La Presse Pontissalienne 157 - Novembre 2012

ÉCONOMIE

39 La Presse Pontissalienne n° 157 - Novembre 2012

FORÊT

Des tensions sur la filière bois Coup de blues chez les scieurs Étienne Renaud, le tout nouveau président du syndicat des résineux de Franche-Comté, revient sur les causes qui ont conduit les scieurs à boycotter la vente de Champagnole. Exaspération.

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L a Presse Pontissalienne : Com- ment expliquer la réaction des scieurs ? Étienne Renaud : On dénonce la politique des prix de retrait pra- tiquée par l’O.N.F. Quand un lot recueille une ou deux offres, il peut être compréhensible qu’il soit retiré de la vente. En revanche, quand il y a 5 à 7 offres, alors on a l’impression que l’O.N.F. fait de la rétention. En retirant beaucoup de lots, l’offre augmente pour les pro- chaines ventes et on risque un effondrement des cours. L.P.P. : Les communes propriétaires des lots n’interviennent pas dans les prix de retrait ? E.R. : Lors d’une réunion récen- te, le directeur régional de l’O.N.F. a reconnu que la poli- tique des prix de retrait est lar- gement fixée par l’O.N.F. qui met en œuvre son rôle d’expertise. Nous les scieurs, on veut une O.N.F. forte avec des droits et des devoirs. Mais il y a parfois unmélange des genres. L’O.N.F. devrait rester une agen- ce nationale et pas une officine commerciale. L.P.P. : Qu’en est-il des contrats d’approvisionnement ? E.R. : Ces contrats résultent d’une discussion annuelle. Les prix sont déterminés en fonction des ventes publiques précédentes. On estime qu’ils devraient

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La composition de la forêt comtoise est très hétérogène, elle ne répondrait plus aux attentes du marché de la construction.

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prendre d’autres facteurs en compte. Entre les prix de retrait et ces contrats, on est un peu victime de la double peine. Ces dispositifs ne reflètent pas le prix du marché. L.P.P. : On a l’impression que tout se joue sur les prix de la matière pre- mière ? E.R. : Effectivement. La renta- bilité d’une scierie dépend de cinq critères. Les coûts de pro- duction et de sciages augmen- tent. Le prix des produits sciés, notamment des connexes,

me semble parfaitement adap- tée à la ressource locale. La forêt comtoise très hétérogène ne cor- respond plus aux attentes actuelles plutôt axées sur les petits bois. Conséquence : on doit aussi gérer des lots très hétérogènes qu’il est nécessai- re de trier à l’amont et en aval. C’est toujours difficile d’avoir une parfaite adéquation entre la ressource forestière et les besoins. En Franche-Comté, on a une scierie de montagne com- me on a une agriculture de mon- tagne.

s’effondre. Les rendements des scieries se maintiennent. Du coup, la matière première res- te la seule variable d’ajustement. Beaucoup de scieries locales sont aujourd’hui dans le rouge. L.P.P. : Est-ce que la taille relativement modeste des outils de production entre en ligne de compte dans ces difficul- tés ? E.R. : Ce n’est pas un critère de rentabilité en scierie. Il y a d’ailleurs très peu de grosses unités de sciage en Franche- Comté. La taille de nos scieries

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cott en juin. Ce signal d’alarme n’a pas du tout été perçu par l’administration et l’O.N.F. Il faut bien comprendre qu’on est dans une situa- tion d’urgence. La disparition de cer- tains scieurs pour- rait aussi pénali- ser les communes qui n’auraient plus d’unité de trans- formation à proxi- mité. L.P.P. : Qu’attendez- vous à court terme ? E.R. : J’espère que le message sur les prix de retrait sera

L.P.P. : Difficile de rivaliser avec les Allemands donc ? E.R. : C’est même impossible de transposer les modèles alle- mands ou canadiens qui sont basés sur une ressource beau- coup plus homogène. Ils sont beaucoupmieux placés que nous par exemple sur le marché de la maison à ossature bois. L.P.P. :Vous subissez aussi la conjonc- ture ? E.R. : Le marché franc-comtois de la construction n’est pas for- cément mauvais mais en Fran- ce, le niveau de permis de construire se situe à un niveau très bas. Le climat est très anxio- gène. On observe beaucoup de prudence et d’attentisme. On a très peu de visibilité et des car- nets de commande très courts. L.P.P. : Êtes-vous satisfait des modes de vente ? E.R. : Pour nous, c’est un peu le mythe de Sysiphe. On a le sen- timent de ressasser toujours les mêmes attentes. À la tempête de 1999, l’O.N.F., les communes et les scieurs ont trouvé un accord qui avait révolutionné la façon de mettre les bois en ven- te. On avait inventé le système d’unité de produit, c’est-à-dire la prévente. On a l’impression que la vente en bloc devient un système complètement dévoyé, très souvent sous-estimé. L.P.P. : La position des scieurs à Cham- pagnole peut sembler choquante ? E.R. : On regrette l’absence des responsables de l’O.N.F. et du sous-préfet dans ces ventes publiques. Le syndicat a été pris en grippe alors qu’il a joué plu- tôt un rôle modérateur. Les scieurs prônaient déjà le boy-

“Beaucoup de scieries locales sont dans le rouge.”

entendu. On nous a reproché d’être un syndicat sans prési- dent. On a pris nos responsa- bilités et j’ai accepté d’assumer la fonction. On attend mainte- nant que chacun prenne ses res- ponsabilités. La prochaine ven- te de Levier, le 13 novembre, sera l’épreuve de vérité. L.P.P. : Doit-on s’attendre à un rema- ke de Champagnole ? E.R. : Je ne pense pas. On sou- haite que cette vente puisse se dérouler et que le marché puis- se s’exprimer sans rétention. L.P.P. : Comment conforter l’avenir de la filière résineuse à moyen terme ? E.R. : On devra discuter une fois de plus sur l’évolution des modes de vente et tendre harmoniser la règle des trois tiers : un tiers vente en bloc, un tiers préven- te, un tiers en unité de pro- duits. Propos recueillis par F.C.

Pour Étienne Renaud, le nouveau président du syndicat des résineux, il est impératif de maintenir des unités de transformation sur place.

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