La Presse Pontissalienne 148 - Février 2012

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La Presse Pontissalienne n° 148 - Février 2012

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DÉCOUVERTE D’incroyables adaptations Le Grand Tétras, champion de l’hiver jurassien Le discret mais emblématique oiseau des montagnes jurassiennes est parfaitement adapté pour résister aux plus grands froids et aux contraintes que pose la neige.

S on format proche d’un petit dindon tout rond joue déjà en sa faveur. D’après la loi de Bergmann, on observe en effet un accroissement de la taille des espèces en fonction de la lati- tude. Les espèces les plus grosses résistent mieux au froid. La taille du Grand Tétras lui permet égale- ment de dissuader les petits pré- dateurs. Il affiche d’autres adap- tations anatomiques.À commencer par la double plume. “Toutes les

Les doigts ainsi élargis jouent le rôle de raquettes. La résistance au froid s’observe aussi dans le comportement. “Le grand Tétras ressent le froid à partir de - 20 °C.

plumes du corps sont rattachées à un second duvet. On retrouve cette particularité chez tous les tétrao- nidés” , explique Marc Montadert,

(photo Claude Lepennec)

spécialiste du Grand Tétras et de la géli- notte. Plus surprenant enco- re ces tarses emplu- més ou ces doigts munis de petites pennes cornés qui poussent à l’automne.

Fine gueule, le bougre.

qu’il fait - 5 °C.” En interdisant l’accès au sol, donc à la nourriture, la neige pose de gros problèmes. Certains oiseaux les contournent en allant passer l’hiver sous des cli- mats plus propices.

Le Grand Tétras a trouvé la para- de avec d’étonnantes facultés ana- tomiques. Il est capable de se nour- rir d’aiguilles de conifères. Une nourriture abondante dans les pes- sières jurassiennes où se cantonne l’oiseau mais qui s’avère peu éner- gétique et très difficile à digérer. “Le GrandTétras possède à l’intérieur de son corps deux cæcums digestifs. Ces diverticules abritent une flore bactérienne qui facilite une secon- de digestion du bol alimentaire. Ces bactéries peuvent dégrader les molé- cules de cellulose et de lignines, ce qui permet d’exploiter à fond le ren- dement énergétique des aiguilles. Ces cæcums ont un cycle annuel. ils sont plus développés en hiver” pour- suit le spécialiste. Le Grand Tétras prend générale- ment deux repas par jour en hiver. Le volume de chacun d’eux est limi- té par la taille du jabot. Même avec cette nourriture frugale, le cham- pion de l’adaptation hivernale affiche ses préférences, privilégiant dans l’ordre aiguilles de pin à crochets, de sapin et d’épicéa. Dans le Jura, il se nourrit essentiellement d’aiguilles de sapin. Il procède éga- lement à une sélection secondaire en choisissant les arbres avec la meilleure qualité nutritive. Fine gueule, le bougre. “Ce type d’adaptation est lié à une pression sélective très forte pour être capable d’optimiser une alimentation très pauvre. Le Grand Tétras est prati- quement l’une des seules espèces d’oiseaux herbivores sachant que la plupart sont granivores.” Au point où l’on en est, plus rien n’est sur- prenant avec ce volatile hors normes.

Il a alors tendance à faire des igloos. C’est assez rare d’observer ce com- portement dans le Jura relativement peu exposé à des températures aus- si extrêmes. Par comparaison, la gélinotte réagit de cette manière dès

Grâce à toute une série d’adaptation s anato-

miques et comporte-

mentales, le Grand Tétras

peut vivre dans des conditions extrêmes.

Effectif en hausse Selon les dernières estimations, le massif du Jura abriterait une population de 500 grands tétras. Lʼeffectif aurait tendance à progresser légèrement même si on est encore loin des années quatre-vingt-dix où lʼon recensait pratiquement 700 individus.

Dans la famille des tétraonidés, chaque plume est doublée d’un second duvet.

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