La Presse Pontissalienne 178 - Août 2014

LE PORTRAIT

35 La Presse Pontissalienne n° 178 - Août 2014

DOUBS

Le saucisson sans boyau Daniel Bucheix paie sa dernière tournée

Après 34 années, le boucher-charcutier de Doubs stoppe ses tournées et les marchés. Il ferme la page d’un livre rempli de souvenirs où de “belles” rencontres se sont nouées avec des clients devenus amis. Rencontre avec Daniel Bucheix qui poursuit - encore - l’activité à “La Fermette comtoise”.

n’a ni compté ni ménagé son temps. Ses journées débutent parfois à 4 heures du matin pour se terminer vers 19 heures Et bizarrement, il semble encore plus occupé après l’arrêt des tournées. Sa passion pour le golf atten- dra un peu. Son ami Nelson Monfort avec qui il parcourt les greens le retrouvera lors de ses vacances (en septembre).Quant à Anton son petit-fils, s’il ne pourra plus utiliser le klaxon du camion de “papylou”, il prof- itera du temps libre de ce dernier… La famille, un socle important pour Daniel dont ses parents ont été abandonnés à leur nais- sance. “Ils étaient ouvriers. Pen- dant longtemps, j’ai pensé que devenir chef d’entreprise était impossible pour quelqu’un comme moi. C’est ma femme qui m’a poussé à acheter un com- merce à Sombacour” se sou- vient-il. Pour quelque temps, les Bucheix vont continuer à vérifier que l’hygrométrie per- mettant aux saucissons de séch- er est bonne, s’assurer que la combustion du feu dans le tuyé se déroule sans accrocs. La vie d’artisan ne s’improvise pas. Un dur labeur qui se ressent dans les excellents produits de “La Fermette”. Pour Daniel et Pierrette, une nouvelle route s’ouvre à eux… E.Ch.

Daniel Bucheix dans la salle où il sèche les saucissons sans boyau présente un produit en forme de fer à cheval.

D esmilliers de kilomètres avalés. Des milliers de palais rassasiés.Depuis 34 ans, Daniel et son camion ont sillonné les routes duHaut- Doubs, de Sombacour, Bians- les-Usiers, Goux-les-Usiers en passant par lesmarchés de Pon- tarlier ou ceux de Besançon. Mais depuis début juillet, son camion ne klaxonne plus dans les rues des villages. Et l’accent provençal de Daniel Bucheix ne s’entend plus sur lesmarchés. “Une page se tourne” résume Daniel, boucher-charcutier implanté à Doubs depuis 1992. L’homme, âgé de 60 ans, pro- priétaire du magasin “La Fer- mette Comtoise” dont l’activité se poursuit, arrête ce travail de commerçant “nomade”. “34 ans de marché : que de souvenirs, que de belles rencontres, que du bonheur partagé avec tous mes clients devenus mes amis” dit- il avec émotion. C’est avec un pincement au cœur qu’il a ven- du son camion.Un choix raison-

né : “Aujourd’hui, la plupart des villages sont devenus dortoirs. Des clients de mes tournées sont décédés. Ils n’ont pas été rem- placés” explique l’artisan dont le savoir-faire est reconnu de tous. Ses saucissons, au comté, aux noix, réalisés sans boyaux, ont fait sa renommée. Son secret du saucisson sans peau est encore gardé précieusement. Le temps passé sur les routes, Daniel le passe désormais dans son laboratoire de 500 m 2 . S’il a le projet de vendre dans quelques années “La Fermette Comtoise”, Daniel, accompag- né de sa femme Pierrette, pour- suit son activité. Le chef d’entreprise - qui emploie qua- tre salariés - sait qu’il passera la main mais ne se montre pas pressé pour trouver un éventuel repreneur. Le bouillonnant char- cutier qui n’a pas la langue dans sa poche a encore des projets : “Avec la vente de mon camion, je monte un dossier pour obtenir un agrément européen sanitaire

cadeaux reçus par ses clients lors des dernières tournées comme ces poupées russes offertes par une cliente et placées dans son bureau, l’apéritif pris avec une partie des commerçants du marché de Pontarlier le jour de son départ ou encore le dernier bout de jambon donné au chien d’une de ses fidèles clientes. Nostalgique, il l’est lorsqu’il évoque la fin des années soix- ante, époque où il partait avec sa patronne dans les petits vil- lages du Haut-Var vendre la viande sur la table de la salle des fêtes : “Les gens venaient avec une assiette ou un plat pour faire leur achat, car nous

me permettant d’exporter davan- tage de marchandise vers d’autres pays” envisage-t-il. Visionnaires, les Bucheix l’ont été en quittant leur magasin de Sombacour pour s’installer il y a 22 ans à Doubs, aujour- d’hui la plus grande zone com- merciale du bassin pontissalien. “Lorsque je me suis implanté, il n’y avait que des vaches… Certains de mes fournisseurs ne croyaient pas en mon projet ici et n’ont même pas répondu à mes appels d’offres.” 22 ans plus tard, son magasin est au cœur de l’activité. Il ne cache toutefois pas que le contact au plus près de ses clients lui man- quera. Daniel retiendra les

n’avions pas de papier d’emballage… Nous étions en avance pour protéger la planète” s’amuse Daniel. Pour sa famille, c’est aussi un changement : “Ne plus voir mon papa sans son camion, cela fait bizarre car je l’ai toujours con- nu dedans, témoigne Laëtitia, sa fille. J’aurai toujours le sou- venir de lui s’arrêtant à la récréa- tion lorsque j’étais en CE1 pen- dant sa tournée me donner du jambon blanc… C’était super qu’il s’arrête, vu qu’à la mai- son, il n’avait pas beaucoup de temps” relate Laëtitia.Sa grande sœurVirginie a aidé également au succès familial. Passionné de sonmétier, Daniel

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