La Presse Pontissalienne 148 - Février 2012

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 148 - Février 2012

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MÉTABIEF Mise au point Jean-Louis Rapy règle ses comptes L’ancien directeur de la station de Métabief-Mont d’Or a engagé

L a Presse Pontissalienne : Peut- on rappeler les circonstances qui ont abouti à votre départ ? Jean-Louis Rapy : Suite à l’assemblée générale du 21 avril 2011, Christian Bouday le pré- sident du S.M.I.X. (Syndicat mixte du Mont d’Or) m’a signi- fié une suspension adminis- trative aux motifs de “fautes graves portées à sa connais- sance.” Il s’agissait d’une plain- te pour harcèlement d’une col- laboratrice. Il a d’abord pris soin d’organiser sa réélection, m’a laissé présenter le compte administratif 2010 et le bud- get 2011 avant d’informer les élus locaux des mesures prises à mon endroit. Cette stratégie lui permettant ainsi d’éviter les questions embarrassantes qui ont fait suite, et notamment sur des points soulevés dans une lettre de soutien et d’interrogations regroupant socio-professionnels, élus, pres- tataires. Je précise qu’un grand nombre d’entre eux ont fait et font l’objet de pression et chan- tage aux contrats de la part du président, du maire de Méta- bief, d’une secrétaire du syn- dicat, aux motifs qu’ils devaient se “mêler” de leurs affaires. L.P.P. : Les conséquences ? J.-L.R. : Lors d’un nouvel entre- tien en mai, il m’a été dit que “l’enquête ne permet pas d’établir la réalité du harcèlement moral.” Ces propos ont été confirmés par écrit dans la lettre de convo- cation. La même enquête révé- lait en revanche une situation ne permettant pas la poursui- te de notre collaboration. Je tiens aussi à signaler que la plaignante a fait l’objet de nom- breux reproches sur son com- portement et ses compétences professionnelles. Elle a néan- moins été confirmée, voire confortée à son poste par le pré- sident, ce qui pose problème à certains élus locaux dans leurs délégations de sécurité. J’ai été de nouveau convoqué le 10 juin pour un entretien préalable à mon licenciement pour de réels problèmes de management des équipes. À l’époque, j’étais en arrêt-mala- die, cet entretien a été reporté au 12 juillet. J’ai souhaité être assisté par Michel Morel, vice- président du S.M.I.X. pour prendre connaissance du cata- logue d’allégations et d’approximations qui justifiait septembre dernier. Confidences, sans langue de bois. un recours contre son licenciement prononcé en

Jean-Louis Rapy a quitté Métabief par la petite porte, licencié.

més et de “ferrailler” le téléski. Par ailleurs, annoncer par voie de presse l’équilibre des comptes du syndicat en 2014 reste du domaine de l’ignorance de ses comptes et notamment de l’impact des nouveaux inves- tissements. Pour mémoire, le budget 2011 est déficitaire de 1,6 million d’euros. L.P.P. : Orex n’a-t-il quand même pas une part de responsabilité à assumer dans cet échec ? J.-L.R. : Le contrat stipulait qu’on s’occupe en priorité de la sta- tion et intégrait aussi une assis- tance à maître d’ouvrage. Depuis 2002, on a fait de multiples pro- positions, mais elles n’ont pas été retenues. L.P.P. : Que préconisiez-vous ? J.-L.R. : Un projet neige de cul- ture cohérent et suffisant, accompagné de la restructura- tion des remontées mécaniques et des pistes associées, la mise en œuvre de véritables produits marchands qui assuraient la transition du modèle écono- mique été-hiver tout en amor- tissant les investissements lourds d’hiver, et non du tir a l’arc, de l’escalade, de la ran- donnée… préconisé par le mai- re de Métabief. Un exemple : la cascade de tyroliennes qui figu- re parmi les projets conservés et qui est un produit hiver-été. L.P.P. : Que vous inspire l’avenir de Métabief ? J.-L.R. : De l’inquiétude, car nous sommes dans un contexte de budgets contraints, les sub- ventions admissibles dans le cadre des contrats de stations sont réduites, voire inexistantes. Ce qui peut conduire à revoir à la baisse les investissements avec pour conséquences de ne pas aboutir à un projet écono- miquement viable. Le “business plan” de 2002 démontrait que la viabilité du modèle écono- mique d’un investissement de l’ordre de 15 millions d’euros reposait sur 50 % de subven-

tion, ce qui reste d’actualité. Des modèles économiques dif- férents de celui de Métabief ont su progresser. La Bresse est une structure privée qui gère tous les centres de profits : remontées, hébergement et cen- trale de réservations, restau- ration, locations de skis, ainsi que tous les produits ludiques et bénéficie d’un fort engage- ment de la collectivité locale. La station des Rousses est pilo- tée par une S.E.M. qui s’occupe aussi du ski nordique, du fort des Rousses, des activités ludiques au lac, d’un parc aven- tures. Sans oublier la gestion d’une centrale de réservation avec des lits touristiques en direct ainsi que l’office du tou- risme. Ce modèle est celui qui correspondrait à la station de Métabief. Dans les conditions actuelles, il paraît difficile de séduire un investisseur sur un seul centre de profit. L.P.P. : Vous semblez en tout cas très remonté contre le président du S.M.I.X… J.-L.R. : Il me semble être dans mon droit de réponse vis-à-vis d’une personne qui a jugé mon incompétence et procédé à mon licenciement sans ménagement dans un déni de démocratie. Selon moi, Christian Bouday a obtenu son “bâton de Maréchal”, la consécration d’une vie, en prenant la présidence de ce syn- dicat, et se croit investi de tous les pouvoirs. Ses préoccupa- tions : son image, l’habillement de sa famille avec les tenues du syndicat… L.P.P. : Vos conclusions ? J.-L.R. : Pour sortir de cette impasse, il semblerait judicieux que les élus du territoire et les socio-professionnels exigent une vraie gouvernance concertée sous la présidence d’un élu lea- der et compétent autour d’un projet de territoire comme l’a souvent souhaité Michel Morel. Propos recueillis par F.C.

été, et sont excédés, ce que confirment des événements récents. La commune de Roche- jean qui délibère pour quitter le syndicat, Claude Jacquemin- Verguet, maire des Longevilles qui quitte la dernière assem- blée générale du syndicat outré du manque d’écoute du prési- dent, Michel Morel, maire de Jougne porteur de nombreuses initiatives pour le développe- ment du Mont d’Or (Contrat de station, proposition d’une struc- ture publique de développe- ment, office du tourisme de pôle, eau des étangs de la Jougnena pour la neige de culture depuis les années 2000…) qui se pose la question de sa présence tant on ignore ses initiatives. Ceci marque une vraie rupture de la gouvernance départementa- le du syndicat et de son prési- dent délégué avec le territoire. Venez, votez, et silence dans les rangs… ! L.P.P. : Que pensez-vous du projet de développement de la station ? J.-L.R. : À ce jour, il reste non structuré, non confirmé par un véritable plan d’affaires et les premières initiatives me lais- sent perplexe : engager 100 000 euros pour démonter la moitié d’un téléski hors normes qui arrive désormais au milieu de nulle part, enga- ger de l’ordre de 80 000 euros au nom d’un Accueil à conso- nanceAmérindienne par la mise en œuvre de 7 totems (troncs d’arbres importés de Savoie),

mon licenciement pour “insuffisan- ce professionnel- le” soldé par une indemnité de 900 euros. D’autre part, j’ai engagé un recours sur le fond et la forme de mon licenciement en contestant aussi mon solde de tout compte. Ces neuf années passées au développement du Mont d’Or me per- mettent d’étayer

techniciens départementaux, et le maire de Métabief, lequel s’avère difficile à suivre tant il est sensible au vent… ! En conclusion, je n’ai pas répondu à cette injonction, d’où cette mise en scène pour me licen- cier par diverses étapes évolu- tives. L.P.P. : Que pensez-vous du manage- ment du Conseil général ? J.-L.R. : Il m’interpelle sur plu- sieurs points. De trop nombreux interlocuteurs, services, des conflits d’ego, des techniciens à la politique, des élus à la tech- nique. Ces points expliquent à mon avis la non-lisibilité et les atermoiements sur les projets du Haut-Doubs. Le maintien et la caution apportée à la délé- gation d’un élu sans compé- tences et références dans les domaines du développement de l’économie touristique, et qui le démontre par ses échecs et son rejet sur les dossiers de la voie verte, la création d’un syn- dicat des zones humides, sans oublier ses choix pour le déve- loppement du Mont d’Or… Demeure cependant un ques- tionnement, une situation connue : à qui profite-t-elle ? L.P.P. : Pourquoi avoir accepté de repar- tir dans ces conditions ? J.-L.R. : C’est vrai que je connais- sais le contexte, mais au regard des neuf années d’un investis- sement personnel total et un caractère de “battant”, j’ai pen- sé pouvoir concrétiser ce chal- lenge de modernisation et de transition du modèle écono- mique de la station qui me sem- blait malgré les difficultés évo- quées accessible et excitant. J’ai été encouragé en cela par de nombreux élus, socio-pro- fessionnels et amis. Je recon- nais maintenant avoir été pré- somptueux et manqué à l’évidence de lucidité. L.P.P. : Les élus locaux sont-ils enten- dus dans la gestion de la station ? J.-L.R. : Non, ils ne l’ont jamais

“Maintenant le directeur est à ma botte.”

ces recours par la production de nombreuses pièces : dossiers, courriers électroniques, attes- tations… L.P.P. : Vous contestez tous les griefs qui vous sont reprochés ? J.-L.R. : Pour l’essentiel oui, car ces derniers n’étaient pas fon- dés au regard du contexte de management du syndicat et des choix structurels. Je concède un management directif, et non de gentil animateur de club de vacances… L.P.P. : Alors quels sont, selon vous, les vrais motifs de votre licencie- ment ? J.-L.R. : Un conflit ouvert avec le président du syndicat étayé par cette “anecdote” qui à elle seule résume une situation et des comportements. En 2010, des élus de la majorité dépar- tementale, membres du cabi- net du président et épouses sont accueillis à Métabief par Chris- tian Bouday qui a tenu ce pro- pos inclus dans un discours de bienvenue : “Ce qui a changé depuis la reprise en gestion direc- te, c’est que maintenant le direc- teur est à ma botte.” Ces propos démontrent assez bien une faible personnalité basée sur l’autorité hiérarchique en l’absence de toutes compétences techniques, de management et d’économie. Mais également des divergences de vue avec des

mais qui confir- me le maître-mot “montrer que l’ont fait quelque chose”. J’avais préconisé l’installation entre la zone de parking du tertre et la station d’un télécorde, qui per- met l’accès à la station à tous les skieurs débu- tants et confir-

“Christian Bouday se croit investi de tous les pouvoirs.”

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