La Presse Pontissalienne 148 - Février 2012

18 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 148 - Février 2012

LAUSANNE

Les étudiants français plaisent aux Suisses

L’école suisse face à l’afflux d’élèves français Reconnue mondialement, l’école polytechnique fédérale de Lausanne attire des étudiants étrangers toujours plus nombreux. Ils sont 1 300 Français à y préparer un diplôme d’ingénieur. L’E.P.F.L., financée par le contribuable suisse, revoit à la hausse les conditions d’entrée.

U n bâtiment futuriste, telle une soucoupe volante posée déli- catement au bord du magni- fique Léman. C’est ici, à Lau- sanne, que 7 762 élèves révisent leurs cours dans le “Rolex learning Center”, nom donné à ce lieu d’études de 900 places et abritant une bibliothèque de 500 000 ouvrages. Dans un cadre unique, L’école poly- technique fédérale de Lausanne for- me des ingénieurs et architectes de niveau Master (Bac + 5) encadrés par près de 3 000 scientifiques. Personne ne cache qu’une partie des bâtiments a été financée par des entreprises pri- vées comme Rolex, mais aussi Nestlé, le Crédit Suisse, Novartis, Bouygues et Logitech. En Suisse, la vie étudiante se fait à la méthode américaine, à l’image d’un campus. Qualité de vie et qualité de travail donnent à cette éco- le publique une renommée mondiale. L’école est classée 32 ème dans la hié- rarchie des universités au monde, der- rière Cambridge, première, Harvard ou Yale et au 2 ème rang des institu- tions européennes. Normal donc qu’un élève y décrochant un diplôme ait 98 % de chances de trouver un job d’ingénieur dans les 6 mois suivants.Mieux, le pre- mier salaire dépasse les 65 000 euros par an. Visiblement, les élèves fran- çais sont séduits. L’entrée se décide sur dossier : il faut au minimum avoir eu son Bac Scientifique avec unemoyen- ne égale ou supérieure à 14/20 dans les branches de maths, physique, fran- çais et une langue vivante. “ Les Fran- çais sont 1 300 étudiants et doctorants” rapporte Maya Frühauf, responsable

Le centre d’études de l’école polytech- nique de Lausanne offre d’excellentes conditions de travail, financées en partie par le privé.

du domaine de la promotion des for- mations Bachelor. “ Ce sont de bons élèves qui ont un niveau plus élevé que les Suisses lorsqu’ils arrivent.Au cours des années, cette différence de niveau s’estompe…Soit les Suisses se mettent au niveau des Français ou inversement” déclare de son côté Daniel Chuard, res- ponsable du domaine de la formation. Leur nombre fait parfois réagir nos voisins. L’école, publique, est en effet financée par les impôts des contri- buables suisses permettant à l’E.P.F.L. d’offrir un coût d’inscription beaucoup moindre qu’une grande école. Comp- tez 630 C.H.F. par semestre (environ 1 000 euros par an). Ajoutez à cela les frais annexes que sont le logement, très cher ici, la nourriture, et vous obte- nez une année d’étude à environ 22 000 C.H.F. C’est le prix à payer pour béné- ficier de filières généralistes et spé- cialités introuvables en France, com- me celles proposées dans le domaine de l’environnement, le niveau de l’école, des professeurs parmi les meilleurs chercheurs, 190 possibilités d’échange avec les meilleures universités euro- péennes, américaines, russes ou asia- tiques, des stages en entreprise, etc. “Selon les retours qu’on a d’entreprises comme IBM, Nokia, Google, nos étu- diants sont très appréciés lorsqu’ils y vont en stage” ajoute Maya Frühauf qui se réjouit que les accords bilaté- raux aient facilité les choses. “ Aujour- d’hui, 125 nationalités sont représen- tées sur le campus” , calcule-t-elle. Les tensions sont inexistantes. Si les jeunes se chambrent, c’est réglo. En revanche, la question du logement

demeure l’un des points noirs de l’école qui construit néanmoins en ce moment près de 500 chambres, financées par l’entreprise Crédit Suisse qui (re)louera ses logements aux étudiants. L’occasion de pallier ce déficit tout en créant un immense centre de congrès. Pour ceux ne maîtrisant pas la langue française, il leur est plus difficile de trouver un appartement loué par un résident suisse. “ Nous tentons de com- muniquer dans ce sens-là afin d’ouvrir la location à plus de monde.” Au début d’année, il est arrivé que des jeunes dorment quelques jours au camping, en bord de plage, faute d’avoir trouvé un lit où dormir. Il n’empêche, l’établissement a com- pris que sa diversité faisait sa force. “ Le bouche à oreille fonctionne très bien et c’est vrai que nous avons toujours plus de demandes d’étudiants. Si cet- te part d’étudiants étrangers est visible, c’est une force car ils participent à la valeur ajoutée. Pour les trois quarts d’entre eux, ils développent des start- up dans notre pays et assurent 8 % de croissance. C’est une chance” avoue la responsable de la promotion de la for- mation, qui vient prêcher pour son éco- le dans les lycées de Besançon ou de Pontarlier. Bons élèves, les Français ont fait leur place ici et donné l’envie à d’autres. Une fois leur diplôme en poche, beau- coup sont embauchés dans les grandes entreprises mondiales. La rigueur suis- se séduit mais le ticket d’entrée à l’E.P.F.L. sera de plus en plus dur à oblitérer. E.Ch.

“À leur arrivée, les élèves français sont

un peu meilleurs que les Suisses” déclare Daniel Chuard.

TÉMOIGNAGE Vie entre étudiants Axelle, de Xavier-Marmier à Polytechnique À 21 ans, la Pontissalienne ne regrette surtout pas son choix éducatif. Elle n’a jamais ressenti de tensions avec les Suisses.

L es partiels terminés, Axelle va souffler. Peut-être dans sa famil- le, à Pontarlier.À 21 ans, la jeu- ne femme termine sa troisième année en sciences du vivant à l’E.P.F.L., école découverte lors d’un forum d’information à l’orientation alors qu’elle était en terminale au lycée Xavier-Marmier de Pontarlier. Entre médecine ou l’E.P.F.L., son choix a été vite tranché. Les points positifs ont eu tôt fait de la convaincre : “P roximité avec Pontarlier, école répu- tée, cadre de vie, tuteurs pour conseiller” étaient autant d’éléments garantissant un apprentissage de qualité pour elle. “ Mon père, ingé- nieur en Suisse, m’a poussé égale- ment vers cette école” ajoute Axelle Vallet.

Française, elle a pu louer un appar- tement à Ouchy, dans la banlieue de Lausanne pour un loyer de 700 C.H.F. par mois. Si elle avoue peu fréquenter les Suisses une fois les cours terminés, elle n’évoque aucu- ne tension des Suisses envers les Français. “Il y a plein de nationali- tés ici. Aucun problème avec cela. Tout se passe très bien” dit-elle. L’année prochaine, elle pourrait quit- ter la Suisse pour les États-Unis afin d’y faire un stage en entrepri- se en bio-ingénierie avant de reve- nir, pourquoi pas, dans un grand groupe basé en Suisse. La Françai- se pourrait, à son tour, devenir fron- talière. Ici et plus qu’ailleurs, les étudiants savent que l’avenir éco- nomique est ici, en Suisse.

EMPLOI Tensions sur le marché Une charte de bonne

Axelle Vallet termine sa troisième année à l’école poly- technique de Lausan- ne. Elle s’y sent bien.

conduite avec Swatch

Les autorités françaises se mobilisent pour que l’implantation annon- cée d’une nouvelle usine Swatch à la frontière franco-suisse de Bon- court (Jura suisse) ne vide pas les usines françaises de leurs salariés.

L a méfiance, elle existe par- fois des deux côtés. Ici, ce sont les autorités françaises qui veulent se prémunir contre les risques que pourrait repré- senter l’arrivée de Swatch en 2013 à Boncourt (vers Delle), celui de vider les entreprises françaises de sa main-d’œuvre qualifiée. Car à d’ici 2020, c’est près de 1 000 nouveaux emplois que le groupe Swatch devrait

l’horloger suisse, durant plu- sieurs années, “pour atteindre 800 à 1 000 emplois à l’horizon 2020.” Pour la première fois dans les relations franco-suisses, un dia- logue a été engagé pour antici- per cette création massive d’emplois qui paradoxalement effraie les industriels français. “L’idée est que cette implanta- tion se fasse dans de bonnes conditions des deux côtés de la frontière : en créant une offre de formation nouvelle qui pourrait être destinée aux demandeurs d’emploi français, qui évite ain- si à Swatch de venir “piquer” les salariés dans les entreprises françaises” résume un acteur de ce dossier. Tous les organismes de forma- tion positionnés sur la méca-

nique (C.F.A.I., etc.) seront donc mobilisés pour adapter rapide- ment leurs offres de formation. Swatch est partenaire de cette initiative originale pilotée côté français par les services de l’État et le Conseil régional de Franche-Comté. Cette nouvel- le offre de formation à mettre en place avant la fin de cette année comprendra deux volets : un socle de compétences géné- raliste et un volet de spéciali- sation conduisant à des quali- fications propres aux besoins des entreprises. “Parallèlement, la piste d’un groupement d’employeurs sera étudiée, et l’élaboration conjointe avec nos partenaires suisses d’une “char- te de bonne conduite” sera enga- gée” assurent de concert l’État et la Région.

créer ici, à la lisiè- re du Doubs et du Territoire-de-Bel- fort. Dès 2013, 200 salariés devraient déjà travailler dans ce nouveau site et l’activité devrait croître, selon les prévisions de

Swatch est partenaire de cette initiative.

Made with FlippingBook Learn more on our blog