La Presse Pontissalienne 152 - Juin 2012

SOCIÉTÉ

39 La Presse Pontissalienne n° 152 - Juin 2012

RELIGION

Monseigneur Lacrampe “Il faut éviter le choc des ignorances”

L’archevêque de Besançon saisit l’occasion de la toute récente béatification du père Lataste à Besançon pour faire le point sur la position de l’Église sur les problématiques actuelles de la société.

peut pousser ces personnes à faire la vérité sur leur vie et sur leur itiné- raire. Ce message autour de la réha- bilitation garde tout son sens aujour- d’hui. Ce message doit nous tourner aussi vers les personnes atteintes psy- chologiquement. La prison n’est pas qu’un lieu, il y a des gens qui sont pri- sonniers d’eux-mêmes et cela doit nous pousser à être tout aussi attentifs à ces personnes fragiles affectivement pour leur permettre de semettre debout. Voilà aussi le message du père Latas- te. Dans la société actuelle, il n’y a pas que l’économie. La société doit être attentive avant tout à la place de l’homme. Le message du père Latas- te déborde la conscience chrétienne, elle touche la conscience humaine. Des gens qui sont agnostiques m’ont dit que cet itinéraire les questionne. Je dis à tout le monde de découvrir cet itinéraire. Viens, vois et va ! L.P.P. : Comment va l’Église d’aujourd’hui dans le diocèse de Besançon ? M gr A.L. : Depuis 2000 ans, l’Église vit de rassemblement en rassemblement, tous les dimanches. Là, c’est un ras- semblement singulier que cette béa- tification qui a une portée internatio- nale, universelle. Cela contribue à faire vivre l’Église qui se porte plutôt bien ici. Le jour de la Pentecôte, 50 adultes seront confirmés. Mi-avril, 800 per- sonnes des mouvements et associa- tions de laïcs étaient réunies à Vercel. La grande question actuelle, c’est quel- le posture de chrétien avoir dans notre société laïque marquée par différentes quêtes de sens religieuses. Notre res- ponsabilité à nous, c’est d’aider le chré- tien à réfléchir sur sa posture dans

cette société pluricultu- relle. Je remarque aussi que l’Église est loin d’être absente du monde des jeunes. Chaque année, 450 jeunes font leur confirmation, un chiffre qui n’est pas en baisse. Les baptêmes eux aus- si se portent bien : il y en a eu par exemple 310 pour le seul jour de Pâques, dont 14 adultes et 38 enfants en âge sco- laire, le reste étant des bébés. C’est aussi à nous, communauté chrétien- ne de faire place aux jeunes. De ce point de vue-là, les espaces de parole nemanquent pas : J.O.C., mission étu- diante, scouts (il y en a plus de 1 000 en

re de la politique ? M gr A.L. : Il y a toujours des messages à faire passer y compris aux hommes politiques dans le souci du bien com- mun et sur la place de la personne humaine. J’estime aussi que dans tous les projets politiques qui se confron- tent en ce moment il peut y avoir une part de vérité qu’il faut savoir entendre, connaître et comprendre. À l’occasion de la présidentielle, on avait appelé à la vigilance des candidats sur une dou- zaine de points (le nucléaire, la biolo- gie, la bioéthique…) qui nous parais- sent importants. On rappelle nos principes, on ne les impose pas. On continuera aussi à rappeler notre conception de l’homme dans la socié- té avec ce souci de ne pas s’enfermer dans notre pays mais de penser Euro- pe et de penser monde. L.P.P. : Le dialogue interreligions porte-t-il ses fruits à votre avis ? M gr A.L. : Depuis le concile Vatican II, ce dialogue existe, dans l’idée de bâtir avec l’autre une terre fraternelle. Nous ne sommes pas naïfs pour autant.Mais l’objectif de ce dialogue qui s’établit aussi dans le diocèse, c’est bien la connaissance de l’autre. Dans ce domai- ne, on n’a pas à susciter des peurs, mais à réveiller les consciences. Peut- être que je fais un rêve, mais je crois que les efforts que nous entreprenons en ce sens en France peuvent avoir un impact dans d’autres régions du mon- de. Il faut bien sûr éviter un choc des civilisations mais également un choc des ignorances. C’est pourquoi le tra- vail sur la culture religieuse devrait toucher tout le monde. Propos recueillis par J.-F.H.

L a Presse Pontissalienne :Vous avez récemment alerté votre confrère l’évêque d’Autun des agissements d’un abbé de son diocèse qui inter- vient “sans autorisation” dans le secteur de Maîche. Qu’est-ce qui a justifié votre réaction ? Monseigneur André Lacrampe : J’ai juste voulu éveiller les consciences qu’un prêtre, Jean-Noël Zorzi, intervient dans notre diocèse sans aucune mission ni autorisation. Cela a entraîné quelques troubles chez des fidèles du pays maî- chois. Toutes les libertés sont sauve- gardées mais ce prêtre intervient sans aucun mandat et ne fait pas œuvre d’unité. Je l’ai indiqué à l’évêque d’Autun pour qu’il le rappelle chez lui. C’est un électron libre qui voue semble-t-il un culte excessif à Marie. Son initiative n’a pas ma bénédiction, je l’ai signifié à l’évêque d’Autun pour que tout rentre dans l’ordre. L.P.P. : La béatification du père Lataste a réuni des milliers de personnes à Micropolis le 3 juin. Un vrai événement pour vous ? M gr A.L. : C’est un vrai événement spi- rituel qui nous a permis de découvrir l’itinéraire humain et spirituel de Jean- Joseph Lataste. Cet événement était l’occasion de découvrir cette figure qui

a décrit la société que dépeignait Vic- tor Hugo. Il plonge au cœur du XIX ème siècle au milieu de cette prison de Cadillac où 400 femmes sont enfer- mées pour infanticide, vol ou prosti- tution, et il invite à ce que justice se fasse mais en même temps il leur dit que Dieu les regarde toujours avec amour car toute personne est appelée à être réhabilitée et qu’elle peut connaître un nouveau départ. De là, il adresse ce message à la société civi-

“On rappelle nos

principes, on ne les impose pas.”

le. Cet apôtre des pri- sons arrivera finale- ment à convaincre largement que la réhabilitation peut exister. L.P.P. : Un message tou- jours d’actualité ? M gr A.L. : Plus que jamais. Il n’y a jamais eu autant de per- sonnes en prison qu’aujourd’hui. Je leur rends d’ailleurs visi- te chaque année à la maison d’arrêt de Besançon, de Lure et de Vesoul. Le messa- ge du père Lataste

“Nous devons être des ` professionnels de l’espérance.”

Franche-Comté),M.R.J.C. pour lemilieu agricole, groupes d’aumônerie, etc. L.P.P. : Qu’en est-il de la vocation des prêtres dans le diocèse ? M gr A.L. : Il y a aujourd’hui 8 jeunes en formation en vue d’être prêtres. Donc ce n’est pas le désert. C’est sans dou- te insuffisant, mais depuis 2000 ans c’est insuffisant… Dans ce monde de conflits, les messages d’amour, de fra- ternité, de cordialité et d’espérance sont plus que jamais essentiels. Nous nous devons d’être des professionnels de l’espérance dans les lieux où la désespérance s’infiltre.

L.P.P. : Un archevêque comme vous peut-il fai-

Monseigneur André Lacrampe est en poste dans le diocèse de Besançon depuis 2003.

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