La Presse Pontissalienne 173 - Mars 2014

A g e n d a

La Presse Pontissalienne n° 173 - Mars 2014

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“Les gens ont un rapport particulier à l’affiche de cinéma” Le président du Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma de Pontarlier (C.R.I.C.) a déjà passé plus 15 000 heures à inventorier les archives cédées à l’association par la Cinémathèque Suisse. Son but : mettre en valeur ce patrimoine exceptionnel. CINÉMA CLAUDE BERTIN-DENIS

L a Presse Pontissalienne : Pour le pas- sionné de cinéma que vous êtes, com- ment avez-vous réagi lorsque vous avez réceptionné les archives de la Cinémathèque Suisse ? Claude Bertin-Denis : C’est plus que jubi- latoire ! C’est le rêve qui se réalise alors qu’on ne l’imaginait pas. À chaque car- ton c’est une découverte, c’est du plai- sir, même si son contenu n’est pas tou- jours intéressant. Il y a tout un cinéma que je ne connaissais pas, et en parti- culier, le cinéma suisse. L.P.P. : Par quel hasard avez-vous hérité de cet- te manne documentaire de la Cinémathèque Suisse ? C.B-D. : Je collabore depuis 12 ans avec la Cinémathèque Suisse. J’aide à faire du tri et de l’identification sur le ciné- ma des années 30 aux années 80, une période que je connais bien. Je me suis lié d’amitié avecAndré Chevailler conser- vateur de la Cinémathèque. Cela m’a permis d’être informé du déménage- ment de cet organisme dans ses nou- veaux locaux. Comme la Cinémathèque avait trop de documents, elle a souhai- té se séparer de ce qu’elle possédait en surnuméraire. Je me suis proposé pour récupérer ce stock et l’installer à Pon- tarlier dans l’idée de créer le centre de ressources iconographiques. J’ai convain- cu la mairie de Pontarlier de m’aider dans ce projet et je me suis rapproché des Amis du Musée. Créé en 2011, le C.R.I.C. est une émanation de cette asso- ciation. Aujourd’hui, je remercie les élus de m’avoir permis de répondre aussi rapidement à l’offre suisse. L.P.P. : Quelle est l’importance de cette collec- tion ? C.B-D. : Au départ cela portait sur 50

L.P.P. : Ces archives venues de Suisse ont-elles un intérêt particulier ? C.B-D. : L’avantage que la Suisse a sur la France dans le domaine du cinéma, est que les affiches sont dans les trois langues parlées dans ce pays : le fran- çais, l’allemand, l’italien. On trouve éga- lement des affiches en anglais. Je pré- cise que jusque dans les années 80, les affiches étaient personnalisées en fonc- tion du pays où le film était diffusé.Ain- si, pour un même film, on trouvait des visuels différents voire diamétralement opposés. En Italie, il y avait très sou- vent de belles filles sur les affiches. Ce document est un reflet de la culture du pays. L.P.P. : Entre votre collection personnelle de 60 000 affiches et de 10 000 photos, et les archives de la cinémathèque suisse, peut-on dire que se trouve désormais à Pontarlier un des plus importants centres de ressources ico- nographiques pour le cinéma de France ? C.B-D. : Ce qui est certain, c’est qu’une fois achevé ce travail de tri, nous aurons à Pontarlier un patrimoine nationale- ment reconnu. Je n’ai évidemment pas la puissance de la Cinémathèque Fran- çaise, mais nous pouvons rivaliser, par exemple, avec la cinémathèque de Tou- louse. L’avantage que nous avons ici, c’est que nous gardons tous les films mineurs.Ainsi, lorsque le village de Pont- gibaud (Puy-de-Dôme) a organisé une rétrospective autour de l’acteur Henri Vidal, j’ai prêté 35 affiches des films de Vidal et la photo de son enterrement à Pontgibaud. La cinémathèque de Tou- louse ne pouvait en proposer que 8. L.P.P. :Y a-t-il un marché des affiches de films ? C.B-D. : Certaines se vendent plus de 100 000 euros comme l’affiche origina-

tonnes. Finalement j’en ai récupéré 170 ! 80 tonnes ont déjà été transférées à Pon- tarlier. Le reste est encore en Suisse. L.P.P. : Les quantités sont énormes. Comment faites-vous le tri ? C.B-D. : La méthode de tri consiste à prendre tous les renseignements sur une affiche comme le nom du metteur en scène, les acteurs, le réalisateur, l’illustrateur etc. Certaines affiches ont été dessinées par de grands artistes qui venaient de la peinture ou de la B.D. En France, par exemple, les affichistes célèbres sont corses. Jean Mascii fai- sait des affiches flamboyantes. Candi avait lui aussi son propre style. Ferracci a réinventé l’affiche. Ces archives sont un véritable patri- moine qui commence dans les années 30 pour les photos et qui couvre la pério- de des années 50 aux années 2000 pour les affiches. Il faut tout répertorier.

de fonder un hall d’exposition perma- nent à côté du C.R.I.C. Au regard des documents dont nous disposons, il y a de quoi couvrir des années d’exposition. Pour l’instant tout le travail engagé n’a pas coûté d’argent à la ville, à l’exception du prêt de salles. Le cinéma est le reflet du XX ème siècle. Le 7 ème Art dit beau- coup de chose sur notre société et son évolution. C’est tout l’intérêt de cette collection qui sert déjà de support à beaucoup d’expositions et qui permet d’accompagner des manifestations cul- turelles, sportives… L.P.P. : La Ville de Pontarlier voit donc un inté- rêt à jouer la carte du cinéma. Ce n’est plus le cas de la Région Franche-Comté qui a suppri- mé il y a un an le fonds d’aide régional à la pro- duction audiovisuelle et cinéma. Ce dispositif a été remplacé par un autre, moins ambitieux. Qu’en pensez-vous ? C.B-D. : Le vrai problème est que l’entité régionale n’assume rien. La suppres- sion de ce fonds est une bêtise car en voulant faire une économie financière mineure (335 000 euros en 2012 n.d.l.r.), le Conseil régional a privé la Franche- Comté de tournages. Elle n’a rien com- pris au film ! C’est une aberration. Cela n’a pas été réfléchi et surtout cette mesu- re a été prise sans concertation. Ce fonds est remplacé par une aide au court- métrage qui n’a pas de résonance. Je voudrais que l’on m’explique comment la Franche-Comté va gagner en visibi- lité avec ce nouveau dispositif destiné

le de King Kong. Des affiches du ciné- ma muet telles que celles de certains films de Georges Méliès (Le voyage dans la lune 1902) trouvent preneur à 40 000 euros. L’affiche du film Pulp Fic- tion se vend entre 200 et 300 euros aux enchères. Cependant ce marché est très fluctuant. Il s’est déstructuré avec Inter- net. Des choses qui se vendaient à un prix élevé, car on pensait qu’elles étaient rares, ont perdu de la valeur. D’autres en ont pris. L.P.P. : À l’heure du numérique l’affiche de film n’est-elle pas menacée de disparition ? C.B-D. : C’est un fait, dans les cinémas, les panneaux numériques remplacent les affiches qui ont perdu de leur inté- rêt. Dans les années 90, l’affiche est devenue moins intéressante dans sa présentation. C’est la période où nous sommes passés des illustrations aux infographies. La photo, plus froide, a remplacé le dessin. L’affiche a donc per- du de sa dimension artistique. L.P.P. : Peut-on imaginer que dans le cadre du C.R.I.C. soit créé, un jour à Pontarlier, un lieu d’exposition dédié au cinéma ? C.B-D. : C’est mon souhait. Je trouve sou- vent une oreille attentive auprès de l’adjoint à la culture puisque la mairie a l’envie de créer un pôle cinéma à Pon- tarlier. Mais hélas, un tel projet néces- site de trouver un lieu à rénover et de l’argent. Dans la période actuelle ce n’est pas simple. Mais l’idée serait bien

Ensuite, on estime les quantités de documents à garder par film. Ce que nous ne conservons pas, nous le vendons lors des expositions importantes que nous organisons (1 euro l’affiche n.d.l.r.). J’ai déjà consacré à ce tra- vail d’archivage entre 15 000 et 20 000 heures. J’y passe 9 à 10 heures par jour, dimanche com- pris. J’ai besoin encore de huit années pour arriver au bout de ce projet. Le chantier est énorme, mais c’est un passage obligé pour valoriser cette col- lection.

“La Région n’a rien compris au film.”

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