La Presse Pontissalienne 161 - Mars 2013

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 161 - Mars 2013 21

CONTEXTE

Politique

L’homme providentiel du Haut-Doubs En 1967, comme il l’avait fait 20 ans plus tôt dans le Jura voisin, Edgar Faure part à la conquête du Haut-Doubs où il s’impose rapidement sur la scène politique.

Aux municipales de 1971, Edgar Faure, et sa liste d’entente pour la promotion de Pontarlier, l’emporte avec 62 % des voix. Du jamais vu jusqu’alors.

D e glissement comme il l’explique à ses amis “du Jura adminis- tratif au Jura géographique” relève d’une stratégie parfai- tement contrôlée qui laissait peu de place à la défaite. En 1966, Edgar Fau- re alors ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de Georges Pompi- dou sait qu’une victoire aux élections législatives lui permettrait de confor- ter sa place dans l’équipe gouverne- mentale. Ses chances de victoire dans le Jura n’étaient pas évidentes que ce soit face à Jacques Duhamel à Dole ou à Louis Jaillon à Lons qui refusait tou- te entente. Comme il avait pris pour principe de ne jamais poser sa candidature sans qu’elle fût désirée, mieux valait donc chercher ailleurs dans une circons- cription, autre règle, en phase avec son électorat de base, à savoir une bour- geoisie provinciale de petits patrons, commerçants et agriculteurs. Dans ces circonstances, le Haut-Doubs lui tendait les mains. Cette circons- cription conservatrice “peu évoluée poli- tiquement” est alors représentée par LouisMaillot. Ce personnage surnommé le “sot du Doubs” au mode de vie appa- remment bien arrosé accepte de lais- ser sa place assez facilement après quelques doses de gentiane. Il bénéfi- cie du soutien de la droite locale convain- cue de l’intérêt d’avoir un ministre à la tête de la circonscription Morteau- Pontarlier. Rarement campagne électorale fut menée avec autant d’éclat sur le Haut- Doubs. Edgar Faure eut droit à un accueil triomphal le 7 janvier 1967 en gare de Pontarlier avec fanfare, pré- fet, sous-préfet, élus locaux et tout ce que la ville comptait de petits notables. Du pain béni pour Edgar Faure qui fidèle à sa réputation a su trouver les petits mots et répliques qui font mouche. L’auteur de la loi sur la modernisation de l’élevage n’eut pas trop à forcer son talent pour convaincre dans les can- tons alentour. Résultats : une victoire sans appel le 5 mars 1967 avec deux tiers des suffrages exprimés. Avec cette faculté bien à lui de savoir se rendre accessible, il renforce sa popu- larité au fil de ses visites dans son nou- veau fief. Ce qui ne l’empêche pas non plus d’être fidèle à sa légendaire modes- tie quand il confie aux agriculteurs : “Votre région a deux atouts : l’altitude et moi-même !” Vanité, quand tu nous tiens… Sa candidature aux cantonales sur Pontarlier en septembre 1967 est éga- lement couronnée de succès. Il reste- ra au poste jusqu’en 1979 sans pour autant accéder à la présidence du Conseil général du Doubs comme ce

fut le cas dans le Jura. Le champion des comices, roi des banquets, savou- ra sa troisième victoire électorale sur le Haut- Doubs aux législatives de 1968. Suite à quoi l’homme d’État se voit confier par le Général De Gaule le ministère de l’Éducation nationale avec la redoutable mis- sion de trouver une issue pacifique à la crise uni- versitaire. Une mairie ne serait pas pour lui déplaire dans son fief électoral. L’occasion se présente quand Jacques Lagier le jeune maire de Pontar- lier annonce qu’il ne sera pas candidat aux muni- cipales de 1971. “C’est

PONTARLIER Maire de 1971 à 1977 “Edgar à la gare”

Votre région a deux atouts : l’altitude et moi- même !

Le mandat de l’équipe menée par Edgar Faure ne restera pas forcément comme le plus animé de l’histoire pontissalienne. La faute sans doute à un maire trop absent.

te qu’il ne se passe pas grand-cho- se” , explique Gérard Voinnet alors directeur de publication au Beuillot, le journal d’expression libre publié à l’époque sur Pontarlier. Ce support orienté à gauche est sou- cieux d’apporter un autre regard sur la vie locale. Il ne ménage pas l’action municipale. “C’est le man- dat de l’immobilisme” , poursuit celui qui assistait régulièrement aux séances pour en faire le compte ren- du écrit. Dresser le bilan d’une man- dature est toujours entaché d’une certaine part de subjectivité selon le camp ou l’on se place. Chose cer- taine, Edgar Faure n’a pas mis les 1951, les socialistes du Jura, dans “Le Petit Comtois”, écri- vaient déjà à son endroit : “Son arme principale est le banquet. Pour convaincre la tête, il s'adresse dʼabord à lʼestomac pour faire jouer la reconnaissance du ventre.” Le champion des banquets É picurien dans lʼâme, Edgar Faure a usé et abusé de la méthode des banquets. En

E n accordant leur confiance à Edgar Faure, les Pontissa- liens ne réalisaient pas for- cément la charge que repré- sentait un poste ministériel ou le perchoir de l’Assemblée nationale, deux fonctions exercées par leur maire dans sa mandature munici- pale. Lequel maire sous-estimait probablement cette proximité qu’on attendait de lui. Très vite, il brille par son absence.

La restitution publique de la vie municipale se limite à 6 ou 7 conseils par an expédiés en deux temps trois mouvements. Les séances pro- grammées le lundi soir à 20 heures, durent tout au plus 45 minutes et s’apparentent davantage à une cais- se d’enregistrements. Faute d’opposition, le débat est inexis- tant. Edgar Faure délègue en fai- sant confiance à André Grillet son premier adjoint. “Très vite, on consta-

une charge très lourde et je devais m’occuper de ma vie professionnelle et familiale. Edgar Faure a essayé de me convaincre de continuer mais je n’ai pas changé de point de vue. À partir de là, il a posé sa candidature” , se sou- vient Jacques Lagier. La majorité des électeurs pontissaliens ont vu en lui l’homme providentiel, “le chantre presque naturel d’une ruralité dyna- mique” comme le qualifie Maurice Car- rez dans l’ouvrage (1) qu’il lui a consa- cré récemment. Edgar Faure écrira dans un article du Pontissalien, un journal acquis à sa cause. Son édito- rial du 5 mars 1971 en dit long sur son sens du consensus. “Le président de la République a dit récemment, qu’à son avis, les élections municipales ne devaient pas être politisées… Telle est notre opinion. Certains partis sont d’un avis contraire. C’est bien leur droit… Nous n’avons aucun esprit partisan. Je n’ai aucune animosité contre le P.C. Il y a dans le P.C. des hommes valables et bien des démocrates sincères…Quant au parti socialiste, je n’oublie pas le soutien qu’il m’avait apporté dans mon premier gouvernement et à diverses reprises par la suite…” (2) Le verdict est à la hauteur du per- sonnage. Sa liste passe en totalité avec 62 % des voix. Du jamais vu dans l’histoire pontissalienne. F.C. (1) Maurice Carrez. Edgar Faure. La robe, la plume et la politique. Édi- tions du Belvédère

Tout en appréciant la culture de l’homme, Gérard Voinnet tire un bilan très mitigé du

finances communales dans le rouge. On lui doit l’ancienne salle des fêtes Pourny, l’installation de quelques entreprises, l’actuelle gendarmerie, l’ancienne caserne des pompiers, de nouveaux lotissements… Il a aus- si favorisé l’achat de foncier qui servira à l’extension du terrain d’aviation et à plus tard à la réalisation de la zone commerciale des Grands-Planchants.

“Ça chauffe, je recule.”

passage d’Edgar

Faure à la mairie de Pontarlier.

(2) Bernard Olivier. Edgar Faure : un itinéraire exceptionnel qui passe par la Franche-Comté

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