La Presse Pontissalienne 158 - Décembre 2012

POLITIQUE

La Presse Pontissalienne n° 158 - Décembre 2012

36

RÉFORME

Rapport de la commission Jospin Le cumul des mandats donne du fil à retordre

Présidée par Lionel Jospin, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a rendu un rapport dans lequel elle formule plusieurs propositions pour accompagner la réforme des institutions. Parmi elles, on retrouve la ques- tion du non-cumul des mandats qui est loin de faire l’unanimité.

à avoir suivi la consigne deMartineAubry qui par courrier, leur demandait aumois d’août, de “démis- sionner au plus tard en septembre de (leur) man- dat exécutif local.” L’engagement d’exemplarité n’est pas franchement respecté. Ils sont rares les députés qui, comme la socialiste Barbara Romagnan ici à Besançon, au nom de la déontologie, n’ont pas attendu le texte sur le

taires sont le plus souvent à la tête des exécutifs dont ils sont membres : 261 députés (45 %) et 166 sénateurs sont soit maire, soit président de Conseil général, soit président de Conseil régio- nal.” Une situation jugée inacceptable pour le député socialiste René Dosière, spé- cialiste des finances publiques qui vient de publier aux éditions du Seuil “L’État au régime” dans lequel il épingle les parlementaires (voir page suivante). Au-delà du temps nécessaire à accor- der de la fonction de parlementaire, il estime que le cumul est aussi source de dépense. “En supprimant le cumul des mandats, on ferait une économie de 12 millions d’euros sur les indem- nités. L’effet serait perceptible dans les budgets des collectivités locales puisque les députés comme les sénateurs ne per- cevraient plus leurs indemnités de mai- re, de président de Conseil général ou régional” explique le député qui inter- vient dans le cadre du colloque le 23 novembre à 9 h 25 à la Bouloie. Face aux critiques de ses collègues élus, René Dosière a proposé subtile- ment aux cumulards de continuer à occuper plusieurs fonctions, mais en ne percevant plus qu’une seule indem- nité. “Je suis convaincu que si nous faisions cela, nous aurions une dimi- nution soudaine du cumul des man- dats” ironise-t-il, faisant voler en éclat l’argument défendu par beaucoup de pro-cumul qui prétendent qu’il est important qu’un parlementaire occu- pe un mandat local afin de maintenir un lien avec le terrain. À écouter René Dosière, l’intérêt du cumul serait avant tout financier. En réalité, dans le rang de la majori- té socialiste, les récalcitrants sont plus nombreux que les partisans du non- cumul. Rares sont les parlementaires

J eudi 22 et vendredi 23 novembre, Besançon accueille à la Bouloie un col- loque sur “la transparence en politique”. Un sujet aussi sen- sible que complexe, qui émerge dans l’actualité avec la publication du rap- port de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin. Ce docu- ment est un préalable au chantier fas- tidieux de la réforme des institutions voulu par François Hollande, annon-

ciateur d’un “renouveau démocratique”. D’ici la mi-décembre, le président de la République recevra les chefs des principaux partis politiques pour entendre leur avis sur cette réforme dont la feuille de route est consignée dans ce rapport. L’ancien premier ministre socialiste y formule 35 pro- positions qui vont de la rupture avec la pratique de cumul des mandats à la stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts, en passant par la création d’une autorité de déontologie

de la vie publique. La commission estime en effet que le cumul des mandats est un obstacle “à une véritable rénovation de la fonction de parlementaire” qui justifie que l’élu s’y implique à temps complet. Or, actuel- lement, 476 députés sur 577 (82 %) et 267 sénateurs (77 %) sont dans une situation de cumul apprend-on dans le rapport. “Parmi eux, 340 députés (59 %) et 202 sénateurs (58 %) exercent des fonctions exécutives dans les col- lectivités territoriales. Ces parlemen-

12 millions d’euros économisés.

non-cumul pour démissionner. Il devrait être examiné au premier trimestre 2013 par le Parlement. Elle a quitté le Conseil général pour se consacrer à temps plein à son action de député. Claude Jeannerot en revanche, prési- dent socialiste du Conseil général du Doubs, n’a pas l’intention de démis- sionner de son mandat local pour n’occuper que la fonction de sénateur. Il s’explique : “Je respecte l’engagement que j’ai pris devant les électeurs. Un point c’est tout. J’attends que l’on vien- ne me démontrer que je remplis mal l’une ou l’autre de mes fonctions.” Clau- de Jeannerot attend la loi sur le non- cumul pour s’y plier, sachant que cel- le-ci ne devrait entrer en vigueur qu’en 2014, date à laquelle il remettra en jeu ses deux mandats. Selon Bruno Le Roux, le patron du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, une quaran- taine de députés socialistes seulement auraient démissionné de leur mandat d’exécutif local sur les 165 qui sont dans une situation de cumul. François Hollande n’est pas au bout des peines. Il y a encore du chemin à faire pour inverser la tendance. T.C.

lls seraient à peine une quarantaine de députés socialistes à avoir démis- sionné de leur mandat local sur les 165 en situation de cumul.

CONSEIL GÉNÉRAL

Président et sénateur Un loyer de 218 euros par mois pour Claude Jeannerot Le président du Conseil général du Doubs verse un

loyer à la collectivité qu’il préside pour occuper un bureau situé dans l’hôtel du Département, qu’il utilise pour son activité de sénateur. Le loyer est légal… mais dérisoire.

U n des reproches qui est fait aux élus qui cumulent un mandat de parlementaire avec celui de res- ponsable d’un exécutif local (Conseil général, Conseil régional ou maire) est qu’on ne sait pas dans quelle mesure ils n’utilisent pas les moyens de leur collectivité dans le cadre de leur fonc- tion de député ou de sénateur. Locaux, voiture, personnel, matériel technique, pourraient être mis parfois à contri- bution pour des missions qui n’ont pas de lien avec leur mandat local. Par exemple, le sénateur Claude Jean- nerot n’a pas de permanence en ville, contrairement à la plupart des autres parlementaires. Son bureau de séna- teur est dans les locaux du Conseil général du Doubs qu’il préside. Inter- rogé sur cette question, il n’apprécie pas que l’on puisse jeter la suspicion sur cette manière de fonctionner. “Il y a une étanchéité totale entre mes dépenses de sénateur et d’élu local” affirme-t-il haut et fort. Claude Jean- nerot tient à préciser que sa perma- nence de sénateur n’est pas hébergée gracieusement dans les locaux de l’hôtel

Repères Cinqmesures phares de la commission Jospin Proposition n° 15 Rendre incompatible le mandat de par- lementaire avec tout mandat électif autre quʼun mandat local simple à compter des prochaines municipales. Proposition n° 17 Mettre fin à lʼinviolabilité du président de la République en matière civile. Proposition n° 30 Prévoir une obligation légale de décla- ration dʼintérêts et dʼactivités pour les parlementaires. Proposition n° 31 Renforcer le régime des incompatibi- lités professionnelles applicable aux parlementaires. Proposition n° 33 Créer une autorité de déontologie de la vie publique.

Pour le président Jeannerot, tout est clair.

du Département. “Je paie un loyer dont le montant est conforme aux estima- tions des services fiscaux. Il est validé par l’assemblée. Ce loyer est de 2 616 euros par an, auquel s’ajoutent 924 euros de charges pour l’électricité, le chauffage, etc. Je paie les photoco- pies. Tout cela est parfaitement clair. Il y a comptabilités séparées. Il faut arrêter ces suspicions qui n’ont pas de sens et qui ne font que décrédibiliser la fonction de parlementaire.” Le président Jeannerot s’acquitte certes d’un loyer pour un bureau dans lequel

travaillent ses deux assistantes par- lementaires, mais il faut reconnaître que le montant est dérisoire. Tous les parlementaires ne sont donc pas logés à la même enseigne. À titre de com- paraison, la socialiste Barbara Roma- gnan paie plus de 1 000 euros par mois pour sa permanence place Leclerc à Besançon. Un ancien député du Doubs confirme également que le montant de son loyer atteignait les 1 200 euros mensuels pour une centaine de mètres carrés. Si Claude Jeannerot se défend en

s’appuyant sur la réglementation, c’est tout de même plus économique d’être logé au Conseil général qu’enVille. Ce décalage interpelle aussi le député socialiste René Dosière qui commen- te : “On peut supposer que le parle- mentaire qui est dans une situation de cumul n’utilise pas l’ensemble de son indemnité représentative pour frais de mandat (I.R.F.M.). Je plaide pour de la transparence et pour plus de contrô- le sur ce point.” T.C.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker