La Presse Pontissalienne 151 - Mai 2012

La Presse Pontissalienne n° 151 - Mai 2012

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FORTIFICATIONS Hors circuit de visite La casemate Mougin restaurée à l’identique Cette pièce d’artillerie intégrée dans le système Séré de Rivières du château de Joux a été complètement restaurée par les bénévoles de l’association Patrimoine et histoire de Joux.

C e chantier n’aurait sans doute jamais été entrepris sans Daniel André. Cet ancien militaire qui a effectué une partie de son ser- vice dans l’artillerie s’est toujours inté- ressé aux blindés. “C’est Roland Lam- balot, l’ancien conservateur du musée d’armes, qui m’a proposé de restaurer l’une des deux casemates Mougin du Fort de Joux” , explique Daniel André qui fait partie de l’association Patri- moine et histoire de Joux. De quoi s’occuper quand on découvre dans quel état se trouvait ladite casemate. Une bonne couche de rouille recouvrait les parties blindées. Les mécanismes de déplacement de la pièce d’artillerie et du verrou de 7 tonnes en fonte dure étaient complètement blo- qués. “On a entrepris la restauration en 1995. Il a fallu bloquer le verrou en position haute. La chaîne de levage est d’origine. Il s’avérait nécessaire de tout nettoyer. On a même été contraint de

démonter les roulements en laiton.” Ce bijou de l’archéologie militaire a été remis en état après deux ans de tra- vaux. Il ne lui manquait plus qu’un élé- ment : le canon de 155 qui avait été récupéré par les troupes d’occupation en 1942. Consciente de cette lacune, l’association a alors sollicité en 2008 le Centre de découverte des métiers du patrimoine àMontbéliard. Cette struc- ture réunit d’anciens maquettistes de l’usine Peugeot qui étaient déjà inter-

La casemate Mougin avant sa restauration.

COLLECTION

Les dernières acquisitions

venus sur la casemate du Mont-Bart. Ces spécialistes ont réalisé une copie en bois et en plastique de la pièce d’artillerie qui est installée désormais dans la casemate rénovée.Unemaquet- te au 1/12 ème totalement animée et construite par JeanCuynet permet aus- si de bien comprendre le fonctionne- ment du système. Tout est donc prêt pour que cette case- mate soit intégrée tôt ou tard au cir- cuit de visite. Mais ceci est une autre histoire. Des obus de 40 kg La casemate Mougin a été inventée en 1874 par le commandant Mougin pour lutter contre le canon de siège en surveillant des passages dʼinvasion militaire. À lʼépoque, cʼest une des innovations intégrées dans la ligne de fortification conçue par le général Séré de Rivières. Cette casemate sera construite en 10 exemplaires dont deux seront installés au fort de Joux. Elles étaient armées dʼun canon de 155 long de Bange à mise à feu électrique. La pièce est capable de tirer des obus de 40 kg à près de 7 km de distance. Il fallait entre 7 et 10 hommes pour la manœuvrer. À lʼexception de quelques tirs dʼessai, les deux casemates nʼont jamais ser- vi en situation de guerre. Elle nʼétait plus dʼaucune utilité avec lʼarrivée de lʼobus-torpille en 1942 capable de venir à bout de toutes les défenses Séré de Rivières.

Musée d’armes : l’autre trésor de Joux La gestion du musée s’appuie sur une politique d’acquisition d’armes, de tenues, de coiffes militaires mais aussi, on le sait moins, sur la collecte de documents iconographiques. P ropriété de l’office de tourisme de Pontarlier, cette collection de 700 pièces d’inventaires ne manque pas d’intérêt. Ses gestion- naires n’ont de cesse de l’enrichir et de l’entretenir. En 2011, ils ont acquis par exemple un képi de l’école Saint-Cyr, un sabre de Hussard an IX ou encore une carabine de Versailles qui date du pre- mier empire. “Cette belle pièce appartenait à un officier. C’est un fusil de grande précision réalisé sur les modèles des carabines de chasse autrichiennes” , explique Jean Gaconnet, l’un des deux conservateurs du musée. Plusieurs fusils à silex ainsi qu’une forte épée de cavalerie modèle 1733 ont fait l’objet d’une restauration l’an dernier. La recherche de nouvelles pièces est bien sûr conditionnée par des moyens financiers. C’est un vrai travail de limiers. “On fonctionne sur un carnet d’adresses de restaurateurs d’armes et de collectionneurs. On recherche actuellement un fusil ayant appartenu au capitaine Huot. Cet officier originaire du Russey dirigeait un groupe de francs-tireurs pendant la guerre de 1870. Le fameux fusil est une récompense de ses soldats envers leur chef” , précise Dominique Marandin, l’autre conser- vateur. La politique d’acquisition s’inscrit aussi dans la continuité du travail engagé par Roland Lambalot autour des armes de Joux. L’ancien conser- vateur avait commencé à récupérer ces fusils fabriqués par des armu- riers locaux. “La qualité du minerai de fer extrait localement leur a assuré trois siècles de prospérité. Le musée possède une trentaine de ces fusils de belle facture” , décrit Jean Gaconnet. L’ancien conservateur Roland Lambalot avait aussi développé une bibliothèque de première importance gérée aujourd’hui par l’association Patrimoine et histoire de Joux dont la plupart des membres partici- pent aussi aux activités du musée. “Tout peut avoir de l’intérêt, sou- ligne Dominique Marandin en montrant un laissez-passer établi sous l’occupation. Cela fait aussi partie du patrimoine militaire.” Le musée appelle aux dons de particuliers pour les souvenirs histo- riques militaires.

La restauration a été réalisée en grande partie par Daniel André (à droite), ici en compagnie de

Jean Gaconnet, le président, et Jacques Ferry, secrétaire de ` Patrimoine et histoire de Joux.

Deux ans de travaux ont été nécessaires pour remettre en état ce cuirassement.

RESTAURATION Un chantier perpétuel Les nouveaux bâtisseurs de Joux L’entreprise Hory Marçais intervient

“On fonctionne dans le respect intégral de l’authenticité”, explique Manuel Ribei- ro, le chef de chantier.

depuis plusieurs années sur la restaura- tion du fort de Joux. Les champions de la maçonnerie historique.

À force d’y enchaîner les chantiers, cette entreprise dijonnai- se spécialisée dans la maçonnerie et la res- tauration de patrimoine se sent un peu chez elle sur l’éperon de Joux. Le travail ne manque pas surtout, après l’éboulement surve- nu l’hiver dernier sur la première enceinte. “Cela

représente entre 3 et 4 ans de travaux” , estime Philip- pe Julien qui dirige Hory Marçais. Une équipe de huit ouvriers intervient depuis septembre 2011. Le grou- pe composé de maçons et tailleurs de pierre réside dans le Haut-Doubs du lun- di au vendredi. Ils sont hébergés en gîte. Rien d’extraordinaire en soi pour

ro. La rénovation de la première enceinte figurait au pro- gramme des travaux. Sauf qu’il était prévu de changer 20 à 30 m3 de pierre en non pas les 70 m3 qui se sont retrouvés au pied du rem- part. L’opération a nécessi- té la pose de 60 à 70 tonnes d’échafaudages. Toutes les pierres de parement sont taillées à Dijon. Entre le casernement et la premiè- re enceinte, il restera enco- re d’autres chantiers de réno- vation à mener sur la seconde et la troisième enceinte.

ces restaurateurs de monu- ments habitués aux longs déplacements. Ils travaillent 9 h 30 par jour. “Quand il fait trop froid, on se concentre sur la rénovation du casernement Joffre qui était dans un état lamen- table et souffrait surtout d’infiltrations. Cet hiver, on avait installé de gros chauf- fages soufflants. Tout doit être fait à la main. Dans la mesure du possible, on essaie de préserver les anciens enduits. On fonctionne dans le respect intégral de l’authenticité” , explique le chef d’équipe Manuel Ribei-

Cet hiver, les ouvriers du chantier ont essentielle- ment travaillé à la restaura- tion du caser- nement Joffre.

Dominique Marandin avec une forte épée de cavalerie restaurée récemment et Jean Gaconnet à droite tenant le sabre de Hussard an IX acheté par le musée l’an dernier.

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