La Presse Pontissalienne 168 - Octobre 2013

PONTARLIER

La Presse Pontissalienne n° 168 - Octobre 2013

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MUSIQUE Éducateur spécialisé Shaffik Sufira, poète de son temps Éducateur à la maison Marguet à Pontarlier, le rappeur jongle avec dextérité entre sa profession et sa passion pour le hip-hop. Il sort son deuxième album de rap et veut faire sortir ce style musical de la caricature qui lui colle à la peau.

“B esoin d’ailleurs, de revenir au naturel, de croire en mon étoile et chasser l’artificiel. Ce que j’écris te mène à moi, donc j’irai à l’essentiel. En fait je suis trop lucide pour

me défaire du réel.” Qui a dit que le rap était un style musi- cal violent ? Le rap, Shaffik Sufi- ra en a fait un étendard, non pas pour véhiculer sa rage ou pester contre la société actuel- le, mais bien pour extérioriser

ce en quoi il croit. Les paroles de ses chansons ne transpirent pas la haine, elles sont fortes sans être violentes. Lui voit plu- tôt le rap comme une forme moderne de poésie. “Le rap, c’est aussi de l’optimisme, de la joie,

Sur son dernier album, le rappeur mortuacien a notamment travaillé avec le studio Lyrics Blunt du Locle et la maison Artic Production de Lyon pour les clips.

de l’amour, de la tolérance” note le chanteur de 28 ans qui sort ce mois-ci son deuxième album intitulé “Besoin d’ailleurs” (voir sur youtube “shaffik sufira besoin d’ailleurs”). Shaffik (de son vrai nom Cha- fik Zaghdoudi) est né de parents tunisiens, il a grandi et passé son enfance dans le Haut-Doubs. Scolarité classique : collège, puis lycée à Pontarlier, avant d’embrayer sur une faculté de sociologie à Besançon. Shaffik cherche sa voie. Pendant ce temps, il continue à écrire. “J’ai écrit mes premiers textes à 15- 16 ans quand j’étais au collège. C’est au lycée que j’ai rencontré un ami qui avait la même pas- sion des mots que moi. Avec lui, j’ai monté mon premier groupe en 2004” relate le chanteur qui a longtemps répété dans la sal- le du point jeune Épisode à Pon- tarlier. Il intégrera ensuite plu- sieurs collectifs de musiciens et de passionnés de hip-hop (rap- peurs, danseurs, graffeurs, D.J.) et démarre avec eux la tournée des salles de la région (moulins de Brainans et de Pontcey, le Cylindre, etc.). “Avec eux, j’ai vraiment peaufiné les techniques

Marguet de Pontarlier, le pous- se à s’impliquer dans la trans- mission de son art. Plusieurs années durant il animera aus- si à Morteau des ateliers d’écriture en lien avec les éta- blissements scolaires du Val dans le cadre du festival mor- tuacien “Un vent de hip-hop”. “Ce que j’ai commencé à faire à Morteau, je le poursuis aujour- d’hui dans des établissements scolaires du Haut-Doubs. L’idée est de redonner à d’autres ce qu’on m'a appris” dit-il. En 2011, il sort son premier album, “Ma rue est vers l’art”, qui reçoit un bon accueil dans les milieux hip-hop. Puis la per- te d’un proche éloignera Shaf- fik de ses amours musicales pen- dant plusieurs mois. “Je ne ressentais plus le besoin ni l’envie d’écrire, un passage à vide.” Mais les muses de l’écriture sont tenaces. Elles rattrapent vite le rappeur mortuacien qui noircit à nouveau des feuilles blanches. Le résultat sonne juste, le conte- nu de son deuxième album semble promis au succès. Le pre- mier single de l’album est sor- ti le 23 septembre sur les pla- teformes de téléchargement légal. Le C.D. complet sort avant la fin du mois d’octobre. Quatre clips ont déjà été tournés, déjà vus que de 10 000 fois sur “you- tube”. “Cet album est vraiment un projet personnel. Celui de la remise en question, de la prise de recul.” Une forme de théra- pie pour l’éducateur qu’il est ? Peut-être. En tout cas, entre sa passion et son métier, Shaffik a su créer des ponts. “La musique est un excellent support éduca- tif ou de médiation” estime l’artiste. Elle sert sans doute aussi à réparer quelques bleus à l’âme. Shaffik en sait certai- nement quelque chose. Le chanteur s’est donné une der- nière mission à travers son tra- vail de création : promouvoir la culture hip-hop en milieu rural, “et la rendre accessible à ceux qui en sont le plus éloigné. Mon projet est aussi de déceler tous les talents qui existent dans le Haut-Doubs” dit-il, comme un missionnaire de la musique et des mots. Un missionnaire des temps modernes. J.-F.H.

d’écriture et de res- piration.” Quelques années plus tard, le chanteur intègre avec deux com- parses un groupe avec lequel il accé- dera à une demi- finale d’un trem- plin parrainé par le célèbre rappeur Abd al Malik. Pre- mier clip, pre- mières tournées de quelques dates en France, en Suisse et en Belgique. Les chemins des membres du grou- pe se séparent ensuite et Shaffik décide de se lancer en solo dans la création et la scè- ne. La fibre édu- cative qui l’amènera à deve- nir quelques années plus tard éducateur spécia- lisé, un poste qu’il occupe à la maison

“Déceler tous les talents qui existent ici.”

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