La Presse Pontissalienne 157 - Novembre 2012

PONTARLIER

DIDIER BARBELIVIEN

La Presse Pontissalienne n° 157 - Novembre 2012

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SOLIDARITÉ Ouvert 7 jours sur 7 Travail et Vie, une halte pour les plus démunis Les personnes dans le besoin trouvent à Travail et Vie de quoi manger, se laver, nettoyer leur linge. Cette structure d’accueil est un sas par lequel transitent des nécessiteux avant d’être orientés vers d’autres structures.

D epuis le 1 er novembre, l’accueil de jour de la rue Montrieux à Pontarlier est ouvert 7 jours sur 7. Il le sera jusqu’au 31 mars, date à partir de laquelle il fermera le dimanche. Pendant la pério- de hivernale, cet établissement géré par l’association Travail et Vie aug- mente donc son temps d’accueil des personnes en détresse qui trouvent à cette adresse de quoi se restaurer matin, midi et soir. “Nous fonctionnons sur le principe de l’inconditionnalité de l’accueil et du respect de l’anonymat” rappelleVincent Jeannier, responsable permanent de l’association créée il y a vingt ans, dont la mission a évolué au fil du temps puisqu’elle ne fait plus de réinsertion professionnelle. Elle n’a pas vocation à demander à ses hôtes de justifier les raisons qui les conduisent là. Sa priorité est de gérer l’urgence en leur proposant de quoi se nourrir, de prendre une douche et de laver du linge. Ici, ils peuvent dispo- ser d’une connexion Internet, d’un télé- phone, des outils qui les aident à effec- tuer certaines démarches. Les cinq agents d’accueil (ils sont quatre en été), employés par l’association en C.A.E. (contrat d’accompagnement dans l’emploi) sont dévoués à ces tâches et respectent cette confidentialité. “Nous sommes un sas. Le premier inter- médiaire entre la rue et les services sociaux compétents pour organiser une prise en charge, et vers lesquels nous orientons les personnes qui viennent ici. Nous leur donnons les clés, ensui- te c’est à elles d’effectuer les démarches auprès de nos partenaires que sont les assistantes sociales de secteur, le C.C.A.S., l’hôpital, ou les associations caritatives” précise Vincent Jeannier. Travail et Vie est donc un des maillons du dispositif général d’accompagnement des personnes en difficulté à Pontar-

lier, en prise directe avec la réalité du terrain. La structure de la rue Mon- trieux est souvent le premier recours pour les plus démunis. Contrairement aux idées reçues, souvent tenaces, “nous ne recevons pas que des S.D.F. Effecti- vement il y a des gens de passage, des bourlingueurs, mais c’est marginal. Par exemple, en septembre, nous avons accueilli 48 personnes différentes, dont 75 % sont des locataires pontissaliens. Les douze autres personnes sont des S.D.F. parmi lesquelles il y a quelques Parisiens qui sont venus là dans l’espoir de trouver un travail en Suisse. En hiver, il n’y a pas à Pontarlier de “sans domicile fixe” qui dorment dans la rue, car ils sont logés à l’accueil de nuit qui fonctionne plutôt bien.” Des travailleurs pauvres, des adultes en situation d’addiction à l’alcool, à la drogue, aux médicaments franchissent la porte de l’association. “Beaucoup de personnes vivent avec les minima sociaux. Elles ont un logement et sont isolées. Elles perçoivent le R.S.A. On en voit de plus en plus qui ont la recon-

tuits. Depuis le début de la crise, Travail et Vie observe la dégradation sociale. Elle est de plus en plus confrontée à un public qui a des problèmes d’emploi et de chômage. “Notre travail est recon- nu indique Vincent Jeannier. Nous entretenons de très bons rapports avec le C.C.A.S. et la Ville. Nos demandes sont entendues mais pas forcément satisfaites.” Pour assurer sa mission quotidienne,Travail et Vie dispose d’un budget de 160 000 euros qui repose sur des subventions d’État, du C.C.A.S, du Conseil général et de dons. Un bud- get serré avec lequel elle doit compo- ser pour rester le point de chute indis- pensable aux plus démunis. T.C. “S paghetti, sauce bolognai- se…” excusez du peu, “faite maison !” annonce Gérald qui s’affaire aux fourneaux. Aujour- d’hui, il fait équipe en cuisine avec Louisa.Tous deux sont agents d’accueil à Travail et Vie, employés par l'association en C.A.E. (contrat d’accompagnement dans l’emploi). “Ce n’est pas de la gastronomie !” La cuisine est simplemais elle est variée et consistante. Des produits fournis par la Banque alimentaire, comme des yaourts viennent améliorer le quotidien. Ici, pour 1 euro, une per- sonne sans aucune ressource peut manger (1,30 euro si elle perçoit le R.S.A., 2,50 euros si elle est salariée). Dans cet établissement, on ne sert que de l’eau, c’est la règle. Il est midi, le service commence au “restaurant” social de la rue Mon- trieux. Dans la salle,les hôtes ont pris place.Ils sont une vingtaine,ils seront autant ce soir au dîner. Parmi eux, attablé entre ses trois compagnons de repas, il y a Thierry. Mèche rebelle, grisonnante, ce Monsieur de 48 ans est un habitué. “J’ai ma place atti- trée” dit-il. Depuis qu’il a perdu son boulot suite à des problèmes car- diaques, il reconnaît venir manger là le midi et le soir. “J’étais chauffeur- livreur. Maintenant, ils ne veulent plus que je conduise. J’aime bien venir là. C’est ma sortie. Après le repas, je rentre chez moi, et je reste tranquille” avoue Thierry avant d’entamer son assiette de pâtes avec appétit. Son voisin Patrick n’a pas très faim. Cet ancien maçon de 51 ans, recon- la rue Montrieux. Une quinzaine de personnes se sont attablées pour déjeuner. La discus- sion s’engage. Il est midi au “restaurant” social de

PONTARLIER - EspacePourny Jeudi 29 Nov. 20h30

Réservation : Virgo music, Super U, Office de tourisme, Leclerc, Géant Renseignements 06 80 70 77 78

TÉMOIGNAGES Thierry, Patrick et les autres… L’accueil de jour ,

une amarre à la vie

naissance adulte han- dicapé.” La plupart d’entre elles ne sont donc plus en capacité de tra- vailler. En 2011, la moyenne d’âge des 173 personnes différentes qui ont fréquenté l’accueil de jour était de 40 ans. “Ce sont surtout des habitués” remarque encoreVincent Jeannier qui refuse le principe de l’assistanat. C’est pour cette raison qu’une contributionmodeste est demandée aux per- sonnes qui mangent là, sauf pour les trois pre- miers repas qui sont gra-

Le refus de l’assistanat.

25 personnes différentes

passent chaque

jour la porte de l’accueil de jour.

nu travailleur handicapé, fréquente l’accueil de jour depuis un an et demi. “Ce sont les problèmes familiaux qui m’ont amené ici” confie-t-il simple- ment. Patrick est un accidenté de la vie qui garde un lien avec le monde qui l’entoure grâce à cette associa- tion. “Heureusement qu’il y a cette structure. C’est une bonne chose.Moi, c’est le C.C.A.S. de Pontarlier qui m’a orienté ici. C’est bien d’être là.” Ce Pontissalien d’adoption, père de deux enfants qu’il voit de temps en temps, vit désormais dans un hôtel, après être passé par l’abri de nuit. Son quo- tidien, il le partage entre la rueMon- trieux, sa chambre, “et des amis que je vais voir. Parfois les journées sont longues” soupire le quinquagénaire qui retournera à l’hôtel après le repas pour suivre les informations à la télé- vision. Dominique a avalé son déjeuner. Après avoir débarrassé son assiette, une tâche qui fait partie des règles fixées par l’établissement, il passe la porte et sort. Des bagues plein les doigts, le visage buriné, ce gaillard vêtu d’une veste molletonnée à car- reaux a des faux airs de Calvin Rus- sell avec son chapeau sur la tête.Une cigarette est la bienvenue.Il fait beau, son programme de l’après-midi est tout trouvé. “Je vais aller faire une sieste auGrandCours lâche-t-il d’une voix rauque. Après, je vais zoner un peu en ville, faire la manche pour acheter quelques bières, et voilà.” La

routine. Ce soir, Dominique dormira à l’abri de nuit comme il le fait depuis plusieurs années maintenant. Environ vingt-cinq personnes diffé- rentes passent quotidiennement la porte de l’accueil de jour. Certaines viennent juste boire un café, d’autres y prennent tous leurs repas. Pour beaucoup, cette association est une amarre à laquelle ils s’accrochent pour ne pas dériver dans la margi- nalité. Alain a trouvé un stage dans un gara- ge à Pontarlier. C’est provisoire mais il espère que cela va déboucher sur un vrai contrat de travail. Ce qua- dragénaire semble disposé à mettre toutes les chances de son côté pour que ça marche. “Ce n’est pas rému- néré mais je vais quand même au boulot. C’est important pour moi. Je ne suis pas du genre à tourner en rond.” Il vient souvent manger rue Montrieux. “Ici, on mange bien pour pas cher” approuve-t-il avant d’enchaîner d’un ton plus sombre : “Vous imaginez si une structure com- me ça venait à disparaître ? Ils iraient où tous ces gens ? La vie, on croit que c’est simple mais elle ne l’est pas. Per- sonne n’est à l’abri de se retrouver à la rue un jour ou l’autre” prévient-il. Sa mise en garde semble presque hors de propos dans un Haut-Doubs où l’activité frontalière a presque fait oublier la misère. Elle frappe pour- tant à la porte, mais ils sont peu à l’entendre.

Vincent Jeannier gère l’accueil de jour de la rue Montrieux.

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