La Presse Pontissalienne 158 - Décembre 2012

LA PAGE DU FRONTALIER 46

La Presse Pontissalienne n° 158 - Décembre 2012

“Il manque des parkings-relais”

BALLAIGUES

870 collaborateurs

Lʼ entreprise Maillefer a investi dans la mise en place dʼune navette de bus entre Pontarlier et Bal- laigues. Ce bus qui circule depuis la Toussaint vient chercher les frontaliers le matin et les ramène à bon port le soir. “On finance totalement ce dispositif. Cela représente une dépense signifi- cative à destination de 80 collabora- teurs. On nous a fait le reproche de ne pas faire la même chose avec ceux qui habitent à Lausanne” , explique Domi- nique Legros qui assume ses choix com- me cela fut le cas en janvier 2012 quand il octroya une prime uniquement aux salariés résidents en Suisse, par sou- ci de compensation vis-à-vis des fron- taliers qui avaient vu leurs salaires aug- menter de 23 % suite à la dépréciation de lʼeuro face au franc suisse. Le direc- teur pointe du doigt le manque de par-

L’histoire de cette entreprise est marquée par des choix stratégiques perspicaces qui en font aujourd’hui le leader mondial de l’instrumentation en endodontie. Projet d’agrandissement. Maillefer croque la croissance à pleines dents

kings-relais qui permettrait de renfor- cer lʼefficacité des bus et de démulti- plier le co-voiturage. “Avec dʼautres points dʼarrêt, on remplirait plus facile- ment la navette.” Il avoue aussi ne pas trop savoir à qui sʼadresser côté français tant il est com- pliqué de savoir qui fait quoi dans le millefeuille des collectivités. “En Suis- se, cʼest la commune ou le canton.” Maillefer progresse aussi sur les plans des avancées sociales avec la création récente dʼune commission du person- nel équivalente à nos comités dʼentreprise. “Le gros sujet de discus- sion sʼarticule autour de la flexibilité du temps de travail. Ceux qui travaillent la journée et ne sont pas concernés par des horaires fixes réclament plus de souplesse dans les plages horaires.” À quand la grève ?…

L es ventes de Maillefer ont été multipliées par 8 depuis qu’elle a rejoint Dentsply en 1995. Ce groupe américain spécialisé dans le matériel dentaire emploie 16 000 personnes. Son chiffre d’affaires approche trois milliards de dollars. Grâ- ce à cette alliance, l’entreprise de Bal- laigues a bénéficié d’une tout autre infrastructure commerciale qui lui a ouvert des canaux de distribution dans le monde entier, notamment sur les marchés de l’Asie et de l’Amérique du Sud. Quand on sait queMaillefer expor- te 96 % de sa production, on mesure tout l’intérêt de ce rapprochement qui

mettait fin à la tradition des dirigeants issus de la famille fondatrice. L’essor commercial se répercute forcément sur les moyens de production. L’effectif a pratiquement doublé au cours de la dernière décennie pour atteindre aujour- d’hui 870 collaborateurs, dont 70 % sont frontaliers. “On a recruté une soixantaine de personnes en 2011. On commence à se sentir un peu à l’étroit. Un projet d’agrandissement est à l’étude.” Bien avant Dentsply, d’autres choix ont contribué au succès de l’entreprise proche de Vallorbe. Tout est parti d’Auguste Maillefer le fondateur. Cet horloger devenu dentiste à 40 ans se met à fabriquer ses propres instru- ments. Il crée Maillefer Instruments en 1889. Ses trois fils développeront la gamme des produits pour la dentiste- rie, du tire-nerf en passant par diverses mèches. Ce savoir-faire horloger appli- qué au médical connaît une nouvelle évolution capitale dans les années soixante. Maillefer se spécialise dans l’instrumentation utilisée pour le trai- tement des racines dentaires, ou endo- dontie. En s’adossant au vieillissement de la population, cette nouvelle orien-

“Un projet d’agrandissement est à l’étude”, confie Dominique Legros, le premier “non Maillefer” dans

l’histoire des directeurs de l’entreprise de Ballaigues.

tation intègre un fort potentiel de déve- loppement. “Elle s’inscrit dans unmar- ché de soins de nécessité plutôt que de soins de confort. On peut vivre avec une dent en moins et ne pas la remplacer. C’est plus difficile de supporter une dent douloureuse.” Chez Maillefer, le cocktail de la réus- site repose la qualité et le maintien d’un savoir-faire original et inventif, valorisé par une main-d’œuvre per- formante, le tout en s’appuyant sur une puissance de frappe commerciale d’envergure mondiale. “L’activité a connu une pause en 2009 avant de repar- tir sur une croissance modérée car on subit aussi l’impact de la crise et la cherté du franc suisse” , modère tout de même Dominique Legros. F.C.

fut plutôt bien négo- cié par la famille Maillefer. “Le groupe Dentsply a laissé une certaine autonomie” , souligne Dominique Legros, ingénieur français qui a pris la direction de l’entreprise en jan- vier 2012. En succédant à Pier- re-Luc Maillefer, il

870 collaborateurs dont 70 % sont frontaliers.

Les navettes de bus entre Pontarlier et deux des trois sites Maillefer à Ballaigues circulent depuis le 1 er novembre.

VAL DE TRAVERS L’effet de cheminée La forêt des sorcières

Les éboulis au pied de la falaise du Creu du Van sont recouverts de curieux petits arbres rabougris, des épicéas plus que centenaires dont la taille ne dépasse par 2 m de haut. Mystère.

présence des espèces bonzaï” , poursuit Sébastien Morard. Le processus de circulation relève de l’effet de chemi- née. En hiver, l’air extérieur est plus froid qu’à l’intérieur de l’éboulis. Cette dif- férence génère une aspiration par le bas de l’air froid qui remonte ensui- te et se réchauffe, ce qui explique ces températures anormalement chaudes en hiver. En été, c’est le phénomène inverse avec appel d’air chaud par le haut qui se refroidit en descendant et maintient la base au frais. “L’amphithéâtre du Creu duVan fonc- tionne comme un frigo géant ou un pergélisol atypique.” Ces échanges compliquent le développement de la végétation soumise à ces conditions extrêmes qu’on retrouve dans les tour- bières ou sur les “zones de combat” alpines à plus de 2 000 m d’altitude. Dans la région du lac des 4 cantons, les hommes avaient creusé au XIX ème siècle des caves à lait dans ces zones d’éboulis. Petite anecdote, plus l’amplitude thermique est forte, plus l’effet cheminée est important. En 2003, année de la canicule, la tempé- rature moyenne annuelle au pied du Creu du Van à 800 m d’altitude était inférieure à celle mesurée sur la face nord de l’Eiger à 1 800 m. À chacun ses sommets.

O n retrouve des arbres nains au pied d’autres cirques rocheux dans le Jura et les Alpes où ces curiosités ont donné lieu à des légendes comme cel- le de la forêt des sorcières dans la région d’Appenzel. Les premières observations scientifiques ont été effec- tuées dans les années soixante par le botaniste Jean-Louis Richard. Cet universitaire neuchâtelois avait aus- si noté la présence de glace au sol et de courants d’air froid. L’explication du phénomène a donné lieu à plusieurs hypothèses. La pre- mière évoquait la présence de glaciers enterrés issus des dernières glacia- tions. “Faux, même si cette hypothèse a encore la vie dure”, explique Sébas- tien Morard, géomorphologue qui a réalisé en 2007 une thèse sur les ébou- lis froids à l’université de Fribourg. Autre version avancée : cette aberra- tion végétale serait liée à un manque d’ensoleillement à l’intérieur du cirque du Creu du Van. Sauf que les zones les plus à l’ombre ne sont pas forcé-

ment celles où l’on trouve les épicéas nains. Pour connaître la vérité, il fallait exa- miner ce qui se passe sous les arbres. En 1997, Raynald Delaloye, profes- seur de géomophologie à l’université de Fribourg, va consacrer sa thèse à étudier les éboulis froids dont l’un est localisé justement au Creu du Van. Au pied de ces amas de pierre, la tem- pérature est très stable en été et des- cend largement sous 0 °C en hiver quelle que soit l’épaisseur du man- teau neigeux. Des différences de tem-

pératures importantes sont également consta- tées entre le bas et le haut de l’éboulis. “La base reste pratiquement toujours froide alors qu’on note des tempé- ratures positives sur la partie haute en hiver. C’est la ventilation d’air à l’intérieur de ces ébou- lis qui explique ces ano- malies thermiques et la

Ventilation d’air à l’intérieur de ces éboulis.

Sébastien Morard avec la cartographie des températures hivernales au Creu du Van.

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