La Presse Pontissalienne 180 - Octobre 2014

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 180 - Octobre 2014

36

“Après le désert médical, le désert juridique” NOTAIRES L’inquiétude des professions réglementées Maître Brigitte Racle est la présidente du conseil régional des notaires. Vent debout contre une réforme qu’elle juge absurde, elle fait partie de ceux qui en nombre ont fait savoir leur mécontente- ment le 17 septembre dernier. Notaires, les raisons de la colère.

M tre Brigitte Racle : “On

n’est pas figés sur

L a Presse Pontissalienne : Que craignez concrètement à l’heure où le gouvernement souhaite réformer votre profession ? M tre Brigitte Racle : Si cette réfor- me passe, c’est simple, la moi- tié des effectifs salariés des offices notariaux (48 800 sala- riés) sera supprimée. Tout sim- plement parce que l’on risque de perdre des parties de mono- pole que nous confère l’État et cette suppression du monopole est censée aboutir à une baisse des tarifs. Par ailleurs, un des risques majeurs de cette réfor- me, c’est qu’on aboutisse au même phénomène qu’avec les médecins, c’est-à-dire que les notaires ne voudront plus s’installer que dans les grandes villes. Après le désert médical, on assistera à un désert juri- dique dans les campagnes. Pour l’instant, sur 35 cantons dans le Doubs, nous sommes présents partout. Le service local ne sera plus fourni aux administrés. Ce

Nous avons l’obligation d’être partout sur le territoire, de prendre tous les actes, avec énor- mément de consultations gra- tuites. Je pense qu’on est la seu- le profession à délivrer des consultations gratuites. Si déré- glementation il devait y avoir, elle se fera au détriment des plus pauvres car cette réforme instaurerait une notion de ren- tabilité qui n’existe pas aujour- d’hui. Aux Pays-Bas, ils ont déré- glementé et résultat, les petits actes ne sont même plus trai- tés. C’est une réforme idéolo- gique et sans vue sur ce qui va se passer. Je pense qu’on est les victimes expiatoires de l’Europe qui veut tout déréglementer. Une libéralisation profitera aux gros clients et pénalisera le consommateur lambda . L.P.P. : Les notaires ne sont donc pas la profession privilégiée que l’onmontre du doigt avec des rémunérations à 16 000 euros par mois selon certains

que le public ignore peut-être, c’est que nous sommes tenus à recevoir tous les actes, ceux à 50, 100 euros et même ceux à l’euro symbolique parce qu’il y en a. Est-ce que demain si la profession est déréglementée les avocats s’embêteront à rece- voir ce genre d’actes ? Le pro- blème, c’est que la garde des

notre statut comme une huître sur un rocher !”

pourra mettre sa plaque, ça va être une vraie jungle. L.P.P. : Vous réfutez qu’on vous taxe d’immobilisme ? B.R. : On n’est pas figés sur notre statut comme une huître sur un rocher ! On est bien conscient que le monde bouge. Mais com- ment peut-on imaginer une réfor- me en profondeur sans la moindre concertation ? Nous sommes d’accord pour que par exemple un montant maximal soit fixé sur la rémunération d’un gros acte. D’ailleurs, le conseil national du notariat était en plein travail pour se réfor- mer quand ce couperet est tom- bé. Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.P. : On vous demande en quelque sorte de participer à l’effort national ? B.R. : Cette réforme ne rappor- tera pas un sou de plus dans les caisses de l’État et aucun pou- voir d’achat aux clients.On prend en plus le risque de tomber dans un système à l’américaine concernant la sécurité des actes. Aux États-Unis, un acte sur trois donne lieu à procès tandis qu’en France, une vente sur 1 100 seu- lement donne lieu à procès. C’est pourquoi cette réforme est aus- si la terreur des magistrats qui craignent un engorgement des tribunaux. Personne n’a conscience que le droit de la famille est la branche la plus compliquée du droit. À partir du moment où tout le monde

rapports ? B.R. : Certainement pas ! Ces rapports sont faits de Paris avec des chiffres parisiens qui faus- sent tout. Il faut savoir que dans notre région, certains notaires installés en milieu rural sont smicards. Et des études nota- riales peuvent être en situation de cessation de paiement, ça commence à arriver. En Pro- vince, 70 % de nos actes ne sont pas rémunérateurs. En plus, nous sommes les bons soldats de l’État car on collecte pour lui, gratuitement, l’impôt, les plus- values, les droits de mutation, les droits de succession, etc. Si on réforme notre profession, qui fera désormais cette collecte ?

Sceaux connaît bien notre dossier, pas le ministre de l’Économie. L.P.P. : Vous ne vous considérez donc pas comme une profession privilégiée alors qu’un récent rapport de l’inspection générale des finances dit que la “profitabilité”de la pro- fession de notaires est une des plus élevées ? B.R. : La contrepar- tie de notre statut n’est pas gratuite !

“Certains notaires en milieu rural sont smicards.”

TOYOTA GARAGE SANSEIGNE 11 rue Pierre Mendès France - 25300 PONTARLIER - Tél : 03 81 39 60 60

Made with FlippingBook flipbook maker