La Presse Pontissalienne 165 - Juillet 2013

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 165 - Juillet 2013

6

ARMÉE, LA DÉSERTION EN QUESTION Au camp militaire du Valdahon ou dans les régiments de Besançon, la désertion existe. Sans être un fléau, elle touche de nombreux militaires, souvent des premières classes. Par choix ou par défaut, ils expliquent pour- quoi ils ne veulent plus rentrer dans le rang. À chaque fois, l’armée demande au procu- reur de la République de poursuivre les indi- vidus défaillants. Traduits devant le tribunal, les hommes en treillis risquent de la prison ou des jours amendes. Immersion dans un univers méconnu.

ENQUÊTE

En 2013, la désertion existe toujours

Qui sont les déserteurs de l’armée ?

D e son passage dans les rangs de l’armée, Maxime en a gar- dé des traces, à l’image de ses cheveux rasés et son sac à dos couleur militaire qu’il ne quitte pas. Pour le reste, il veut oublier. Comme d’autres militaires de son âge, souvent des jeunes de moins de 25 ans, il se retrouve derrière la barre du tribunal de Besançon, poursuivi pour “déser- tion en temps de paix.” En ce mercredi 29 mai, le tribunal cor- rectionnel de Besançon juge 25 affaires militaires dans la salle B. Oui, en 2013, la désertion est toujours d’actualité même si l’armée est devenue profes- sionnelle. Ce sujet est même éludé par l’armée qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Et pourtant, le sujet lui coûte de l’argent et du temps. C’est même elle, via les chefs de corps, qui demande au procureur de la Répu- blique de poursuivre les militaires défaillants. Ce jour-là, 15 d’entre eux sont derrière la barre du tribunal, tous poursuivis pour le même chef d’accusation. Mais à chaque fois, les motifs de désertion sont différents. Pour Kévin, 22 ans, natif d’Épinay- frontalier. Ce phénomè- ne gangrène les rangs. Pour la première fois, La Presse Pontissalienne recueille le témoignage de déserteurs comme Kévin, lassé de passer le balai au régiment, Naïm qui a perdu son compagnon mort en Afghanistan ou Guillaume, devenu

Ce militaire local a déserté car il trouvé un job en Suisse, mieux payé. Le tribunal de Besançon prononcera un mois avec sursis.

le 9 mai et 3 juillet 2012. Conséquen- ce immédiate : une convocation au tri- bunal. Si la plupart des convoqués ne sont pas accompagnés d’avocat, ils ris- quent à vrai dire peu de poursuites (lire par ailleurs). Du sursis (entre un et deux mois) est le plus souvent pro- noncé. “Engagez-vous qu’ils disaient ! Vous verrez du pays.” Ou pas. Parce que l’armée ne correspond pas aux images que se sont projetées des jeunes sou- vent sans repères, elle déçoit. En 1917, aux Chemins des Dames, les Poilus qui fuyaient étaient fusillés pour déser- tion. La comparaison s’arrête là. E.Ch.

sur-Seine et attaché au 19 ème régiment du génie de Besançon, la raison de son départ est simple : “J’en avais marre de balayer, dit l’ancien première clas- se. Je veux bien balayer, ce n’est pas le

de travail. Je suis retourné au régi- ment du génie et je voulais rompre mon contrat. J’ai fait 4 demandes et contac- té un avocat spécialisé pour connaître la procédure car j’avais trouvé un emploi en Suisse.” L’armée ne lui aurait jamais répondu. Il a donc déserté et a trouvé un job en Suisse faute de n’avoir pu casser son engagement. Le procureur réclame 60 jours d’amende à 3 euros. Alexis, 25 ans, originaire de Vitry-le- François incorporé au régiment deVal- dahon a fait le même choix que son camarade : après avoir trouvé un “tra- vail dans le bâtiment en Suisse payé 3 500 euros par mois” dit-il, il ne s’est pas présenté à son chef de corps, entre

Parietti. “Oui” répond-il. Il écopera d’un mois de prison avec sursis. Même si l’armée est devenue profes- sionnelle, les déserteurs sont bien pré- sents : accidents de parcours, manque de motivation, hiérarchie zélée ou idées préconçues sont quelques-unes des explications qui les ont fait basculer dans “l’illégalité”. Si Kévin possède un argument caduc, celui de Guillaume est recevable. Âgé de 21 ans, il ne s’est pas présenté dans son régiment de Besançon du 8 mars à mai 2012 après 15 jours de permis- sion. “Je suis rentré d’une opération en Guyane où j’ai contracté une mala- die, raconte-t-il. J’ai eu un an d’arrêt

souci, mais balayer pour le plaisir de balayer, je ne vois pas l’intérêt” avoue-t-il. Ce dernier aurait demandé une mutation, non acceptée. Las, il a déserté durant un mois en juillet 2012, “fait que vous recon- naissez ?” lui demande le vice-procureur de la République Margaret

60 jours d’amende à 3 euros.

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online