La Presse Pontissalienne 173 - Mars 2014

La Presse Pontissalienne n° 173 - Mars 2014

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“C’est économiquement une véritable erreur” Ballaigues Un patron français de l’industrie suisse Leader mondial de l’industrie dentaire, l’entreprise Dentsply Maillefer est installée à Ballaigues près de Vallorbe. À sa tête, Dominique Legros, un Français comme c’est le cas pour les deux tiers du personnel.

Les patrons de l’industrie horlogère déplorent le résultat Économie Convention patronale Beaucoup d’agriculteurs

D ès le départ, la convention patronale de l’industrie hor- logère suisse a fait connaître son désaccord de voir ce pro- jet aboutir.Aujourd’hui, à leur grand regret, il va falloir composer avec les conséquences de ce vote qui laisse encore planer beaucoup d’interrogations comme l’explique le secrétaire général de cette conven- tion, François Matile. “ Ces dernières se sont inquiétés de l’impact que pouvait avoir la réforme des cantons sur l’organisation des comices. Finalement, le redécoupage ne devrait rien changer.

Dominique Legros, directeur d’une entreprise qui emploie deux tiers de frontaliers.

D ès l’annonce de cette initia- tive et de la votation, il a déci- dé de se battre, comme nombre de ses homologues patrons d’industrie, contre ce projet qui aura selon lui deux types de consé- quences : à court terme d’abord mais aussi à long terme, ce qui brouille la visibilité économique de ces décideurs bien décidés à continuer leur lobbying . “Ce choix fait par une majorité d’électeurs suisses va d’abord aboutir rapidement à la mise en place d’un nouveau système de contingentement des travailleurs frontaliers tout com- me des travailleurs venant résider ici. C’est économiquement une véritable erreur car dans l’industrie, dentaire en ce qui nous concerne, nous avons besoin de spécialistes que nous ne trou-

vons pas sur le marché du travail natio- nal.” Le recours à ces travailleurs n’est donc pas un choix qui nuit à la Suisse selon Dominique Legros mais bien au contrai- re une obligation pour que l’économie du pays puisse fonctionner.À ces effets attendus à court terme vont selon ce patron s’ajouter des conséquences tout aussi graves. “Un climat d’incertitude va s’installer, semant le doute sur toutes les activités industrielles. Or, l’économie a horreur du doute, cela va nuire au dynamisme que connaît aujourd’hui la Suisse. C’est très paradoxal d’en arriver là suite à la votation alors que le pays connaît un succès économique indéniable. Cette situation va forcé- ment semer le doute dans la tête des investisseurs.”

années, notre industrie horlogère a connu un fort développement tant en matière d’investissements que de formation, ce qui a découlé sur un grand nombre d’embauches et notamment un recours accru aux tra- vailleurs frontaliers. Cette main-d’œuvre a pour la Suisse un

Une période de flou juridique.

François Matile est secrétaire général de la convention patronale de l’industrie horlogère.

commune, des connaissances et des pratiques partagées.” Pour le responsable de la structure qui rassemble tous les industriels de l’horlogerie, la Suisse doit main- tenant faire face à une période de flou juridique avec une votation qui va à l’encontre du principe de libre circulation et va réintroduire le prin- cipe des contingentements de fron- taliers. François Matile explique : “Pour ceux déjà en place, il n’y aura aucun souci ne serait-ce que du fait de la non-rétroactivité des lois. Pour eux, les quotas ne seront pas appli- cables. Pour les autres, la votation oblige à mettre en place des quotités et des procédures que nous ne connais- sons pas aujourd’hui…Tout cela en tenant compte de ce que le texte de l’initiative appelle les intérêts éco- nomiques globaux.” Une faille peut-être qui pourrait per- mettre de ne pas entraver le recours aux travailleurs frontaliers puisque justement, les patrons suisses en sont convaincus, il en va de l’intérêt même du pays. Ce qui est aussi vrai de ce côté-ci de la frontière.

caractère historique. Normal puisque l’industrie horlogère est localisée le long de la frontière, que nous avons avec la France une culture technique

Daniel, immigré français en Suisse Réaction

I l est Français, est âgé de 35 ans et vit en Suisse avec sa petite famille. Daniel Loquet n’est donc pas un travailleur frontalier mais un immigré en terre helvétique. Une autre population visée par la votation… “Je vis à Neuchâtel depuis 17 ans. J’y suis arrivé pour travailler en tant que serveur et depuis main- tenant 5 ans j’occupe un poste de torréfacteur chez Nespresso à Avenches, une entreprise de 850 per- sonnes avec pas moins de 80 nationalités différentes. C’est évident que j’ai tout de suite trouvé ici de meilleures conditions salariales et de travail en géné- ral. Je ne fais que 8 heures par jour, ce qui est rare en Suisse et surtout je gagne trois fois le salaire que j’aurais en France. Il faut aussi souligner les condi- tions de vie et environnementales très différentes :

mon cadre de vie est agréable à la fois tout près du lac et des montagnes avec ses pistes de ski.” Est-ce que les résultats de la votation du 9 février ont changé la donne ? “Pour l’instant, je ne le res- sens pas. Pour ma part, je suis bien en Suisse. En plus, il faut savoir que les gens ici font la distinction entre les étrangers : il y a les Français, qui ne serait- ce que par la langue et le mode de vie sont proches des Romands et les autres venus des Balkans et d’Afrique envers qui ils sont beaucoup plus méfiants.” Il conclut : “Franchement, ceux qui comme moi sont installés en Suisse depuis des années n’ont aucune peur à avoir d’être expulsés. Mais bon, ils ont voté comme ça en se disant que ça allait permettre de lut- ter le contre le chômage et aussi stabiliser la lutte contre la délinquance.”

Daniel Loquet travaille chez Nespresso à Avenches.

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