La Presse Pontissalienne 181 - Novembre 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 181 - Novembre 2014

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POLITIQUE

Patrick Genre sévère “Cette réforme territoriale, c’est du bricolage”

La conseiller régional Patrick Genre critique ouvertement la réforme territoriale qui doit

conduire à la fusion des Régions Bourgogne et

L a Presse Pontissalienne : Faut-il réduire le nombre de régions ? Patrick Genre : Ce n’est pas la vraie question à trai- ter. La vraie question est de savoir de quelles structures et échelons nous avons besoin et sur- tout pour remplir quelles missions. On nous a vendu cette réforme territoriale comme devant être source d’économies et bizarrement on n’entend plus du tout parler de ces économies. Car il paraît évident que cette réforme sera source de dépenses supplémentaires. Les administrations régionales auront forcément des antennes dans chacune des deux villes Besançon et Dijon, sans parler des déplacements des élus d’un bout à l’autre de cette future grande région et les économies en termes de personnel ne se feront sentir, si elles existent, que dans dix ou quinze ans. Qu’il faille une simplification, oui, mais une réforme com- me celle-là, sûrement pas. L.P.P. : Qu’est-ce qui vous gêne le plus ? P.G. : Avant de découper la France comme ça, com- me si ça avait été fait entre la poire et le café pendant un repas, il fallait d’abord se poser la question : pour quoi faire ? Après la réforme, on aura encore plus d’écarts entre les petites et les grandes régions que ce qui existe aujourd’hui, c’est aberrant. Il n’y a aucun rééquilibrage entre les futures régions. En plus, cette réforme n’a pour conséquences que de réveiller d’inutiles querelles de clochers entre futures capitales. L.P.P. : Pourtant, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut une réforme territoriale. Quelle réforme défendriez-vous ? P.G. : J’étais favorable à la fusion des Départe- ments et des Régions pour supprimer vérita- blement un échelon, et j’étais également favo- rable à la suppression des cantons au profit des intercommunalités avec un redimensionnement des communautés de communes. Une réforme est nécessaire car le citoyen finit par s’y perdre. Le Conseil général s’occupe en partie des trans- ports avec le ramassage scolaire et le Conseil régional aussi avec les trains, même chose avec les collèges et les lycées. Il est nécessaire de toi- letter tout cela et commençons par faire cela. Le problème avec l’actuelle réforme, c’est qu’on déci- de de la faire et qu’après seulement on se deman- de comment on va la faire. C’est dramatique. On reproduit les mêmes erreurs que ce qui s’est pas- sé avec le dossier des rythmes scolaires. Cette réforme territoriale, c’est du bricolage. Le vrai sujet est pourtant là : comment faire que la Fran- ce soit plus efficace, plus efficiente. Au lieu de cela, rien qu’un débat politicien autour d’une carte des régions. L.P.P. : La méthode Marie-Guite Dufay, vous la jugez tout aussi sévèrement ? Elle a le mérite de s’engager à fond pourtant ? P.G. : À tel point qu’elle est presque allée plus vite que le président de la République dans les annonces ! On était mariés avec la Bourgogne le lendemain des premières annonces alors que jamais, jusqu’à aujourd’hui, nous en avons débat- tu au sein de l’assemblée régionale. On aurait pu au moins évoquer dans le débat la possibili- té de s’allier également avec Chapagne-Arden- ne et Lorraine pour faire une vraie grande région forte, par exemple. Mais rien : il n’y a eu aucun affaire que celle employée par la présidente de Région Marie-Guite Dufay. Franche-Comté d’ici quelques mois. Il condamne autant la méthode de l’État dans cette

Patrick Genre, future tête de liste aux régionales ? Réponse de l’intéressé en début d’année prochaine.

défendre ces questions.

le) va être transférée aux Régions, cela se fera donc au détriment des intercommunalités qui n’auront donc plus de ressources. Et les Dépar- tements risquent d’être véritablement dépouillés, il ne leur restera que les solidarités à gérer. A- t-on besoin d ’une collectivité juste pour ce gros dossier ? Sur cette question des moyens égale- ment, cette réforme est pour l’instant un ren- dez-vous manqué. À se demander si le remède ne sera pas plus mauvais que le mal. Cela déno- te un véritable manque de gouvernance au niveau de l’État, c’est inquiétant. D’ailleurs, ce qui n’est pas dit non plus avec cette réforme, c’est la maniè- re dont l’État va se réformer en région. Il fau- drait que l’État commence à s’appliquer à lui- même la réforme. Mais je crains que toutes les directions décentralisées de l’État restent, alors qu’elles ne colleront plus du tout avec les terri- toires électoraux. Maintiendra-t-on par exemple deux Directions régionales des affaires cultu- relles, une à Dijon et une à Besançon ? Je crains que oui car je n’ai pas encore entendu dire que les D.R.A.C. allaient fusionner... L.P.P. : A-t-on aussi des raisons de craindre pour l’avenir des territoires ruraux comme le Haut-Doubs ? P.G. : Avec l’augmentation de la taille de la région, on va forcément réduire la représentation des territoires ruraux de Franche-Comté. Le pro- blème pour un secteur comme le Haut-Doubs, c’est qu’on est déjà actuellement à la marge de la Franche-Comté. On va donc se retrouver à la marge de la marge. Je n’affirme pas qu’on sera moins bien loti, je me pose quand même la ques- tion. Je ne suis pas persuadé que les gens de la Nièvre ou de l’Yonne se sentent vraiment impli- qués dans les problématiques frontalières du Haut-Doubs. Et que deviendront par exemple les fonds Interreg ? Nous resterons les seuls à

vote, aucun débat, aucun espace de discussion à part cette pseudo-consultation citoyenne. Il y a là un vrai déni de démocratie : on n’a même pas consulté les premiers élus concernés, les conseillers régionaux. Et à la Région Franche- Comté, ça n’a l’air de ne déranger personne qu’on ne sache même pas ce qu’on va mettre dans cet- te fusion. L.P.P. : La réforme ne trouve donc aucune grâce à vos yeux ? P.G. : Non car il n’y a aucune cohérence. C’est exactement la même chose que pour ce redé- coupage cantonal qui ne rime à rien. Pour le futur canton de Pontarlier, dont les contours seront ceux de la C.C.L., il faut bien se rendre

L.P.P. : Des voix circulent déjà pour affirmer que vous feriez une excel- lente tête de liste départementale pour ces élections régionales qui doi- vent avoir lieu dans un peu plus d’un an. Vous confirmez vos intentions ? P.G. : Je laisse dire. Cela fait 19 ans que je suis élu et j’ai tou- jours eu cette attitude de ne me prononcer que le moment venu, même si j’y pense en me rasant (rires). Je me pronon- cerai donc en début d’année prochaine. Pour l’instant, mes préoccupations sont de boucler dans de bonnes conditions le prochain budget de la Ville et de la C.C.L. d’ici la fin de l’année.

compte qu’on aura deux conseillers départementaux sur ce petit territoire, en plus du maire de Pontarlier président de la C.C.L. Pour quoi faire ? Je me pose la question. Tout comme on se pose toujours la question de la cohérence d’un futur canton d’Ornans qui s’étendra des portes de Besan- çon aux Alliés... C’est la même méthode, les mêmes erreurs : alors qu’il y a un vrai sujet à traiter, on passe totalement à côté. L.P.P. :La Région semble tout de même vouée à devenir l’échelon majeur avec cette réforme ? P.G. : Oui, mais avec quels moyens, on ne le sait pas non plus. On nous dit que la C.V.A.E. (l’ancienne taxe professionnel-

“Le remède ne sera pas plus mauvais que le mal.”

“ Il y a là un vrai déni de démocratie.”

L.P.P. :Depuis que vous êtes conseiller régional, avez-vous vraiment le sen- timent d’avoir pesé en faveur des intérêts du Haut-Doubs ? P.G. : J’ai défendu jusqu’à maintenant du mieux que je pouvais les dossiers dont j’ai la charge comme la ruralité, l’économie ou les transports. Je pense avoir su peser sur certaines décisions. Récemment encore concernant un débat sur la lourdeur des contraintes qui pèsent sur le fonc- tionnement des Pays, par exemple. J’ai été aus- si un des seuls conseillers régionaux à défendre le lourd dossier du droit d’option pour les fron- taliers. Ce serait prétentieux de dire que je pèse sur les orientations du Conseil régional, mais je fais en sorte de toujours faire entendre ma voix. Propos recueillis par J.-F.H.

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