La Presse Pontissalienne 180 - Octobre 2014

LE PORTRAIT

47 La Presse Pontissalienne n° 180 - Octobre 2014

PONTARLIER

26 500 km en vélo

Jean-Baptiste Dodane : l’aventurier en roue libre

ami Pontissalien m’a aussi rejoint pour deux mois en Afrique centrale. Les gens sont curieux et ouverts quasiment par- tout. C’est même difficile de profiter de quelques minutes d’intimité, à moins de se cacher dans la brousse pour camper ou de s’enfermer dans un petit hôtel. Je dirais que c’est presque impossible de traverser le continent seul, à cause du manque d’in- formation. Seuls les locaux connaissent l’état des routes, les points d’eau, les bou- tiques et gargotes. Et c’est facile de s’ar- rêter pour poser une question et de res- ter pour discuter, manger ou dormir. J’ai souvenir des villages de l’intérieur du Sénégal, loin de la côte touristique, où on m’a lancé des “viens manger !” depuis le bord de la route tous les midis. L.P.P. : Qu’est ce qui a décidé de ce périple Zuri- ch-Cap Town ? Le goût des défis ? L’envie de découvrir l’Afrique ? J.-B.D. : C’est en effet le goût des défis. J’avais déjà fait des voyages à vélo de quelques semaines à un mois, et c’était le moment de partir pour une grande aven- ture. Il y a quelques personnes qui ont documenté la traversée du continent par la côte ouest à vélo, plus difficile que par l’est, donc je savais que ça serait (à peu près) faisable, tout en offrant un chal- lenge intense. L.P.P. : N’y a-t-il pas un risque d’addiction à ce type d’aventure ? J.-B.D. : C’est maintenant qu’on va voir… L.P.P. : Un tel voyage de deux ans nécessite-t-il de l’entraînement ? Beaucoup de préparatifs ? un gros budget ? J.-B.D. : Je pense que le plus important est d’avoir du matériel de qualité, testé, répa- rable, et de faire un choix judicieux sur les pièces de rechange à emporter. Entre l’Espagne et l’Afrique du Sud, toutes les pièces de vélo viennent de Chine et elles ne pèsent pas lourd. Les jambes et le corps s’adaptent de toute façon à l’effort conti- nu. Mon plan de route s’adapte une fois sur place aux conditions et aux endroits que l’on m’a conseillés, et mon alimenta- tion s’adapte de toute façon au budget. Un gros budget n’est pas nécessaire, car une fois le vélo chargé, il ne reste à payer que la nourriture en route et les frais de visas. L.P.P. : Qu’en pensez-vous revenir en France ? J.-B.D. : J’étudie la possibilité de remon- ter l’Atlantique par bateau, donc pas d’es- timation d’arrivée possible ! Pour les pro- chains mois, j’ai encore beaucoup à faire avec mon blog, photos et vidéos, un livre, etc. Puis chercher un nouveau travail. Propos recueillis par F.C.

L.P.P. : Le vélo est-il un moyen de transport confor- table pour de tels trajets ? J.-B.D. : Le vélo de cyclotourisme est dif- férent du vélo de course ou du V.T.T. Il est plus lourd et bien plus solide (en théorie), plus lent, mais aussi plus confortable. Ce n’est probablement pas unmoyen de trans- port pour tout le monde, mais faire 100 km par jour est loin d’être insurmontable. Les routes monotones et goudronnées sont les moins confortables, car je roule vite et sans faire beaucoup de pauses. Sinon, je passais au moins autant de temps à pied dans les villages que sur la selle. Je pen- se que le vrai confort du cyclotourisme vient du fait que tout est dans les sacoches J’emmène donc ma maison avec moi n’im- porte où, et les contraintes de temps et de lieu disparaissent. En effet, c’est ini- tialement étrange de devoir bouger un vélo de 40-50 kg, mais le sentiment de liberté est inégalable. L.P.P. : Avez-vous été témoin de scènes inimagi- nables ? J.-B.D. : Je disais qu’il se passe plus de choses dans une de mes journées ordi- naires que pendant un mois dans un bureau, par exemple, donc ma définition d’inimaginable a bien évolué. J’ai croisé des springboks, prix, éléphants, sur ma route en Namibie, j’ai doublé des Peugeot 504 en Guinée qui transportaient jusqu’à 20 personnes (et bagages), j’ai eu des dizaines d’enfants courant après moi au Sierra Leone (à pied nu sur les pistes en gravier mais plus rapides), j’ai dormi dans une résidence présidentielle au Liberia, j’ai vu les Chinois reconstruire des pays, j’ai vu le trafic fou dans des villes comme Dakar, Freetown, Accra, Ibadan, et des grandes villes du Nigeria sans électrici- té publique, les prix insensés en Angola, j’ai pris des routes au Cameroun telle- ment défoncées que seuls les deux-roues pouvaient les emprunter, j’ai été témoin d’une enquête sur des Pygmées criminels au Congo… L.P.P. : Considérez-vous qu’il s’agit d’une vraie aventure des temps modernes ? J.-B.D. : Je suis passé par des endroits qui figurent parmi les pays les moins visités au monde, et les conditions de vie sont très difficiles, aussi bien pour les locaux que pour les rares visiteurs, donc oui, c'est une vraie aventure. L.P.P. : A parcourir votre blog, on n'a pas trop le sentiment d’un voyageur solitaire en perdition. Au contraire, on vous sent assez serein et sou- vent avec les autres. Où se situe la vérité ? J.-B.D. : À part en Namibie, le pays le moins densément peuplé aumonde après laMon- golie, je n’ai jamais vraiment été seul. Un

L a Presse Pontissalienne : Quelle impression avez-vous ressenti en arrivant au bout d’un si long voyage ? Jean-Baptiste Dodane : Comme on le dit souvent à propos du voyage, ce n’est pas la destination qui compte, mais tous les imprévus qui se déroulent entre les étapes. J’ai eu des jour- nées bien chargées, et je ne pensais pas qu’arriver au bout aurait une valeur émo- tionnelle particulière. Cependant, à l’ar- rivée, j’ai surtout ressenti la satisfaction d’avoir réussi l’aventure en entier. En par- tant, il y a presque deux ans, je m’étais fixé Le Cap comme point final. Un tel voya- ge à travers l’Afrique n’est pas vraiment prévisible, car c’est le continent où les pro- blèmes peuvent survenir à tout moment. J’ai repensé avec sérénité à toutes les mésaventures plausibles qui ne m’ont jamais atteint : les problèmes mécaniques, le paludisme, les visas difficiles, les routes dangereuses, etc., et qui font que le bilan de l’aventure est extrêmement positif. L.P.P. : Pensez-vous qu’une telle expérience chan- ge votre regard sur la vie ou pas ? J.-B.D. : Certainement. Le fait de voyager indépendamment et à vélo, en Afrique, m’a appris beaucoup. La plupart du temps, je n’avais aucune idée d’où j’allais arriver et dormir le soir même. Il se passe plus de choses dans une de mes journées ordi- naires que pendant un mois dans un bureau, par exemple. Parti de Zurich en novembre 2012, ce cycliste au long cours a traversé une partie de l’Europe et suivi toute la côte ouest du continent africain pour rallier le cap de Bonne- Espérance en août dernier. Presque deux ans de voyage à la seule force des jambes. À 29 ans, Jean-Baptiste Dodane qui a passé une partie de sa jeunesse à Pontarlier où vit toujours sa famille concrétise un vrai défi humain et sportif. Sorti de Centrale, cet homme plein de ressources avait déjà eu l’opportunité de travailler à l’étranger et notamment au Japon où il avait succombé au plaisir du voyage bicyclette. Interview.

En août dernier, Jean-Baptiste Dodane arrive à destination après avoir pédalé 26 600 km pendant 661 jours.

L.P.P. :Au rayon des souvenirs, que mettriez-vous dans le pire et dans le meilleur ? J.-B.D. : Il y a tellement de souvenirs à trier…Les pires souvenirs sont sûrement à attribuer au climat : des vents de face terribles dans le désert, des nuits étouf- fantes passées à transpirer, des routes en terre inondées, etc., mais après tout, je m’y attendais. D’un autre coté, en cher- chant où monter ma tente au coucher du soleil, j’ai été accueilli chez l’habitant des dizaines de fois, et les échanges avec les gens tout au long du voyage compensent largement la saison des pluies. L.P.P. : Avez-vous vécu de grosses galères sur le plan physique ou moral ? L’envie d’abandonner ? J.-B.D. : Il y a des jours où les jambes sont lourdes, mais c’est normal après tout. Je pédalais en moyenne entre 60 et 100 km par jour, en prenant quelques jours de repos après environ une semaine sur la selle. Je n’ai pas eu de pépins physiques, pas vraiment demaladies,même en buvant telle quelle l’eau du robinet ou de la pom- pe à chaque endroit. Moralement, tant que je pouvais aller plus loin, je conti- nuais. Pas question d’abandonner !

Bio express 29 ans

passions : vélo, athlétisme métier : ingénieur projet études : Centrale à Lyon et université de Kyoto Son blog : freewheely.com

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