La Presse Pontissalienne 165 - Juillet 2013

SOCIÉTÉ

La Presse Pontissalienne n° 165 - Juillet 2013

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RELIGION

L’exorciste du diocèse Max de Wasseige a rendez-vous avec le “Diable” Des rites et une parole forte, sans oublier l’humour. C’est avec cela que le frère Max de Wasseige panse des blessures de l’âme des personnes qui le consultent. Exorciste du diocèse depuis 17 ans, il passe son temps à “désangoisser” les gens.

Max de Wasseige est devenu franciscain après avoir entendu une voix qui ne l’a jamais quitté. Sa grand- mère avait elle-même vu la Vierge.

À Besançon, dans le hall d’accueil du Centre Dio- césain, une inscription sur une porte intrigue.

Sur la plaque on lit : “Service de l’exorcisme”.Tiens, cette pra- tique religieuse qui consiste à libérer un individu entravé par des forces démoniaques n’a donc pas disparu ? En tout cas, ceux qui pensent qu’elle est d’une autre époque seront surpris du contraire. Dans son petit cabi- net, sobrement meublé de deux fauteuils et d’une table basse, le père franciscainMax deWas- seige reçoit jusqu’à cinq per- sonnes par après-midi, du mar- di au samedi. Il est l’exorciste du diocèse de Besançon depuis 17 ans. “Dès que je dis que je suis exorciste, cela provoque chez mon interlocuteur une angois- se et plein de questions” obser- ve-t-il. La fonction n’est pas banale et suscite une curiosité naturelle immédiate. Elle renvoie à un sentiment confus de crainte et de fasci- nation pour la chose diabolique qui traverse les siècles. Mais elle fait surtout écho à beau- coup de fantasmes dont s’est nourri le cinéma d’horreur. Dans le genre, le film “l’Exorciste” (1973) de William Friedkin est un des plus célèbres. “Je l’ai vu. C’est mauvais comme tout. Il y a plus de violence que de véri- té. Je ne crois évidemment pas à cela” commente le frère fran- ciscain dans un accent belge à peine dissimulé qui le trahit sur sa nationalité. Ce sensationnalisme effrayant est bon pour le 7 ème art. Car sa vie n’est pas celle d’un prêtre en lutte quotidienne avec le diable personnifié. “L’exorciste est un homme saisi par Dieu qui sent le besoin d’aider les gens à se désangoisser de ce qui est néga- tif, de tout ce qui est mal.” Le plus souvent, ceux qui pous- sent la porte de Max de Was- seige le font pour exprimer un mal-être, une détresse profon- de, plus que pour se débarras- ser du diable. Des souffrances qu’ils ont enfouies en eux, et dont beaucoup n’ont jamais parlé. Ils se présentent rue Mégevand dans l’espoir de rencontrer enfin quelqu’un capable de les libérer de leur fardeau. Ils arrivent là sur les conseils d’un ami, d’un prêtre, d’un voyant et parfois même de leur psy. “Certaines per- sonnes me disent “j’ai tout raté, et vous êtes la dernière porte à laquelle je frappe.” Les “patients” qui l’appellent parfois “docteur” viennent avec cette idée que l’exorciste a un pouvoir libérateur. Le francis- cain ne juge jamais, il ne mora- lise pas. Là où la société condam- ne, lui écoute. Son statut même

d’homme d’Église crée un contexte propre à la confi- dence. “Des gens que je n’ai jamais rencontrés aupa- ravant me racon- tent leur vie. J’entends beau- coup de choses par rapport à des enfances difficiles, à la sexualité, à l’argent. C’est assez incroyable.” Le dialogue s’établit, et la parole du prêtre soulage aumoins. “Par expérience, lorsqu’on parvient à verbaliser une

DÉBAT

Bientôt devant le Parlement ? L’euthanasie, c’est mourir

dans la dignité ?

“Je ne suis pas un gourou, mais un passeur de vie.”

L a Presse Pontissalienne : Prochaine- ment, le Parlement doit rouvrir le sen- sible dossier de l’euthanasie, ce que vous nommez plus posément, “droit à mou- rir dans la dignité”. Or, un texte existe déjà, la loi “Léonetti” que certains affirment com- me étant largement suffisante pour gérer tous les cas difficiles. Il faudrait donc aller plus loin selon vous ? Jean-Pierre Simon : Dans son program- me électoral, François Hollande a consacré sa proposition numéro 21 à la possibilité que chacun aurait de pouvoir disposer de sa vie en cas de conditions médicales insupportables. En tant que laïc, j’estime que chacun peut en effet disposer de sa vie. Le problème de la loi Léonetti en effet, c’est qu’elle n’est pas suffisamment connue. Il y a un défaut de formation du personnel hospitalier et d’information des patients. Ceci dit, cette loi est insuffisante parce qu’elle ne fait que donner la possibilité de cesser les soins curatifs pour entamer des soins palliatifs, des soins qui n’ont pas que des conséquences souhaitables pour la personne qui souffre (dessè- chements, dérives mentales…). Il faut donc aller plus loin. L.P.P. : Jusqu’où ? J.-P.S. : Des pays comme les Pays-Bas ou la Belgique ont un bon système basé sur l’écriture par le patient d’une directive anticipée, ou pour les per- sonnes non capables, par des référents qu’elles auront désigné auparavant, selon laquelle en cas de situation irré- médiable (coma, Alzheimer, état gra- bataire…), ils demandent à appliquer cette directive qui ouvre le droit au suicide assisté. En France, il y a une nouveau délégué dépar- temental justifie lesposi- tions de l’association. L’association pour le droit de mourir dans la dignité (A.D.M.D.) milite depuis trente ans pour que soit reconnue la possibilité du “suicide assisté”. Son

grande hypocrisie. Il arrive fréquem- ment qu’on aide à mourir un patient mais le risque, c’est quand un membre de la famille n’est pas d’accord, il peut porter plainte. Une loi encadrant ce droit à mourir éviterait certaines choses. L.P.P. : Mais quelle est la frontière à partir de laquelle on peut estimer que l’état du patient

l’on propose se passe avec un méde- cin qui fait le constat. S’il a un dou- te, il peut faire appel à un autre méde- cin. Cela doit se décider dans la collégialité. La loi belge est idéale à mes yeux. Et après 10 ans d’application, les chiffres montrent qu’il n’y a aucu- ne dérive. L.P.P. : Vous pensez que les Français sont prêts à une telle loi ? J.-P.S. : Selon un récent sondage, 91 % des Français sont favorables à une loi. Cette loi aurait dû être discutée à l’Assemblée Nationale courant juin. À mon avis, le gouvernement a été un peu refroidi par les débats autour du mariage gay.Mais cette question socié- tale sera lancée, peut-être avec quelques mois de décalage, mais elle le sera. Rien qu’au Sénat, il y a 5 projets pré- parés sur ce sujet. Il y a aussi une pro- position de loi gouvernementale avec des commissions qui travaillent déjà sur la rédaction d’un texte. J’espère que d’ici la fin de l’année, un texte sera voté. Propos recueillis par J.-F.H.

souffrance, on met de l’ordre dans le désordre. Avec des mots choisis, j’essaie de susciter en la personne le désir de vivre. Je ne suis pas un gourou, mais un passeur de vie. Je suis très humble par rapport à mon tra- vail. J’ai souvent le sentiment que mes paroles passent par moi, mais ne sont pas de moi” explique Max de Wasseige qui a collaboré pendant dix ans avec un psychiatre. La crédibilité de l’exorciste passe aussi par quelques rites nécessaires et attendus qu’il a “bricolés” à par- tir de prières et de bougies et qu’il adapte à chaque interlo- cuteur. 80% des gens qui prennent ren- dez-vous ne sont pas des chré- tiens. Ce sont des hommes et des femmes de tous les âges (y compris des enfants) et de toutes les classes sociales. “J’ai de tout : salarié de sex-shop , gendarme, médecin, pilote de ligne, des musulmans, des patrons d’entreprise. Je passe mon temps à désangoisser les gens. C’est tout le contraire de certains char- latans qui exploitent cette misè- re humaine.” L’activité de son cabinet est finalement le reflet des turpitudes de la société dans laquelle il est “plus commode de se dire possédé que de recon- naître qu’on va mal et qu’on est plus capable de gérer sa vie.” S’il devait faire payer ses consul- tations, le frère Max serait assis sur une mine d’or. En 17 ans, l’homme avoue s’être enrichi, mais seulement de ces ren- contres diverses, qui lui ont don- né une profondeur de vie et qui le grandissent humainement. Il remercierait presque Dieu, d’avoir mis le “Diable” sur son chemin.

est désespéré. Ce n’est pas la porte ouverte à toutes les dérives ? J.-P.S. : On s’en remet systématiquement aux experts médecins qui sont seuls aptes à dire qu’il y a une souffran- ce extrême, irréversible, avec une atteinte phy- sique et morale de la personne. On reven- dique simplement qu’à un certain moment, dans le cadre de la liber- té de conscience, quel- qu’un puisse dire “je veux mourir.” La loi que

“La loi belge est idéale, il n’y a aucune dérive.”

Jean-Pierre Simon est le nouveau président départemental de l’association pour le droit de mourir dans la dignité.

T.C.

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