La Presse Pontissalienne 151 - Mai 2012

LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n° 151 - Mai 2012

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CONSOMMATION Une chaîne de facteurs Viande rouge : le grand écart des prix Le prix d’une côte de bœuf varie au moins du simple au double de part et d’autre de la frontière. Comment expliquer une telle différence ? Éléments de réponse.

Le coût de la vie, les salaires, les

contraintes de production, la préparation de la viande : tous ces paramètres expliquent les différences de prix sur la viande selon José Naef, le président des bouchers-char- cutiers vaudois

L a Suisse défend encore une politique très pro- tectrice vis-à-vis de ses agriculteurs en limitant fortement l’importation de vian- de. Seulement 15 % de bœuf pro- vient de l’étranger alors qu’en France, la viande bovine impor- tée représente plus de 25 % de la consommation indigène. Des taxes de douanes particulière- ment élevées découragent tou- te tentative d’importation. Un accord de libre-échange agrico- le avec la France par exemple dynamiserait forcément la concurrence sur les prix propo- sés au consommateur suisse. Il sonnerait aussi le glas d’une bonne partie de l’élevage hel-

vétique. “Les coûts de produc- tion sont beaucoup élevés en Suisse. Ici tout est plus cher : le bâtiment, le terrain, le matériel. Il faut y ajouter des prescrip- tions légales qui renchérissent le prix de l’aliment ou du four- rage” , indique Aline Claire de la Fédération Romande des consommateurs. Certains dénoncent les effets du “duopole” Coop et Migros, qui réaliseraient, là aussi fau- te de concurrence, de confor- tables marges sur la viande. Les deux distributeurs maîtrise- raient 66 % des parts de mar- ché sur la viande fraîche et congelée. La part de Leclerc, le plus gros distributeur français

avoisine tout au plus 15 % sur tous les produits. Les conditions d’élevage sont plus strictes en Suisse, donc plus coûteuses. Les normes sont plus contraignantes. Elles vont dans le sens du bien- être animal. On privilégie aus- si l’élevage bovin extensif avec une alimentation à base de four- rage et d’herbe. Les vaches doi- vent être sorties au moins 90 jours par an dont 30 en hiver. À tous ces paramètres, JoséNaef, boucher à Sainte-Croix n’oublie pas d’ajouter les différences de salaires entre les deux pays. “Car en Suisse, on est trop haut. De plus, le renchérissement du franc suisse par rapport à l’euro inci- te encore davantage la clientèle suisse à s’approvisionner enFran- ce” , souligne celui qui préside aussi l’association des bouchers- charcutiers vaudois. Les habi- tudes alimentaires ne sont pas tout à fait identiques en Fran- ce et en Suisse. “On prépare la viande différemment. En Fran- ce, vous consommez encore les abats contrairement en Suisse où les consommateurs veulent de la viande maigre.” Dans ce contexte, comment les artisans bouchers établis près de la frontière résistent à ces tensions sur les prix ? “On n’a pas d’autres choix que de s’adapter. Sur le marché inté-

rieur, on ne subit heureusement pas le problème du change. Ici la viande est au prix de marché.” José Naef ne nie pas les diffi- cultés d’une profession qui pei- ne à recruter et qui doit aussi affronter la grande distribution. “Nos métiers ont été trop long- temps dénigrés même si on constate un léger mieux. On est aussi confronté à la difficulté de pérenniser les petites boucheries. Leur nombre a diminué de moi- tié en 10 ans sur l’ensemble de la Suisse mais la France n’a rien à voir dans ce problème.”

Daniel Glaster, le chef de poste aux douanes des Verrières. Que risque le fautif ? Sʼil est pris en défaut, il réglera deux fois le dédouanement qui sʼélève à 20 francs suisses le kg. En sachant que lʼamende minimale est de 50 francs suisses. Pour 130 kg passés en fraude, il vous faudra régler 2 600 francs suisses. En principe, les voyageurs passant la frontière suisse peuvent importer sans frais de douane des marchandises à usage privé valant 300 francs. Certaines marchandises telles que lʼalcool, le tabac ou la viande sont soumises à des règles spécifiques. Pour la viande de bœuf, de veau, de porc ou de mouton, la quantité maxi- male est limitée à 500 g par personne et par jour. Le seuil monte à 1,5 kg pour du jambon et à 3,5 kg pour la volaille et le gibier.

Zoom Soupçons de trafic de viande L es douaniers des Verrières ont interpellé le 29 mars un véhicule contenant 130 kg de viande importée. “On entre dans le domaine de la contrebande professionnelle” , indique-t-on au service neuchâtelois des douanes. “La dernière fois quʼon a intercepté une telle quantité de vian- de remonte à 6 ou 7 ans. Ce genre de prises varie habituellement entre 10 et 20 kg. Les trois quarts des amendes quʼon dresse sur les produits de consommation, cʼest sur la viande” , complète

L’interception d’une telle quantité de viande est très rare mais les douaniers suisses admettent aussi que le trafic de viande puisse être d’une tout autre ampleur.

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