La Presse Pontissalienne 151 - Mai 2012

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 151 - Mai 2012

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MORTEAU

La folie Clo-Clo toujours d’actualité

Patricia, l’ancienne Clodette qui a flashé pour le Haut-Doubs Elle a fait partie de la troupe

mythique des danseuses de Claude François dont la légende, trente-quatre ans

P atricia Criton est loin, bien loin de l’image que parfois renvoient les dan- seuses-potiches de la télévision. Les Clodettes, c’était autre chose. Non seulement un corps qui faisait fan- tasmer plus d’un homme, mais aussi une tête bien faite. L’ex-Clodette qui a trouvé refuge par amour dans le Doubs, ne fait pas exception. Claude François ne s’entourait pas de la pre- mière venue. Même si c’est le plus grand des hasards qui a mené la jeune Patricia, alors âgée de 18 ans, dans le bureau de la plus grande star de l’époque. La jeune beauté d’origine sénégalaise, fille d’un militaire de carrière, se destinait plutôt à deve- nir enseignante ou médecin. “J’ai croisé un jour vers le théâtre de l’Odéon Maddly Bamy, qui était Clodette à l’époque et qui deviendra plus tard la compagne de Jacques Brel. “Mademoi- selle, vous êtes très jolie, vous ne voudriez pas après sa mort, est toujours aus- si vivace. Aujourd’hui installée à Morteau, Patricia se souvient.

Patricia n’a rien perdu de son joli sourire. Sur l’écran, elle danse à la droite de Clo-Clo (à gauche de l’écran) lors d’un show à la télévision

faire du cinéma ?” me deman- de-t-elle. Un mois plus tard, elle m’aborde à nouveau en me proposant de danser avec Clau- de François. Je lui réponds alors que je ne sais pas danser…” Maddly insiste et Patricia se retrouve chez elle à danser sur un disque. “À l’internat, j’avais juste appris la danse classique naturelle, c’est-à-dire les gavottes et les menuets… sourit-elle. Maddly m’a répondu que ça ferait l’affaire. Si Claude te demande si tu sais danser, tu lui diras oui…” Arrivée dans le bureau du boss, Claude François va droit au but. “Vous êtes belle mais savez-

italienne en 1970.

“Ce passé-là, je l’ai dans mon cœur.”

vous danser ?” demande Clo-Clo. “Oui” répond timidement Patricia. “Mon histoire de Clodet- te a donc commencé par un petit mensonge…” Le lendemain de l’audition, Patricia participe à son premier gala. “Claude s’est vite rendu compte que je n’étais pas une excellente dan- seuse, mais il a été très humain. Il me dit : “C’est incroyable que ce soit moi un blanc qui appren- ne à danser à une noire !” Comme quoi les cli- chés selon lesquels la danse serait innée chez les noirs, ont la vie dure… Puis j’ai vite pro- gressé à ses côtés” ajoute Patricia. Nous sommes en 1968, une aventure profes- sionnelle de trois ans auprès de la plus gran- de star de l’époque commence pour la jeune

Patricia qui enchaîne aux côtés du chanteur populaire les galas en province et les shows télévisés. “À l’époque, on se produisait partout, même dans les très petites villes. Je me disais que jamais on ne remplirait la salle, et c’était toujours complet.” Côtoyer presque au quoti- dien un Claude François aussi exigeant dans le travail a été la meilleure des écoles pour Patricia dont le parcours de Clodette n’était pas vraiment du goût de sa maman à l’époque. “J’ai passé un deal avec elle qui ne voulait pas que sa fille “lève la jambe” : si j’intègre les Clo- dettes, je continue mes études. J’ai donc passé le Bac en parallèle.” Deux années et demi merveilleuses au cours

desquelles Patricia Criton était appréciée des hommes autant que des femmes qui voyaient en les Clodettes un peu le prolongement de leur idole Claude François. “Pour les fans, on fai- sait partie intégrante de Claude.” Le chanteur et l’homme qui fait aujourd’hui l’objet d’un film étaient deux personnages sans doute très dif- férents. Patricia a connu le chanteur “très exi- geant, mais très humain. Jamais il n’a été dur avec nous. Il m’a appris à être exigeante vis-à- vis de moi-même. Il respectait ses Clodettes. Il n’était pas du genre à penser que le droit de cuissage pouvait exister” confie l’ex-Clodette qui a gardé quelques liens avec certaines de ses anciennes camarades de travail. “J’ai été recontactée il y a deux ans par l’une d’elle qui tente aujourd’hui de faire reconnaître notre droit à l’image. Une procédure est en cours à laquelle se sont jointes une dizaine d’entre nous” indique Patricia. En 1971, la belle Africaine quitte l’aventure, “pour me marier. Et pour continuer mes études. Je ne voulais pas lever la jambe ad vitamæter- nam !” Sans regret, mais avec “que des bons souvenirs. Je ne suis pas du genre fétichiste, ce passé-là, je l’ai dans mon cœur. J’ai gardé de cette époque une ou deux tenues… que je ne pourrais plus enfiler aujourd’hui…” rit-elle. Patricia intégrera et suivra avec brio un cur- sus supérieur à l’école française des attachés de presse à Paris. Elle a vécu la mort de Clau- de François en 1978 comme un drame, comme toutes les fans. Après ses études, Patricia entrera en tant que chargée des relations publiques à Air Afrique, la grande compagnie aérienne qui regroupait onze pays de l’Afrique Noire. Attachée de pres- se pour la France et l’Europe, elle terminera sa carrière comme directrice de la communi- cation et du marketing de la compagnie jus- qu’à la dissolution de celle-ci en 2002. Une car- rière professionnelle au cours de laquelle elle accumulera de fructueuses expériences et côtoie- ra le monde du sport, de la mode ou des affaires. Toujours attachée à l’Afrique où elle n’a pour- tant pas vécu, l’ancienne Clodette s’envole au moins une fois par an pour le Sénégal, “où les réalités de la vie remettent vite les choses en place. C’est mieux que des anxiolytiques” sou- rit l’ex-Clodette installée à Morteau où elle a eu récemment le double coup de foudre : pour les paysages et pour son compagnon avec qui elle vit, après la période paillettes et une brillan- te carrière, un autre bonheur, loin du show-biz et des affaires. J.-F.H.

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