La Presse Pontissalienne 161 - Mars 2013
DOSSIER
La Presse Pontissalienne n° 161 - Mars 2013
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OUVRAGE
Le point de vue d’un historien
La Presse Pontissalienne : Pourquoi un livre sur Edgar Faure ? Maurice Carrez : J’ai déjà eu l’occasion de faire quelques publi- cations sur Edgar Faure. Quand Emmanuel Vandelle, le directeur des éditions du Belvédère m’a proposé un livre, j’ai accepté ce challenge. On était en 2007. J’ai fini le manus- crit en 2011. C’est un des livres que j’ai eu le plus de plai- sir à écrire. L.P.P. : On attribue à Edgar Faure de la droiture et une certaine forme d’humanité. Qu’en pensez-vous ? M.C. : Ce n’est pas quelqu’un de malhonnête intellectuelle- ment. Il essaie toujours d’argumenter avec un souci des réalités. il n’a pas l’habitude d’assassiner ses adversaires, il les désigne. Pour régler des conflits, il fait entendre sa voix. L.P.P. : Et sa réputation de girouette ? M.C. : C’est plus une façade, car en réalité, il y a toujours une grande continuité dans ses valeurs. Il reste l’expression de cette classe moyenne de chefs d’entreprise, propriétaires fonciers. Il a le regard de ceux qui ont réussi. C’est un hom- me politiquement plutôt conservateur mais qui a aussi com- pris que la question sociale allait être au cœur du XX ème siècle. L.P.P. : Avait-il le goût du luxe ? M.C. : Il n’a jamais caché son goût pour une vie confortable sans attacher à l’argent plus d’importance que cela. Il a fait le gros de sa fortune quand il était avocat d’affaire en défendant des stars du cinéma et gérant des affaires dans Pas si girouette que cela… Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg, Maurice Carrez qui a vécu dans le Haut-Doubs vient de sortir un livre sur Edgar Faure, publié aux éditions du Belvédère.
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le pétrole. Il sentait les coups. Une fois qu’il était parvenu à ses fins, il s’ennuyait. Il avait besoin de nourrir autrement son appétence intellectuelle, d’où le choix de se tourner vers la politique. C'était un intellectuel qui avait le sens pratique. L.P.P. : On peut s’étonner qu’il n’ait jamais être président de la République ? M.C. : Il s’est engagé dans la politique plus par vani- té que par goût du pouvoir. Sous la IV ème Répu- blique, c'était un personnage très important qui était secrétaire d’État du budget puis ministre des Finances où il a compris que les guerres coloniales
“Un homme politique autonome.”
allaient ruiner la France. Il a fait son retour politique sous la V ème République à la faveur de De Gaulle qui avait saisi chez lui des qualités d’homme d’État quand il l’a envoyé en Chine puis quand il lui a confié le dossier de l’agriculture. Sans oublier le ministère des Universités en 1968. Je pense qu’en 1969, il avait les moyens de gagner les élections face à Pompidou. Mais ils ont signé ce pacte où Pompidou lui aurait promis la place de pre- mier ministre. Après coup, Edgar Faure a confié à ses proches qu’il avait eu l’impression de s’être fait rouler dans la farine. L.P.P. : Sa stature d’homme d’État a conforté ses succès électoraux dans le Haut-Doubs ? M.C. : Son arrivée coïncide avec une volonté locale de s'ouvrir sur l’extérieur. À l’époque, il fallait plus d’1 h 30 pour faire Besan- çon-Pontarlier. Le Haut-Doubs restait enclavé, très rural et agri- cole. Les habitants ont pensé qu’une telle personnalité pourrait les aider à l’ouverture, d’où cette réception fastueuse à la gare de Pontarlier. Il était attendu comme l’homme providentiel. Je l’ai vu sur les comices. Il était rayonnant au milieu des agri- culteurs. C’était un peu un homme d’autrefois. La droite locale lui a reproché de ne pas être en prise avec la modernité, la gran- de finance, mais Edgar avait beaucoup de recul avec ces milieux. L.P.P. : Comment a-t-il digéré sa défaite aux municipales de Pontarlier ? M.C. : Il n’éprouvait pas plus de regret que cela. Il n’avait peut- être pas bien mesuré l’ampleur de sa tâche. Pontarlier a tou- jours été une ville difficile pour la droite. L.P.P. : Que faut-il retenir d’Edgar Faure ? M.C. : Il avait incontestablement la stature d'un homme d’État mais restait un homme politique autonome et finalement assez insaisissable. Propos recueillis par F.C.
Le livre “Edgar Faure.
La robe, la plume et la politique” écrit par Maurice Carrez est sorti aux éditions du Belvédère.
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