La Presse Pontissalienne 180 - Octobre 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 180 - Octobre 2014

4

BÂTIMENT

Le président de la Fédération du bâtiment de Franche-Comté “Ce plan de relance est une bouée de sauvetage”

Le Pontissalien Alain Boissière est satisfait du plan de relance qui permettra au bâtiment de sauvegarder 1 800 emplois dans la région, à défaut d’en créer de nouveaux.

Le Pontissalien Alain Boissière réagit à l’annonce de la Région Franche-Comté qui injecte 35 millions d’euros pour le bâtiment. Des projets jusque-là dans les cartons vont être relancés dès octobre. Une chance car le secteur a déjà licencié 2 000 personnes dans notre région. Encore faut-il que cet argent bénéficie aux entreprises locales et non aux travailleurs détachés…

il n’y en a pas assez. Pour les réaliser, des sociétés proposent des prix extrêmement bas. Pour arriver à clore le chantier et ne pas déposer le bilan, elles font appel à des entreprises low-cost pour terminer ! L.P.P. : Il y a donc des travailleurs détachés à Pon- tarlier par exemple ? A.B. : Bien sûr. C’est légal mais cela dérègle notre marché car ces entreprises ne font pas de formations, pas d’apprentissage. Derrière cette légalité, il y a souvent une illégalité qui suit : on va demander au pré- fet qu’il soit vigilant et que les contrôles soient renforcés (via l’inspection du tra- vail). Au départ, seules les grandes socié- tés y avaient recours. Aujourd’hui, même à Pontarlier, certaines font appel à des travailleurs Tchèques dont le coût horai- re du travail est de 20, 10 voire 5 euros alors que le nôtre est de 35 euros. On reçoit toutes les semaines des demandes d’agences d’intérim qui nous proposent des tra- vailleurs Roumains, Tchèques… Il faut s’appliquer un patriotisme économique. L.P.P. :Avez-vous déjà eu recours dans votre entre- prise à ce type de salariés A.B. : Bien sûr que non. L.P.P. : Comment faire justement pour que l’argent de la Région ne retombe pas dans la poche de sociétés extérieures alors que le droit ne leur empêche pas de répondre aux appels d’offres ? A.B. : Je le répète, on n’a pas beaucoup de moyens malheureusement pour bloquer ce système. On va vérifier que les mar- chés ne soient pas pris à des prix aber- rants. Nous serons vigilants.

lien est-il préservé ? A.B. : Il va mieux que celui de l’Aire urbaine par exemple, mais il reste menacé. Les frontaliers ont de plus en plus de mal à trouver des financements des banquiers. Beaucoup nous le disent. On attend aussi les décisions gou- vernementales. L.P.P. : Un mot sur le moral des patrons. Selon un sondage, ils sont proches du burn-out. Confirmez-vous ? A.B. : Nous sommes aujour- d’hui un peu dans lamême situation que les agricul- teurs l’ont été. Il y a eu malheureusement deux suicides (il s’interrompt). Ils sont excédés des

L a Presse Pontissalienne : Face à la situa- tion de crise que traverse le secteur du bâtiment et des travaux publics, la Région a engagé - le 25 septembre - une mesure exceptionnelle de 35 millions d’euros d’autorisations de programme, constituées à 90 % de crédits nou- veaux. Comment accueillez-vous cette annonce ? Alain Boissière : C’est avec un grand intérêt que nous avons appris ce plan de relance de la Région. C’est une bouée de sauveta- ge pour notre secteur qui arrive à unmoment où un certain nombre d’entreprises ont la tête sous l’eau. Depuis la crise, on a perdu près de 2 000 salariés (sur 24 000 actifs)… Les trésoreries des sociétés sont à plat. Et une trésorerie à plat, ce sont des chantiers qui n’arrivent pas, donc le risque du tri- bunal de commerce et d’un dépôt de bilan. L.P.P. : Ne craignez-vous qu’il soit trop tard pour agir ou plutôt réagir ? A.B. : Pas du tout ! L’intérêt de ce plan, et la présidente de Région l’a rappelé, c’est qu’il agit tout de suite dès octobre. Nous ne sommes pas dans le financement d’études pour d’éventuels chantiers mais bien le lan- cement pur et simple. Certaines collectivi- tés attendaient par exemple d’avoir des financements. Elles vont pouvoir se lancer. Il va néanmoins falloir qu’elles aillent vite car se sont les premières venues qui seront les premières servies.

L.P.P. :Avez-vous une estimation du nombre d’emplois qui pourront être sauvegardés grâce à ce plan financé par des fonds publics ? A.B. : Il va permettre de sauvegarder 1 800 emplois directs et 1 000 indirects en Franche-Comté, ce qui n’est pas une paille. Le chiffre d’affaires du bâtiment dans notre région est passé de 2,052 milliards (2007) à 1,7 milliard (en 2013) alors que nous n’avons perdu que 10 % de nos effectifs. Nous avions gardé de l’emploi en espérant la reprise. Espérons que ce plan nous évi- te de licencier à nouveau. L.P.P. : Comment être certain que ces fonds publics - qui iront aussi bien aux T.P.E. qu’aux P.M.E - ser- viront aux entreprises locales de maçonnerie, pein- ture, isolation ? A.B. : Je n’ai malheureusement peu de moyens de contrôle, voire pas du tout. Le système européen permet aux entreprises extérieures de répondre aux appels d’offres (N.D.L.R. : il est possible de mettre des clauses d’insertion ou d’allotir davantage les chantiers afin de privilégier les entre- prises locales). L.P.P. : Vous pointez du doigt les travailleurs déta- chés venus des pays de l’Est. Les entreprises com- toises et du Haut-Doubs sont-elles confrontées au dumping social et salarial ? A.B. : Les chantiers se prennent à perte car

Bio express Alain Boissière Né à Pontarlier en 1948

Gérant de l’entreprise de plâtrerie, isolation, peinture du même nom, fondée par son père Gilbert Président de la

“Des suicides chez les entrepreneurs.”

fédération régionale du bâtiment depuis le 1 er janvier 2014

normes, des chantiers à chercher… Nous avons toutefois la chance d’avoir une Région qui nous écoute. C’est une première au niveau français. Cela fait du bien de se sen- tir écoutés. J’ai expliqué notre exemple lors d’une réunion de la fédération sur le plan national. Nous allons transmettre ce plan mis en place par la Région Franche-Com- té à nos autres fédérations régionales. L.P.P. : Ne pensez-vous pourtant pas que des entre- preneurs se sont “gavés” durant quelques années. Un équilibre est-il en passe de s’opérer ? A.B. : Les entrepreneurs ne se gavent pas. Ils redonnent plus de la moitié de ce qu’ils gagnent aux impôts, ils embauchent et investissent ! Propos recueillis par E.Ch.

L.P.P. : Le bâtiment dans le Haut-doubs pontissa-

Made with FlippingBook flipbook maker