La Presse Pontissalienne 176 - Juin 2014

DOSSIER

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La Presse Pontissalienne n° 176 - Juin 2014

Comparatif 2 587 euros bruts dans l’industrie Des salaires 2,5 fois

Salaires par grands secteurs dans le Doubs Secteur Salaire moyen en euros bruts Industrie 2 587 B.T.P. 1 970 Commerce 1 982 H.C.R. 1 469 Intérim 2 121 Autres services 1 936 Total Doubs 2 133

moins élevés en France

À 10 km près, un salaire peut être multiplié par 2,5 ! Selon que l’on travaille en France ou en Suisse, les différences de salaires se sont encore creusées par le simple jeu des monnaies.

D eux études sont tom- bées récemment, l’une de l’Urssaf en Fran- ce, l’autre de l’office fédéral de la statistique en Suis- se, sur le thème des salaires (voir en pages précédentes). Ne prenons qu’un exemple : le sec- teur de la construction. Un sala- rié du B.T.P. en France perçoit en moyenne un salaire brut de 1 970 euros de ce côté-ci de la frontière. Ce même salarié, s’il part travailler chez nos voisins suisses, touchera pour le même emploi un salaire de 5 020 euros mensuels. En Franche-Comté, la conjonc- ture économique s’est encore dégradée. Selon une toute récen- te étude de l’Urssaf, les effec- tifs salariés sont repartis à la

baisse au dernier trimestre 2013. Et aucun grand secteur d’activité n’est épargné. Les effectifs salariés dans l’industrie ont reculé de 3 % en un an. Ce sont 2 600 postes qui ont été détruits. “Les baisses les plus marquées sont observées dans la fabrication de machines

Les pertes d’emplois les plus significatives sont relevées dans le domaine de la construction de maisons individuelles (- 2,5 %), un chiffre qui confirme le ralentissement du marché de l’immobilier.À noter également dans le tertiaire une baisse de l’emploi sur le dernier trimestre 2013 de - 0,3 %. Même l’intérim “qui était dyna- mique le trimestre précédent (+ 3,7 %) perd 1,2 % de salariés” relève l’Urssaf. Le salaire moyen par tête (S.M.P.T.) enregistre par ailleurs dans le Doubs une hausse de 0,1 % ce trimestre, soit une aug- mentation inférieure à celle observée sur les trois derniers mois de 2013 en Franche-Com- té (+ 0,5 %).

et équipements, la fabrication de matériels de trans- port, du bois et papier et de la métallurgie” note l’Urssaf. Même constat dans le secteur de la construction dont la dégradation se poursuit au qua- trième trimestre.

Même l’intérim perd des salariés.

Le salaire moyen dans le B.T.P. en France est de 1 970 euros.

Non au salaire minimal fédéral Votation Pas de S.M.I.C. à 4 000 francs

En refusant à 76 % l’initiative sur les salaires minimaux, le peuple suisse semble avoir suivi les arguments du patronat, au grand dam du syndicat Unia toujours fidèle à sa politique de lutte contre les injustices salariales. Entretien avec Catherine Laubscher, secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel.

C ommedanslaplupartdesautresbranches dʼactivité,lʼindustriehorlogèreétait farou- chement opposée à lʼidée dʼun salaire minimalnational. “Cela représenterait unmon- tant considérable. Avec cette initiative, la gauche veut protéger les plus faibles contre les milieux économiques mais cela nʼa aucun sens. Cette mesure a un effet nivelant”, esti- me François Matile, le secrétaire général de la convention patronale de lʼindustrie horlo- gère suisse. Pour cette association faîtière qui regroupe 410 entreprises, soit 50 000 travailleurs, il semble inconcevable demettre sur unmême plan lʼindustrie, les commerces, la restauration… “On se bat sur des réalités économiques différentes qui prennent en compte les spécificités de chaque région et de chaque métier. Cʼest pourquoi on dit non au S.M.I.C., non à cause de ce caractère nivelant qui ignore le partenariat social éta- bli au niveau de chaque branche.” Lʼindustrie horlogère a défini des salaires minimaux dʼembauche dans chaque région suisse. Il reste à finaliser le dispositif sur le canton de Neuchâtel où lʼon respecte déjà le principe dʼun salaire minimal depuis de nombreuses années. “On est parti de 3 610 francs en sachant que cette base sera revalorisée par deux fois de 45 francs en juin 2014 et 2015.” Les salaires minimaux dʼembauche sont indexés sur le coût de la vie et reflètent lʼhistorique des négociations entre les partenaires sociaux. “Cela nous semble infiniment meilleur que le principe dʼun salaire généralisé, dicté par lʼÉtat. En nous imposant une telle mesure, il nʼy aurait plus aucune raison de procéder à des aug- mentations librement consenties.” L’horlogerie dit non au S.M.I.C. en Suisse

L a Presse Pontissalienne : Êtes-vous surprise par l’ampleur de ce résultat ? Catherine Laubscher : Bien sûr, on est déçu. Cette pro- position a été refusée par l’ensemble des cantons, y compris dans les régions romandes (cantons du Jura, Neuchâtel, Vaud, Genève, Valais, Fribourg). Les gens ont sans doute été marqués par la cam- pagne du patronat qui visait à faire peur. L.P.P. : Les arguments avancés sur les risques de délocali- sation des entreprises ont fait tilt ! C.L. : Toutes les entreprises ne pourraient pas par- tir. Surtout celles qui sont les plus éloignées de ces 4 000 francs suisses mensuels car la plupart exercent dans le service captif. On est dans le registre du commerce de proximité, du service à la personne qui offrent des prestations ou des pro- duits à consommer sur place. On peut difficile- ment penser qu’ils soient délocalisables. Ces argu- ments ne tiennent pas la route. L.P.P. : On aurait pu penser que les cantons romands soient plus favorables ? C.L. : Tout à fait, surtout quand on sait que le can- ton de Neuchâtel s’était prononcé en faveur du salaire minimal cantonal il y a trois ans et demi. Depuis, on a travaillé d’arrache-pied avec les par- tis, le gouvernement et les employeurs pour mettre en place une loi d’application. Ce salaire cantonal est calculé sur une base de 20 francs bruts de l’heure, soit 3 650 francs mensuels en brut. La loi est prête à être traitée dans les semaines à venir.

neuchâtelois. On parle en brut. Ces niveaux de salaires ne sont pas invraisemblables quand on les rapporte au coût de la vie en Suisse. L.P.P. : On vit donc modestement avec 4 000 francs suisses bruts par mois ? C.L. : En Suisse, le salaire net ne comprend pas les cotisations d’assurance-maladie qui s’élèvent en moyenne à 300 francs par personne. L’alimentation et les loyers sont beaucoup plus chers en Suisse. Chez nous, un travailleur titulaire d’un C.F.C. n’aura jamais les moyens de s’offrir une maison avec ses seuls revenus professionnels. Vous pre- nez une famille avec trois enfants, même avec 4 000 francs, elle aura du mal à joindre les deux bouts. L.P.P. : L’horlogerie qui emploie beaucoup de travailleurs fron- taliers devra-t-elle faire des efforts pour s’aligner sur le salai- re minimal neuchâtelois ? C.L. : Non car la plupart des entreprises horlogères de l’Arc jurassien appliquent déjà la convention collective. Laquelle n’est pas obligatoire. Il n’y aura donc pas de grands bouleversements dans l’horlogerie. L.P.P. : Quel est l’intérêt de fixer un salaire minimal ? C.L. : Cela contraint les entreprises à embaucher au moins à ce niveau-là. C’est aussi un garde-fou contre la sous-enchère salariale. L.P.P. : Comment songez-vous à relancer le combat après l’échec de l’initiative du 18 mai ? C.L. : On va continuer sur les voies cantonales. On développe la politique du “shameling” qui consis- te à “mettre la honte”, si l’on peut dire, aux entre- prises qui proposent toujours des salaires infé- rieurs à 4 000 francs sur 12 mois ou 3 300 francs sur 13mois. Il faut faire en sorte que ces 4 000 francs bruts deviennent un minimum absolu. Inverse- ment, on doit aussi valoriser le travail accompli par les enseignes commeAldi ou Lidl qui ont annon- cé qu’elles feraient un pas vers les 4 000 francs. Propos recueillis par F.C.

“Les gens ont sans doute été marqués par la campagne du patronat qui visait à faire peur”, suppose Catherine Laubscher, la secrétaire du syndicat Unia.

Résultat cantonpar canton sur l’initiative populaire“Pour laprotectiondes salaires équitables” soumise à votation le 18mai Canton Oui Non Appenzell ext. 18,56 % 81,44 % Appenzell int. 12,10 % 87,90 % Argovie 19,25 % 80,75 % Bâle-camp. 23,74 % 76,26 % Bâle-ville 37,68 % 62,32 % Berne 23,81 % 76,19 % Fribourg 24,92 % 75,08 % Genève 33,94 % 66,06 % Glaris 17,72 % 82,28 % Grisons 18,20 % 81,80 % Jura 35,86 % 64,14 % Lucerne 18,24 % 81,76 % Neuchâtel 31,89 % 68,11 % Nidwald 12,82 % 87,18 % Obwald 13,94 % 86,06 % Saint-Gall 18,34 % 81,66 % Schaffhouse 25,52 % 74,48 % Schwyz 13,62 % 86,38 % Soleure 22,25 % 77,75 % Tessin 31,99 % 68,01 % Thurgovie 17,77 % 82,23 % Uri 17,58 % 82,42 % Valais 18,05 % 81,95 % Vaud 28,31 % 71,69 % Zoug 15,84 % 84,16 % Zurich 25,44 % 74,56 %

L.P.P. : Quand entrera-t-elle en vigueur ? C.L. : Au plus tôt au 1er janvier 2015.

L.P.P. : Quand il existe déjà un salaire minimal défini au niveau des conventions collectives, auquel faut-il se référer ? C.L. : C’est le dispositif cantonal qui fait autorité. L.P.P. : Comment sont définis ces salaires minimaux ? C.L. : L’un et l’autre correspondent tout simple- ment aux deux tiers du salaire médian suisse et

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