La Presse Pontissalienne 175 - Mai 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 175 - Mai 2014

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POLITIQUE

Et maintenant, les Européennes “Le projet européen reste un horizon indispensable” Arnaud Danjean est député européen (U.M.P.) de la région Est dont dépend la Franche-Comté. Candidat pour un deuxième mandat, il tente de convaincre les euro-sceptiques de l’utilité de se déplacer aux urnes le 25 mai prochain.

L a Presse Pontissalienne : À quoi bon voter le 25 mai aux élections européennes se disent bon nombre de citoyens ? Arnaud Danjean : Il y a plusieurs bonnes rai- sons d’aller voter aux Européennes. La prin- cipale, c’est que les choses changent vite au niveau du Parlement européen qui a acquis de plus en plus de pouvoir au sein des institutions. Le Parlement européen peut beaucoup plus qu’avant. Jusqu’il y a cinq ans, il n’était qu’un organe consulta- tif et depuis 2009, il est véritablement un co-décideur avec le Conseil. De plus en plus de lois européennes passent par le Parle- ment européen. Désormais, les députés européens ont un réel pouvoir sur les deux tiers des lois européennes qui sont votées. On parle souvent de bureaucratie en évo- quant l’Europe, c’est de moins en moins vrai dans la mesure où le Parlement est devenu un vrai organe démocratique de décisions. Une des façons d’influencer Bruxelles est donc de voter aux Européennes. L.P.P. : Les décisions prises par les députés euro- péens au Parlement peuvent vraiment avoir des répercussions concrètes sur la vie quotidienne ? A.D. : Je prends un des plus récents exemples d’une loi que nous avons votée le 3 avril à Bruxelles : la suppression des frais de “roa- ming” (d’itinérance) en matière de télé- phonie mobile qui faisait que l’on ne paie pas le même prix quand on appelle d’un autre pays européen ou que l’on paie des frais quand on reçoit un appel de l’étranger. C’est du concret et ça s’appliquera dans moins de deux ans. Ce genre de mesures, il n’y a que le Parlement européen qui peut les prendre. Un autre exemple, c’est la P.A.C. Je suis venu le 4 avril à Nancray à la ren- contre des jeunes agriculteurs les rassurer sur plusieurs points, notamment concer- nant les aides à l’installation. Sur ce volet agricole, c’est bien grâce au Parlement euro- péen que la baisse du budget de la P.A.C. a été limitée à 12 % et n’a pas été diminuée de 30 % comme l’Europe l’avait prévu. L.P.P. : Des dossiers européens peuvent-ils concer- ner notre région ? A.D. : La question de la définition de l’absinthe est purement une question européenne. Si j’ai été sollicité par les parlementaires francs-comtois sur cette question, c’est bien parce qu’ils savaient qu’elle relevait du niveau européen. Pour l’instant, on a per- du ce combat contre l’Allemagne et l’Autriche, mais ce dossier va revenir sur la table. L.P.P. : Faut-il s’attendre pour ce scrutin européen du 25 mai à une immense vague bleu marine ?

Arnaud Danjean fera campagne notamment aux côtés de la tête de liste U.M.P. pour l’Est, Nadine Morano.

Enfin, prétendre que l’Europe détruirait l’identité française est totalement absur- de. Je continue à parler français, je bois des vins de Bourgogne, j’ai le drapeau fran- çais qui flotte sur ma mairie. Rien ne chan- ge de tout ce qui fait notre identité fran- çaise. L.P.P. :Sur quelle argumentation précise vous appuyez- vous pour affirmer que sortir de l’euro serait catas- trophique ? A.D. : Ne serait-ce que parce que ce qui revien- drait à une dévaluation aurait un impact immédiat sur deux paramètres majeurs : la dette (qui, traduite dans une monnaie affaiblie - le franc - deviendrait abyssale) et le pouvoir d’achat des Français, puisque nos importations - notamment énergétiques - deviendraient très chères. L.P.P. : Quand les anti-européens et les partis extré- mistes affirment qu’à cause de l’Europe, la France n’est plus un pays souverain qui peut décider de son propre destin, que répondez-vous ? A.D. : Je leur réponds que le premier fac- teur de dépendance de la France, ce qui limite sa souveraineté, c’est sa dette ! La pire des dépendances, c’est celle qui consis- te à dépendre de prêteurs internationaux pour payer nos propres frais de fonction- nement. Pour le reste, je ne vois pas en quoi l’Europe nous empêche de prendre des déci- sions souveraines. L.P.P. : Reconnaissez néanmoins qu’une Europe à 28, c’est devenu juste ingérable ? A.D. : Le projet européen reste un horizon indispensable. Mais c’est en effet dans la façon dont on fonctionne qu’il y a beaucoup de choses à améliorer. À 28, c’est beaucoup, c’est pourquoi il faut penser à instaurer une Europe à géométrie variable selon les

sujets. On a des valeurs communes et un grand marché à 28, c’est très bien, mais certains sujets méritent que l’on y travaille à quelques pays seulement. Il faut com- mencer par renforcer l’intégration entre les pays. Il faut que les pays à frontière extérieure avec l’Europe travaillent ensemble sur une politique migratoire commune. Même chose pour la défense où il faudrait créer une sorte d’eurogroupe de la défen- se avec quelques pays impliqués. Si l’Europe ne fait pas ses réformes dans son fonc- tionnement, il est clair qu’elle aura de plus en plus de mal à devenir populaire. L.P.P. : Quels sont donc les enjeux des 5 prochaines années pour l’Europe ? A.D. : Il faudra donc plus de souplesse et de géométrie variable. Sur deux ou trois sujets : adopter une politique migratoire commu- ne, qui est aussi un drame pour les migrants, est une absolue nécessité. Un deuxième chantier capital sera celui de l’énergie et les coûts énergétiques pour les particuliers et pour les entreprises. Sur ce point, l’Europe doit se structurer pour être plus forte afin de négocier d’une seule voix les approvi- sionnements et gérer les investissements dans la distribution de l’énergie. Le troi- sième chantier impératif qui fait que pour l’instant l’Europe n’est pas populaire, c’est la question de l’harmonisation des légis- lations en matière d’emploi, de coût du tra- vail et de fiscalité. Le but est bien d’aller vers une convergence fiscale et sociale. Et contrairement à ce que prônent les socia- listes européens, il ne s’agit pas de tout harmoniser car on risque de niveler par le bas, mais bien de convergence. Sous la pres- sion des autres pays, le Luxembourg et l’Autriche ont bien levé leur secret ban- caire, et l’Allemagne a bien mis en place

un salaire minimal. Cette pression vers la convergence devra être accentuée dans ce prochain mandat. L.P.P. :Une nouvelle fois,la Franche- Comté sera privée d’un député euro- péen. Comment comptez-vous agir en direction de notre région ? A.D. : J’ai l’habitude de dire en souriant qu’en tant que Bressan, j’habite à seulement 22 km de la Franche-Comté et que je suis beaucoup plus près du Jura que de l’Yonne ou de la Nièvre. Pour la Franche-Comté, je travaille très étroitement avec les par- lementaires de la région. Et beaucoup de catégories socio- professionnelles ont l’habitude de me solliciter, je pense

Bio express Arnaud Danjean est né le 11 février 1971 à Louhans (Saône-et-Loire). C’est un homme politique français. Il est élu député européen lors des élections de juin 2001 et il est conseiller régional de Bourgogne depuis mars 2010. En 2007, il avait perdu à 400 voix près contre Arnaud Montebourg à des élections législatives en Saône-et-Loire. Il préside la sous- commission sécurité et défense, qui est une sous-commission de la commission des affaires étrangères du Parlement européen.

“Il faut une Europe à géométrie variable.”

“Sans l’Europe, la France serait en troisième division.”

A.D. : On a tous bien conscien- ce que les citoyens doivent être critiques vis-à-vis de l’Europe et c’est légitime. Ceci dit, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Être cri- tique, cela ne signifie pas devoir être contre des réali- sations majeures de l’Europe comme par exemple l’existence de l’euro. Il est évi- dent que sortir de l’euro serait parfaitement absurde, çamet- trait en péril l’économie fran- çaise. Ensuite, quelle est l’alternative de ceux qui cri- tiquent tant l’Europe, que proposent-ils en face ? Rien. À l’heure où de grands blocs mondiaux se forment, avec la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique-du-Sud, que pèse- rait la France seule dans 20 ans ? Nous serions en deuxiè- me ou troisième division.

notamment aux agriculteurs qui ont tou- jours ce réflexe ainsi que d’autres filières. En revanche, la plupart des citoyens l’ignorent. Pour cela, il faudrait que l’on fasse correspondre beaucoup plus les cir- conscriptions européennes aux régions. L.P.P. : En tant que grand connaisseur des questions de défense, on parle parfois de vous comme un potentiel ministre de la Défense en cas d’alternance en 2017. Quelles sont vos ambitions ? A.D. : Si je suis réélu, je pars pour faire un mandat de 5 ans en tant que député euro- péen. Je veux convaincre les Français de l’intérêt à porter sur les questions euro- péennes. Cette fonction me plaît car en même temps elle me permet de rester très ancré dans mon territoire.té qui en est désormais dépourvu. Propos recueillis par J.-F.H.

Il est membre de l’U.M.P. et du Parti populaire européen.

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