La Presse Pontissalienne 176 - Juin 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 176 - Juin 2014

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RENCONTRE

René Dosière “La motivation financière des élus existe”

L a Presse Pontissalienne : La baisse des indemnités est-elle un moyen pour que les Français retrouvent de l’estime en leurs élus locaux ? René Dosière : Je ne pense pas. Plus que la diminution de leurs indemnités, si les élus locaux décidaient d’envoyer un signal fort aux Français, ce serait en supprimant le cumul des indemnités comme je le suggère. L.P.P. : Qu’est-ce qui vous amène à cette conclu- sion ? R.D. : Un maire, par exemple, qui est aussi président d’agglomération cumule ses indem- nités. Lorsque je propose de supprimer ce cumul, les principaux concernés répondent, en objection, que le cumul des indemnités est plafonné à 8 300 euros par mois. Je crois qu’il ne faut pas se moquer du monde. On ne peut pas accepter que dans beaucoup d’endroits les élus perçoivent 8 300 euros mois. J’ai proposé que ce plafond soit abais- sé à 5 500 euros, ce qui correspond au mon- tant des indemnités des parlementaires. Pour l’instant, je ne suis pas suivi. L.P.P. : Combien pèsent les indemnités des élus dans le budget des collectivités ? R.D. : En France, les indemnités des élus municipaux représentent 1,2 milliard d’euros. Celles des élus des intercommu- nalités s’élèvent à 220 millions d’euros, 150 millions d’euros pour les conseillers géné- raux, et 50 millions d’euros pour les conseillers régionaux. Cela signifie que pour les élus de France, l’enveloppe des indemnités est de l’ordre d’1,5 milliard d’euros, ce qui est finalement peu. Dans beaucoup de communes et en particulier de petites communes, les indemnités des élus sont très faibles en comparaison au travail fourni et de la responsabilité. L.P.P. : À l’exemple de Marcq-en-Barœul, les élus peuvent aussi faire preuve d’imagination dans le versement des indemnités... R.D. : Dans cette commune, de 1977 à 2000, les élus ont créé une caisse commune pour les indemnités. Ils ont décidé qu’elles seraient versées aux élus qui en auraient besoin, et cela en toute transparence. Les gens ne Le député de l’Aisne est favorable à une réforme du système d’indemnisation des élus locaux qui conduit actuellement à une professionnalisation de la vie politique, ce qu’il déplore.

René Dosière est l’auteur de “Le métier d’élu local”, son dernier livre.

perdaient pas d’argent mais ils n’en gagnaient pas non plus. Ils étaient rému- nérés sur le temps passé et sur les frais engagés. Ils organisaient également une rotation des fonctions à responsabilité. Le système a bien fonctionné. Au changement de majorité, plus d’1 million d’euros d’indemnités n’avaient pas été versé. La somme a été donnée à une association de lutte contre la corruption. Grâce à ce sys- tème, la collectivité a réalisé une série d’économies. C’est un bel exemple de démo- cratie participative. L.P.P. : Pourquoi ne pas supprimer le cumul des mandats locaux ? R.D. : Je suis favorable au non-cumul des mandats locaux car le cumul de ces man- dats présente les mêmes inconvénients que le cumul des mandats nationaux et locaux. Cela aboutit à une sorte de professionna- lisation de la politique locale. Ce n’est pas une bonne chose que des élus ne vivent que de la politique locale. Le problème est que le fait d’être maire et président d’agglo est un cumul presque indispensable car tous les rapports ne sont pas réglés entre com- mune et communauté de communes. Mais on peut accepter ce cumul des mandats

sans permettre le cumul des indemnités. Il me semble nécessaire de prendre des dis- positions pour montrer aux Français que la motivation de l’élu n’est pas financière. Mais actuellement, cette motivation finan- cière existe, il ne faut pas se mentir. J’ajoute encore que le fait de ne pas cumu- ler des mandats locaux permettrait aux élus de conserver une activité profession- nelle. Ils auraient le même train de vie que leurs concitoyens. L.P.P. : Est-ce que vous n’avez pas le sentiment de remettre en cause l’indemnité ? R.D. : Non, il ne faut pas remettre en cause l’indemnité et encore moins donner le sen- timent qu’elle est injustifiée. Mais il faut l’expliquer et combattre les abus. On peut adapter le régime indemnitaire en fonction de la composition sociologique d’une assem- blée. Faut-il accepter, par exemple, qu’un élu qui a une bonne retraite perçoive les mêmes indemnités qu’un autre qui va rédui- re son temps de travail et perdre de son salaire pour s’engager pour la collectivité ? Je ne le pense pas. L.P.P. : Le fait de mettre les élus sur un pied d’égalité face aux indemnités était un moyen d’inviter les

citoyens de toutes les catégories socio-profes- sionnelles à prendre part à la vie politique locale. Ce système fonctionne-t-il ? R.D. : Jusque dans les années cinquante, c’est le principe de gratuité qui prévalait. Les élus locaux ne percevaient qu’une indem- nisation symbolique. Ce n’est qu’en 1993 que les indemnités telles qu’on les connaît ont été adoptées. L’objectif était en effet de démocratiser la vie politique locale en l’ouvrant à tout le monde. Résultat, le régi- me indemnitaire a abouti à la profession- nalisation de la politique. Je pense que pour que la politique devienne quelque chose pour tous, il faut qu’elle cesse d’être tout pour quelques-uns. La démocratisation pas- se par la non-professionnalisation. L.P.P. : Chemine-t-on vers la transparence en poli- tique locale que vous prônez ? R.D. : Une disposition nouvelle, applicable désormais, est que tous les avantages en nature et les avantages matériels doivent faire l’objet d’une délibération nominative dans les collectivités locales. Cela au nom de la transparence, mais beaucoup de col- lectivités ignorent qu’elles doivent procé- der ainsi. Propos recueillis par T.C.

Bio express René Dosière, né le 3 août 1941 dans l’Aisne, est un homme politique, député du Parti socialiste à plusieurs reprises depuis 1988 puis apparenté P.S. depuis 2007, et un universitaire français, spécialiste de la gestion des finances publiques et surtout locales. Il s’est notamment illustré dans le contrôle des dépenses de la présidence de la République française.

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