La Presse Pontissalienne 173 - Mars 2014

L’ÉVÉNEMENT FRONTALIERS : LE PARADOXE SUISSE

Après résultats de la votation suisse du 9 février, les relations économiques entre nos deux pays peuvent-elles se dégrader ?

Relations transfrontalières Après la votation en Suisse

Frontaliers, ça va aller ou bien ?

rer les conséquences, en particulier pour les travailleurs frontaliers. Il ne faut pas être devin pour comprendre que les permis seront délivrés moins facilement quoique l’intérêt global du pays pourrait limiter la limitation ! Juridiquement en tout cas, la classe politique est face à un casse-tête et voit le pays se placer en porte-à-faux vis- à-vis des accords de libre circulation des personnes qui lient la Suisse à l’Union Européenne. L’ensemble des accords bilatéraux seront forcément touchés par ricochet. Les trois ans à venir seront donc déterminants de part et d’autre de la frontière. D.A.

Les Français moquent souvent les votations de leurs voisins suisses sur des sujets qui de ce côté-ci de la frontière peuvent paraître futiles. Sauf que le 9 février dernier, ce sont notamment les travailleurs frontaliers qui étaient au centre des débats. Et ils ont voté oui…

accueillis sur le sol helvète chaque année, pas plus qu’il ne le détermine pour les travailleurs frontaliers. Rien non plus sur la désignation des auto- rités qui devront procéder à ce savant calcul. Seule certitude, les législateurs suisses ont désormais trois années devant eux pour rendre le résultat de la votation applicable dans leur droit et l’inclure dans la Constitution du pays. Aucun des acteurs économiques et politiques

S outenue par l’U.D.C., cette votation visait à remettre en cause l’accord de libre circu- lation conclu avec l’Union euro- péenne et à mettre en œuvre une politique plus stricte d’immigration. Il faut d’abord rappeler que l’immigration est une réalité impor- tante en Suisse, contrairement à l’image qu’on peut parfois s’en faire en Fran- ce : 23,2 % de la population résidente en Suisse est étrangère (contre 5,8 % en France). Mais ceci étant dit, malgré des commentaires souvent plus proches de la caricature que du droit, que signi- fie exactement le texte de cette vota- tion ? Quelles conséquences à court ou long terme pour les étrangers vivant en Suisse ou souhaitant juste venir y

et ce, en fonction des intérêts globaux de la Suisse et dans le respect du prin- cipe de préférence nationale. Un texte finalement flou d’après les juristes puisque ce principe finalement assi- milable à des quotas ne fixe pas de nombre d’étrangers susceptibles d’être

50,3 % tandis que la Suisse romande et les cantons de Bâle et Zurich la reje- taient à plus de 60 %. Il est question dans le texte de limiter l’immigration et pour cela, l’État devra fixer des pla- fonds pour la délivrance d’autorisations aux étrangers et dans le cadre de l’asile

Qu’en pensent-ils ?

suisses ne semble à ce jour en capacité demesu-

Les travailleurs suisses jugent leurs voisinsélus des champs

Magali travaille dans la restauration :

Frédéric, responsable dans une prestigieuse société horlogère :

Christophe se définit comme simple ouvrier :

principal de cette initiative est de mettre un plafond à l’immigration, ceux qui veulent s’installer… et travailler, donc comme les Italiens, les Portugais et autres l’ont fait depuis longtemps. Tout ce qui fait le tissu social de la Suisse en somme. Une balle dans le pied diront certains, avec raison. Pourquoi alors avoir accepté ? La réponse est dans un ras-le-bol général des classes moyennes qui se sentent tondus et ignorés, et donc tombent dans les bras du populisme.”

“Je ne suis pas étonné par le résultat de la votation. Le dumping salarial dû à la présence de trop nombreux frontaliers est un problème pour les travailleurs suisses. L’autre élément qui a pu déterminer certains votes est l’attitude même de ces voisins français qui parfois exaspèrent : peu d’échanges, un air de supériorité… Certains ont aussi voté oui à cause de cela ! Alors aujourd’hui, quand je vois mon patron chercher d’abord un Suisse avant d’avoir recours à un travailleur frontalier, je trouve ça normal.”

“Je crois que les frontaliers ne sont pas véritablement visés dans la votation, sinon les cantons limitrophes auraient voté oui, ce qui n’est pas le cas… On a besoin des frontaliers, il y a un véritable manque de main-d’œuvre qualifiée. Maintenant, il y a toujours la caricature qui dit qu’ils sont arrogants et ne viennent que pour le salaire… Cela concerne une minorité de frontaliers, mais comme partout, on ne parle toujours que des 5 % de gens qui sont irrespectueux et on oublie les 95 % de gens très bien. C’est humain !”

travailler la journée ? Bref, égoïstement peut-être, ce qui importe côté français, c’est de savoir si l’économie du Haut- Doubs va en souffrir avec une éventuelle limitation du nombre de permis de travail. L’initiative a été approuvée à une faible majorité de

“À mon avis, les frontaliers ne sont pas la cible de cette votation, du moins dans les esprits romands, l’exemple genevois est significatif, eux qui connaissent une poussée de populisme n’ont pourtant pas prêté oreille aux sirènes U.D.C., ils savent mieux que personne que les frontaliers font le travail que bien des Suisses se refusent à faire. Il n’en reste pas moins que le but

Beaucoup d’incertitudes sur l’application.

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