La Presse Pontissalienne 148 - Février 2012

16 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 148 - Février 2012

POLITIQUE

Deux politiques suisses, deux visions

“Priorité aux chômeurs genevois !” Président du parti du Mouvement citoyens Genevois, Éric Stauffer ne se présente pas comme un “anti-frontalier” mais demande qu’une préférence nationale soit instaurée à l’embauche. À Genève, son discours plaît.

L a Presse Pontissalienne : Doit- on vous présenter comme le défenseur des Genevois ou comme le plus grand cauche- mar des frontaliers ? Éric Stauffer (président du M.C.G.) : Non, je ne suis pas contre le frontalier en tant qu’individu mais il paraît anormal d’embaucher des personnes de Bordeaux ou de Lille alors que nous pourrions embaucher nos chômeurs résidents. L.P.P. : Vous revenez donc sur les accords bilatéraux ? E.S. : Oui car le système ne fonc- tionne pas. Prenons l’exemple de la formation des infirmières : la Suisse a décidé de ne pas investir dans leur formation si bien que nous sommes obligés de recruter des infirmières fran- çaises. Nous n’investissons pas assez.À compétence égale, nous demandons que les entreprises embauchent les chômeurs rési- dents. Et même si les compé- tences sont supérieures pour un frontalier, il faut prendre un Genevois.

Front National chez vous, nous ne reconnaissons pas le droit du sang (du sol). Nous ne sommes pas un mouvement national. Lors des élections municipales, nous avons fait un carton plein chez les Suisses de la communauté étrangère, que nous défendons. L.P.P. : La hausse de la précarité en Suisse, phénomène encore tabou, peut-elle expliquer vos bons scores aux élections municipales en mars 2011 (9,3 %) ? E.S. : Nous avons ce que l’on ne connaissait pas avant : les “wor- king poors” (travailleurs pauvres). À Genève, il y a envi- ron 16 000 chômeurs, soit 7 % de la population et des demandes toujours plus nom- breuses pour obtenir des aides sociales. Cela ne nous dérange pas que les frontaliers aient un meilleur niveau de vie que le Suisse grâce à la force du franc mais nous réclamons cette prio- rité nationale !

L.P.P. : Comment allez-vous faire dans un contexte de globalisation du mar- ché du travail ? E.S. : Le Conseil d’État, juste avant Noël, a pris une impor- tante décision. Les régies publiques – T.P.G., aéroport, Hôpitaux… – seront tenues de vérifier auprès de l’Office can- tonal de l’emploi avant toute délivrance d’un permis de tra- vail si un chômeur ne peut pas être engagé. La même mesure a été prise à l’État de Genève. Il s’agit d’un premier pas, qui n’est pas suffisant pour leM.C.G. Nous devons aller encore plus loin en faveur d’un engagement volontariste des résidents gene- vois, qui sont les victimes du jeu de massacre régnant dans le marché européen de l’emploi. Avec la casse que chacun connaît. L.P.P. : Si nous devions vous compa- rer à un politique français, seriez-vous d’extrême-droite ? E.S. : Absolument pas ! Nous défendons tous les résidents suisses et contrairement au

Populiste, le M.C.G. d’Éric Stauffer est reconnu à Genève mais s’exporte mal dans les autres cantons.

RÉACTION “Sans frontaliers, les entreprises fermeraient” Député P.S. vaudois et ancien syndicaliste Unia de l’horlogerie, Nicolas Rochat-Fernandez est fier du développement économique de la Vallée de Joux. Les frontaliers sont une chance estime-t-il. Reste à gérer la thématique de la mobilité.

Propos recueillis par E.Ch.

L a Presse Pontissalienne : Le député socialiste que vous êtes soutient les frontaliers. Est-ce une position à la mar- ge en Suisse ? Nicolas Rochat-Fernandez : Non. Ce que je soutiens, c’est l’emploi et le respect des conditions de travail aussi bien pour les tra- vailleurs suisses que pour les frontaliers. J’œuvre pour le développement économique de la Vallée de Joux qui accueille 6 000 emplois pour 6 000 habi- tants. L.P.P. : Les villages du Sentier ou du Chenit ont fortement évolué grâce au développement de l’horlogerie. LaVallée de Joux n’est-elle pas deve- nue une cité-dortoir ? N.R. : Nous avons perdu de la population il y a trente ans et connaissons actuellement une sensible augmentation. Je ne pense pas que nous soyons une ville de pendulaires, car un développement autour des com- merces se structure : nous sommes fiers de notre déve- loppement économique et sur le fait que des personnes aient parié sur l’horlogerie au début des années quatre-vingt. Ceci est dû à nos entrepreneurs et à l’école professionnelle. L.P.P. : Les frontaliers sont donc une valeur ajoutée à vous entendre ! N.R. : Oui, c’est une chance car sans frontaliers, nous ferme- rions nos entreprises. L.P.P. : Ce n’est pas la vision de l’ensemble de vos compatriotes à écouter le parti U.D.C. Ou le M.C.G..Percevez-vous cette montée du nationalisme ? N.R. : C’est difficilement quan- tifiable. En Vallée de Joux, nous ne connaissons pas les tensions existantes à Genève ou dans les montagnes neu-

châteloises car notre taux d’emploi est très bon. L.P.P. : La fracture entre salariés suisses et français n’est-elle pas consommée avec un franc suisse fort ? N.R. : Les Suisses sont conscients que le mécanisme peut être inverse. Le seul outil permet- tant d’éviter les divisions, c’est le salaire minimum et les conventions collectives. Pro- poser un salaire minimum de 4 000 C.H.F. à un horloger non qualifié, c’est éviter le dum- ping salarial. J’y suis favorable. S’il existe des tensions aujour- d’hui, c’est parce que les richesses ont été inégalement réparties entre les salariés. L.P.P. : Sur le terrain, le citoyen suis- se ne vous interpelle donc pas sur le problème des transports ou des réalités économiques ? N.R. : Bien sûr, il m’arrive lors de mes rencontres d’être inter- pellé par des personnes crai- gnant le chômage. Pour les problèmes de mobilité, nous avons à l’échelon régional orga-

nisé un plan de mobilité avec le développement des lignes de bus, covoiturage, parcs.Nous voulons développer le trans- port public d’une façon homo- gène, relancer le train des fron- taliers et pourquoi pas réhabiliter la ligne désaffec- tée de Jougne. L.P.P. : Vos adversaires de l’U.D.C. vous font-ils peur à quelques semaines des élections cantonales (mars) ? N.R. : Non. Ce sont des pom- piers pyromanes qui ne pro- posent aucune solution. C’est un parti qui divise et non qui rassemble. Si on prône leur programme, c’est le chômage assuré. La Suisse a toujours eu besoin de l’immigration. Les Suisses savent que le fron- talier crée de la richesse… L.P.P. : Idéalement, il faudrait que le travailleur étranger choisisse de s’installer chez vous. N.R. : C’est vrai que nous serions heureux que des frontaliers s’installent ici… Propos recueillis par E.Ch.

Pour Nicolas Rochat-Fernandez (P.S.), le frontalier est source de richesse.

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