au moins vous pouvez voir par vous-même dans quelle situation on est” , lance-t-elle entre deux fiches à remplir. Dispositif exemplaire dans son orga- nisation qui dépasse la simple chari- té pour une prise en charge plus constructive, l’épicerie solidaire fonc- tionne depuis le 16 juin 2009. “On tra- vaillait déjà sur ce projet en 2007, rap- pelle la présidente. Avant, on recevait une soixantaine de familles à chaque distribution, aujourd’hui le chiffre varie plutôt entre 80 et 90.” Les locaux mis à disposition par la ville s’avèrent trop exigus. Impossible d’accueillir plus d’une dizaine de per- sonnes en même temps. On canalise en distribuant des numéros. L’attente s’allonge. On grogne. D’autant plus qu’on repart avec des sacs de plus en plus allégés. Les fournisseurs, à savoir pour l’essentiel les grandes surfaces alimentaires, gèrent mieux leurs stocks. Conséquence : ils ont moins de produits à donner à la Banque ali- mentaire qui les distribue aux asso-

ciations. Pas besoin d’être polytech- nicien pour comprendre dans quel contexte se trouve le P’tit Panier. Les rayons vides parlent d’eux-mêmes. “On est déjà sous tension à partir du 20 de chaque mois. On réduit les quan- tités distribuées. Les gens le com- prennent très bien.” Martine Normand constate elle aus- si l’augmentation de la précarité. “Les

tout comment on va pouvoir tenir. Depuis deux mois, on gère la pénurie.” Si elle semble garder la foi dans son engagement, c’est le moral qui flanche parfois. De quoi décourager la tren- taine de bénévoles qui s’investissent au P’tit Panier. “Les bénévoles, à for- ce de tirer dessus, on ne va plus en avoir” , observe l’un d’eux. Tous rêvent de locaux plus appropriés. “Si au moins on avait une vraie salle d’attente, cela pourrait aller” , poursuit Martine Nor- mand qui ne supporte toujours pas de voir une maman rester debout pen- dant des heures avec un enfant dans les bras. La responsable s’étonne du peu de soutien des communes du Haut- Doubs forestier. “Sur les 33 ou 34 com- munes concernées, seulement cinq ou six mettent au pot. On espère au moins avoir un autre local. Le projet pour- rait aboutir en 2016-2017.” En atten- dant, les pauvres seront toujours de plus en plus pauvres.

gens n’ont rien. La situa- tion s’aggrave.” Elle craint les mesures de l’Union Européenne qui menace de ne plus approvisionner les épi- ceries solidaires à par- tir du 1er janvier, sous prétexte qu’elles font payer à leurs bénéfi- ciaires 10% du prix réel des produits. “L’État s’est engagé à nous faire des distributions sans savoir en quelle quantité et sous quelle forme. Aujour- d’hui, je ne sais pas du

“Je ne sais pas du tout comment on va pouvoir tenir.”

Avec l’augmentation des besoins et la baisse des collectes alimentaires, les rayons se vident de plus en plus vite à l’épicerie solidaire.

F.C.

La veille mobile, discrète mais si nécessaire S.D.F. Jusqu’au 31 mars Si Cédric entame sa quatrième campagne, c’est une première pour Fabrice et Yasmani qui ont pris leur service dans l’équipe mobile réduite à trois sur fond de contraintes budgétaires.

L a mise en place de cette maraude remonte à l’hiver 2009.Aujourd’hui plus personne ne contes- te les bénéfices de ce dispositif qui améliore au final le sort des S.D.F. à Pontarlier. Chacun s’y retrouve, si l’on peut dire, y com- pris les veilleurs. La preuve avec Cédric pour qui cette expérien- ce a servi de tremplin profes- sionnel. Engagé pour la campagne 2011, il a finalement été recruté au service social du C.C.A.S. où il est chargé,entre autres,de suivre les S.D.F. en dehors de la pério- de hivernale. “C’est important qu’on puisse maintenir ce lien toute l’année. Les services sociaux s’y retrouvent dans la qualité de l’accompagnement de ce public” , estime Lucie Pourcelot, respon- sable du service social duC.C.A.S. qui s’occupe des S.D.F. et des per- sonnes de plus de 50 ans sans enfant à charge. Cédric fait toujours partie de l’équipe mobile où il intervient à mi-temps. Ce qui facilite l’intégration des nouveaux et la

collaboration avec les partenaires qui gravitent autour des S.D.F. comme l’association Travail et vie, le 115, les abris de nuit, la police, les pompiers… Avec le recul, il observe déjà des évolu- tions. “Le nombre de S.D.F. res- te assez stable. Cela représente une vingtaine de personnes. Il y a un noyau dur et beaucoup de turn-over avec des gens qui débar- quent à Pontarlier quelques jours, un mois ou deux, reviennent ou ne font que passer. Je constate qu’il y a quand même de plus en plus de jeunes et de femmes.” Le cliché du S.D.F.en prend un coup. L’équipe mobile accueille deux

la première fois qu’il côtoie la rue. “On trouve assez vite ses repères même si cela demande un temps d’adaptation” , explique le veilleur un peu surpris de la spontanéité de ces interlocuteurs. Yasmani avait déjà travaillé au contact de ce public. “C’est eux qui étaient peut-être surpris de me voir” , indique le jeune veilleur actuellement en formation à l’I.R.T.S. et qui projette de deve- nir éducateur spécialisé. Les restrictions budgétaires de l’État impactent la veille mobi- le pontissalienne qui a perdu un “agent” et fonctionne mainte- nant sur 2,5 équivalents temps plein. Elle n’intervient plus le dimanche et les jours fériés. Les horaires ont été ajustés, donc réduits dans une démarche d’optimisation. Le service com- mence en fin d’après-midi avec un temps d’échange avec l’équipe du service social. “On nous fait passer des informations à trans- mettre aux S.D.F. Il peut s’agir de lui rappeler un rendez-vous, une formalité à accomplir” , détaille Cédric.

Fabrice, Cédric et Yasmani forment la veille mobile au service des S.D.F.

La “patrouille” démarre sa tour- née vers 18 heures. Elle a aban- donné ses gilets fluo pour éviter de flécher les regards sur des S.D.F. qui tiennent à leur tran- quillité. L’habit ne fait plus le S.D.F. “Vers 19 h 30, on passe dans les locaux de Travail et Vie où les S.D.F. viennent prendre leur repas.” Lamaraude reprend ensuite sa veille jusqu’à 21 h 30 environ, en faisant le tour des lieux où les S.D.F. ont l’habitude d’aller. “On les oriente gentiment vers les abris de nuit pour éviter qu’ils ne passent la nuit dehors surtout quand il fait très froid. On répond parfois à des situa- tions d’urgence avec l’objectif, par exemple, de trouver une solution

d’hébergement dans l’urgence en mobilisant les partenaires.” En allant directement au contact des S.D.F., l’équipe établit un tout autre lien que ne le ferait une assistante sociale lors d’un rendez-vous au C.C.A.S. “Dans la rue, ils ne nous doivent rien, si ce n’est un peu de respect.” Depuis la mise en place de cet- te interface que constitue la veille mobile, la situation tend plutôt à s’améliorer. “On constate des résultatsmême si cela s’apparente davantage à des petites victoires. Cela se mesure dans les com- portements. Certains font l’effort de se mettre en règle sur le plan administratif, d’autres acceptent un suivi médical. On a aussi des

S.D.F. par défaut, victime d’accident de la vie qui les met- tent à la rue de façon transitoi- re. Pour ce public-là, la réinser- tion peut être rapide. Le C.C.A.S. dispose par exemple d’une chambre d’urgence au foyer des travailleurs pour les S.D.F. ayant repris un emploi et dans l’attente d’avoir assez de ressources pour louer un logement.” Dire que les S.D.F. à Pontarlier sont plus heureux qu’ailleurs, non pas forcément. Mais dans une petite ville à taille humai- ne, un souci est plus vite identi- fié et la chaîne d’accompagnement plus réactive et probablement plus efficace. F.C.

nouveaux avec Fabrice et Yasma- ni. “Le recrutement s’effectue en privi- légiant pas tant les diplômes mais plu- tôt la personnalité des candidats et leur envie de dia- logue avec les autres” , souligne Lucie Pourcelot. Pour Fabrice, c’est

L’habit ne fait plus le S.D.F.

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